• Kevin et Amine, le duo derrière Instaderv.
21 juillet 2023

InstaDerv : « Quand je vois toutes les cases qui sont remplies d’articles, j’ai un sentiment de fierté »

Depuis 2022, Fragil accompagne deux adolescents nantais dans la production de reportages pour leur média dédié au quartier des Dervallières. Retour sur ce projet qui permet aux deux jeunes journalistes de sortir de leur zone de confort.

InstaDerv : « Quand je vois toutes les cases qui sont remplies d’articles, j’ai un sentiment de fierté »

21 Juil 2023

Depuis 2022, Fragil accompagne deux adolescents nantais dans la production de reportages pour leur média dédié au quartier des Dervallières. Retour sur ce projet qui permet aux deux jeunes journalistes de sortir de leur zone de confort.

Assis autour d’une table dans les locaux de Fragil, Amine et Kevin finalisent leur dernier article : un reportage sur la fête de fin d’année de l’association qui les accompagne depuis un an et demi. Comme quasiment toutes les semaines depuis mars 2022, le duo d’adolescents de 15 ans s’exerce à la pratique du journalisme en alimentant son propre média sur Instagram : Instaderv. Dédié à l’actualité du quartier nantais des Dervallières, ce compte publie régulièrement le travail des jeunes journalistes. Portraits de figures associatives du quartier, interview d’artistes en résidence à la Fabrique Dervallières, retour sur des activités proposées aux habitant·es… près d’une vingtaine de reportages ont ainsi été réalisés par ces deux amis d’enfance curieux et motivés.

Tout commence fin 2021 par la rencontre entre l’association Fragil et Amine, qui participait alors au projet Reporters du Chateau des Ducs, comme l’explique ce dernier : « j‘ai rencontré FX (ndlr : salarié de Fragil) qui à la fin des Reporters du Château m’a proposé de continuer mon expérience dans le journalisme et de continuer à faire des articles ». L’association nantaise d’éducation aux médias était alors financée dans le cadre du Contrat de Ville pour créer un média avec les jeunes habitants des Dervallières. Kevin rejoindra l’aventure, invité par son ami d’enfance, et Instaderv était né.

Kevin et Amine, le duo derrière Instaderv.

Kevin et Amine, le duo derrière Instaderv.

Chaque mercredi, les deux adolescents ont ainsi investi les locaux de Fragil pour alimenter leur propre média en lien avec le quartier des Dervallières. Dans des séances d’une heure, ils peuvent choisir de nouveaux sujets, partir en reportage, ou s’atteler à la rédaction de leurs articles, selon leur envie du moment, mais toujours accompagnés par les salarié·es de l’asso. »Chaque semaine, ça me plaît de venir faire ça, ça me plaît à chaque fois d’avoir un nouveau truc à faire« , assume Kevin. « En explorant le quartier, on a découvert les ficelles du journalisme« , témoigne Amine. Kevin complète : « on a appris à préparer des questions pour des interviews. On a appris à structurer un texte pour un article » . Fragil est « toujours là pour nous aider s’il y a un truc qu’on n’arrive pas, je trouve ça très bien », poursuit-il.

Le compte du média InstaDerv sur Instagram.

La page du média Instaderv sur Instagram.

Les apprentissages ne s’arrêtent pas là pour les deux collégiens qui, au-delà du journalisme, ont pu travailler leur orthographe, leur grammaire, tout en améliorant leur rapport aux autres. « On a rencontré beaucoup de personnes, du coup je me suis amélioré aussi à l’oral. Je m’exprime beaucoup plus facilement par exemple« , nous explique Kevin. En allant à la rencontre des associations du quartier et en devant se faire prendre aux sérieux par les adultes, les ados ont ainsi pu développer leur aisance en public. 

Dernières retouches avant publication d'un article sur InstaDerv.

Dernières retouches avant publication d’un article sur InstaDerv.

« Quand on regarde la page Instagram et que je vois tous les toutes les cases qui sont remplies d’articles, j’ai un sentiment de fierté« , nous avoue Amine au regard de la vingtaine de reportages déjà réalisés. Un sentiment que l’équipe de Fragil va tout faire pour entretenir en continuant d’accompagner les deux jeunes dans leurs envie de développement à partir de l’année prochaine : « on aimerait pouvoir recruter plus de monde pour nous aider à faire vivre le média » indique Amine. Et puis il y a aussi cette idée qui trotte dans la tête des deux ados… inspirés par l’expérience InstaDerv, ils sont « en train de travailler en ce moment pour créer un média entre [eux] », et ils pourront compter sur Fragil pour les aider dans cette nouvelle aventure.

Monstres et compagnie : un bestiaire fantastique à observer au muséum d’histoire naturelle

Nouvelles mobilités à Nantes : notre dossier pour les questionner

Chargé de projets numériques et médiatiques chez Fragil depuis 2017, musicien, auteur, monteur... FX est un heureux touche-à-tout nantais. Il s'intéresse aux musiques saturées, à l'éducation aux médias, aux cultures alternatives et aux dystopies technologiques.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017