D’habitude, la rentrée associative évoque plutôt un grand festival. Dans un bon esprit général, chacun s’adonne à ce qui lui tient à cœur. Par ici les activités sportives, par là les pratiques artistiques ou les actions sociales. Chaque année, on se félicite de voir des équipes déployer leur énergie avec passion. Car passionné il faut l’être pour donner autant du bien le plus précieux du XXIe siècle – le temps –, pour une si piètre reconnaissance, même si on salue parfois le rôle de ces « acteurs sociaux ».
Annonce brutale
A Nantes, qui compte 6 000 associations, comme dans d’autres villes où le tissu associatif est particulièrement riche, l’annonce en plein été du gel brutal des emplois aidés a jeté un grand froid. Alors que 2016 totalisait 459 000 contrats aidés en France, et que, baisse comprise, ils devraient être environ 300 000 cette année, le quota pour 2018 serait fixé à « moins de 200 000 » contrats. Le gouvernement ne s’embarrassant pas de préavis, bon nombre de structures ont dû revoir leur rentrée, en annulant des activités.
Des associations se mobilisent, comme le collectif Inter-associatif Nantes, qui invite aujourd’hui à rejoindre l’appel du CAC (Collectif des Associations citoyennes), pour une « journée noire » le 18 octobre prochain. Certains élus (car, rappelons-le, le dispositif concerne aussi les collectivités territoriales et entreprises publiques), demandent au gouvernement de revenir sur sa décision. Ça et là, de crèche en quartier prioritaire, des postes se rouvrent, des financements sont trouvés. Certains y voient un savant et mesquin calcul : annoncer un chiffre le plus bas possible et accorder des dérogations pour adoucir les colères. Une manière de faire oublier que les contrats aidés compensaient (aussi) un sous-financement de la part de l’État ?
Un État n’est pas une entreprise
Pour sa défense, le gouvernement avance que les contrats aidés n’entraînent pas suffisamment de retour à l’emploi. Nous ne nous attarderons pas sur les chiffres, les statistiques sont de tous les partis, et chacun sait les faire parler dans son sens. Ils sont jugés trop chers aussi. Les travailleurs précaires auraient bien quelques conseils à donner à l’État pour économiser, mais ça aussi c’est un autre sujet. En contrepartie des suppressions d’emplois aidés, il propose de renforcer les formations. Alors quoi, il serait temps de trouver « un vrai travail » ? Derrière cette lutte, urgente, se cache un autre problème, celui de la précarisation constante des milieux socio-culturels. Le succès de ces contrats aidés, destinés aux personnes « en difficulté sur le marché du travail » (soit les demandeurs d’emploi de longue durée, les bénéficiaires du RSA, les personnes handicapées, les personnes de plus de 50 ans au chômage, les jeunes sans aucune qualification…) souligne à quel point il est de plus en plus fréquent de glisser dans cette situation. L’écart ne cesse de se creuser entre niveaux de compétences et salaires. Pousser ces mêmes personnes à suivre des formations ne fait que travestir temporairement les chiffres, tout en démaillant un tissu associatif essentiel au vivre-ensemble si cher aux politiques.
Pourtant, l’avenir, c’est-à-dire dans 5 minutes, se joue là, sous notre nez et non dans des projections à 2 ans. Au coin de la rue, à l’échelle du quartier, de la ville, du quotidien. Un État n’est pas une entreprise, et il serait grand temps de faire la distinction entre rentabilité et utilité publique.