Chaque année, du 1ᵉʳ novembre au 31 mars, la trêve hivernale suspend les expulsions locatives. Mais cette protection ne concerne qu’une partie des personnes mal-logées.
« Les gens dans la rue, ou ceux qui vivent dans des squats ou des bidonvilles, ne sont pas concernés. La trêve ne change rien pour eux », déplore Annie Richard, bénévole engagée au sein de la Ligue des droits de l’homme (LDH) depuis maintenant 18 ans.
Une section locale très active
L’antenne nantaise de la Ligue des droits de l’homme compte plus de 250 adhérent.es, dont environ une cinquantaine de bénévoles actif.ves. Toutes et tous œuvrent à la défense des libertés publiques, contre les discriminations et pour l’accès effectif aux droits.
« La LDH, c’est une association généraliste, explique Annie Richard. On fait de la politique au sens noble du terme, celle qui s’intéresse à la vie de la cité et à la défense des droits humains. »
Si les profils sont variés (jeunes, retraités, juristes ou non), un constat revient souvent : « On manque de bras, surtout dans certains domaines comme celui du logement. » Pourtant, n’importe qui peut s’engager, il suffit d’adhérer à l’association. « On ne fait pas de tri, pas de discrimination non plus », sourit celle qui, pour avoir présidé la section nantaise pendant six années, en est aujourd’hui l’une des trois présidentes d’honneur. Pas besoin de compétences particulières non plus, car « elles viennent aussi avec le travail » fourni.
Le logement, un droit fondamental
Au sein de la LDH, le combat pour le logement n’occupe pas forcément une place prépondérante. Or, selon la militante, la question du logement reste centrale. « Sans logement, difficile d’accéder à la santé, à l’éducation ou au travail. Tous les autres droits deviennent conditionnels », précise-t-elle.
Mais sur le terrain, la situation est alarmante : familles à la rue, enfants scolarisés dormant dans des voitures, bidonvilles qui perdurent… Selon les estimations croisées de médias et d’associations locaux, entre 8 000 et 10 000 personnes seraient aujourd’hui sans-abri sur la métropole nantaise.
Dans un contexte de grand froid, la préfecture se donne malgré tout les moyens, comme en janvier 2024. Mais lorsque celui-ci s’installe, l’État n’agit qu’à la marge : « Le plan grand froid n’est déclenché qu’à partir de –4 °C. Comme si, à 3 °C, dormir dehors était vivable. »

La section nantaise de la LDH partage avec d’autres associations des locaux de l’ancienne manufacture des tabacs à Nantes. Photo : Armel Bihan, le 14/11/2025
Face à l’ampleur de la crise du logement, la LDH agit rarement seule. Elle est membre actif de l’intercollectif nantais « Personne à la rue ! ». Créé en 2016, celui-ci regroupe une quarantaine d’associations et syndicats (DAL, MRAP, Maison du Peuple, etc.). Ensemble, ils mènent des actions publiques, des collectes et redistributions, des « vigies » en centre-ville (tous les troisièmes samedis du mois) et des mobilisations pour visibiliser le mal-logement.
« L’idée, c’est de peser davantage, précise Annie Richard. Une seule association, ça ne suffit pas. » La bénévole représentait d’ailleurs l’intercollectif lors de la chronique mensuelle de la LDH sur la radio nantaise JetFM, dans le contexte du début de la trêve hivernale.
Relations tendues avec la préfecture, coopération avec la mairie
La LDH Nantes entretient des relations quasi inexistantes avec la préfecture. Sont systématiquement opposés besoins et manque de moyens. « On écrit, mais on ne reçoit pas de réponse. La dernière fois qu’on a voulu déposer des demandes de réquisition, on n’a même pas été reçus », raconte-t-elle amèrement.
L’intercollectif « Personne à la rue ! » constate ainsi que l’État ne respecte pas son devoir de mise à l’abri de ces familles en détresse, ni celui d’accompagnement. Parfois, le tribunal condamne la préfecture et ordonne cette mise à l’abri. Mais bien souvent, les associations réalisent qu’elle rechigne ensuite à s’exécuter.
À l’inverse, les échanges avec la mairie de Nantes sont jugés « corrects et constructifs ». « La mairie n’a pas la compétence de l’hébergement, mais elle agit. Par exemple, elle a soutenu la création d’une “maison du premier accueil” issue d’un projet porté par notre intercollectif “Personne à la rue !”. »
Baptisé « Premier accueil familles », ce lieu a ouvert en 2023 et offre 40 places d’hébergement temporaire pour des familles signalées par les associations. « Le plus jeune accueilli avait dix jours, s’indigne la militante. Ce nourrisson était dehors avec sa mère peu après l’accouchement… »
Le 1 % métropolitain, un dispositif bienvenu mais sous-utilisé
La bénévole évoque aussi une mesure locale prometteuse : le « 1 % métropolitain pour le sans-abrisme ». Voté en 2021, ce dispositif consacre 1 % du budget de Nantes Métropole à la lutte contre l’exclusion liée au logement. La Métropole comptait déployer près de 10 millions d’euros jusqu’en 2026 grâce à ce fonds, mais dans une lettre ouverte publiée le 12 mars 2024, l’intercollectif « Personne à la rue ! » regrettait une faible utilisation. De fait, à ce jour, seules cinq communes sur vingt-quatre semblent avoir engagé des projets. « Il faudrait une vraie volonté politique pour en faire un levier fort », souligne Annie Richard.
#personneALaRue Lettre ouverte aux élus métropolitains concernant le fond de soutien et de lutte contre le sans-abrisme : utilisation et mise en œuvre du 1% du budget métropolitain – Appel à présence ce vendredi 12 avril – 8h30 – devant la Cité des congrès de Nantes pic.twitter.com/2ivQZ9BfYo
— LDH Nantes &pays nantais (@LdhNantes) April 11, 2024
Pour la LDH, la clé réside là : la volonté politique. « On sait bien qu’il n’y a pas assez de logements sociaux, mais avant tout il faut créer des lieux d’hébergement. Quand on veut, on trouve les moyens. » Et de rappeler que l’hébergement d’urgence n’est pas une faveur, mais un droit inscrit dans la loi : « C’est dans le Code de l’action sociale et des familles, et dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. »
Au-delà de la question du logement, la LDH appelle les Nantais.es à rester vigilant.es face aux atteintes aux droits et libertés. « C’est notre rôle, historique depuis 1898. Quand les libertés reculent, la LDH est là », insiste la présidente d’honneur. Et si l’association manque de moyens, elle ne manque pas de conviction : « Dans une société qui se dit démocratique, il est inacceptable d’abandonner des milliers de personnes à la rue. »