19 avril 2022

Fermeture du Michelet : faute de repreneur, la scène métal nantaise perd un lieu emblématique

Le 30 avril 2022 sera le dernier jour d’ouverture du Michelet. La salle de concert nantaise était très appréciée par les amateurs et amatrices de rock et de metal, et s’imposait même comme un lieu important pour les artistes, les bénévoles et ses habitué·e·s.

Fermeture du Michelet : faute de repreneur, la scène métal nantaise perd un lieu emblématique

19 Avr 2022

Le 30 avril 2022 sera le dernier jour d’ouverture du Michelet. La salle de concert nantaise était très appréciée par les amateurs et amatrices de rock et de metal, et s’imposait même comme un lieu important pour les artistes, les bénévoles et ses habitué·e·s.

«Je l’ai appris comme tout le monde, avec l’annonce qui a été postée sur Facebook le 09 mars. Ça a été un peu un choc », rapporte Quentin. En tant que bénévole à la scène Michelet depuis 2019, il a aidé à plusieurs reprises pour la billetterie, le scan des pass sanitaires et les changements de plateaux lors des concerts. « C’est la salle de concert que je fréquente le plus, j’ai commencé à y venir à une période un peu difficile de ma vie et à l’époque, j’avais proposé d’aider Chloé dans le cadre de l’association Erato (association artistique organisatrice d’événements). Ça m’a plu, alors j’ai continué ».

« On était dans le studio de répèt’ lorsqu’on a lu le post », rapporte Romu des Birds of Nazca. « On a été étonnés, c’est un peu brutal comme annonce, surtout qu’on y jouait quelques jours plus tard pour le RippleFest du 18 mars ».

Les Birds of Nazca en concert lors de la West Stoner Session au Michelet en octobre 2021

« Le monde de la nuit peut plomber ceux qui y travaillent »

L’annonce a surpris un grand nombre de personnes. Toutefois, le fondateur de la scène Michelet Olivier Piard avait envie d’arrêter depuis 2018 : « Le Michelet, c’était 200 dates à l’année. Sur les 200, j’en organisais 120, Simon 40 et Ben 40. Avec l’activité du bar, ça me faisait des semaines à 70-80 heures. Avec d’autres activités comme mes cours à Polytechnique à Angers, mes enfants… J’ai fini par avoir d’autres priorités. D’autant plus que je suis tombé malade en août 2021. J’ai continué, mais j’aurais dû arrêter avant ».

Tom, du groupe de metal FT-17, témoigne : « Lorsque j’ai vu l’annonce de la fermeture, j’ai été surpris, mais je comprends la situation. Le monde de la nuit peut finir par plomber les gens qui y travaillent, je le sais car j’y ai travaillé aussi ».

« Je voulais transmettre l’entreprise aux salariés »

Olivier voulait que l’équipe d’organisateurs prennent la suite. « J’aurais aimé laisser l’entreprise aux salariés, c’était vraiment mon objectif : sur ces dernières années on a fait énormément de travaux, la terrasse a été refaite, la cuisine remise à neuf, la refonte du logo… Tout cela était dans l’optique de réussir une transmission. Mais il a manqué une tête dirigeante capable de prendre ma place. Je pensais que quelqu’un prendrait mon poste pour la coordination générale, quelqu’un de suffisamment transversal pour passer de la technique à la programmation en passant par le bar, mais il nous a manqué le temps de formation nécessaire pour cela, surtout dans cette période extrêmement compliquée».  Olivier explique pourquoi ils ne pouvaient pas réduire cette cadence de 3 à 4 concerts par semaine : « le modèle économique est basé sur la rentabilisation de l’espace de travail. On a fonctionné quasiment sans subvention, entre 2 à 5 % par la ville de Nantes, là où des salles équivalentes à la nôtre ont entre 40 et 70% de subventions d’autres organismes comme la DRAC, le CNM. On est restés indépendants jusqu’au bout, on a essayé de s’institutionnaliser pendant le Covid mais ça a entraîné des lourdeurs administratives, l’équipe y passait 50% de son temps. Pendant tout ce temps passé sur l’administratif, on ne s’occupait pas de la partie spectacle ». 

Un tremplin pour des groupes peu connus

Si l’annonce a ému les habitué·e·s, les bénévoles et les artistes, c’est notamment parce que « le Mich’ » avait une place particulière dans le cœur des amateurs de rock et de metal.  

Quentin explique bien en quoi ce lieu se démarquait : « Pendant son existence, la scène Michelet a été une salle intermédiaire pour certains groupes peu connus, mais aussi des groupes internationaux. Il y a par exemple le groupe Conan qui était passé en 2017 et allait jouer deux ans plus tard au Hellfest ». Au sein du Michelet se tenait également les soirées “Paillette Party” organisées par le collectif Bubble Gum, une scène ouverte Drag king/queen et queer. Quentin témoigne « les Paillette Parties, ça aussi c’était cool. Ça a renforcé le côté “safe place” du lieu, et l’ambiance était chaleureuse ».

Guillaume et Romu sont passés à quatre reprises par le Michelet. « Lorsqu’on y a joué pour la première fois, c’était en novembre 2019, l’année de création des Birds. Ben de l’équipe des organisateurs nous avait contactés alors qu’on n’avait sorti qu’un seul morceau. Il nous a fait confiance. L’équipe était très à l’écoute de la scène locale, ils allaient volontairement chercher des petits groupes pour compléter les affiches. C’était un bon pied à l’étrier pour des groupes peu connus ».

Le groupe FT-17, nommé auparavant Ad Extirpenda qui s’est produit sept fois au Michelet, avec un dernier passage en septembre 2019. Tom, le chanteur, déclare : « l’avantage de la scène Michelet, c’est que la salle pouvait facilement être louée, avec un prix abordable. Et c’était sympa d’y passer avec d’autres groupes undergrounds ».

FT-17 en concert.

L’espoir d’une relève 

En tant que cliente occasionnelle, Cindy témoigne « Le Michelet, j’y suis allé à quelques reprises, notamment pour voir un ami qui y a joué à deux reprises. Si le lieu disparaît, ça enlève une scène potentielle pour beaucoup de groupes. J’espère qu’il y aura une relève. Leur terrasse est la plus belle de Nantes, ce serait un gâchis de ne pas réinvestir le lieu par une autre bonne scène »

Cependant, l’avenir du lieu en tant que café-concert est plus qu’incertain. Olivier explique : « Aujourd’hui, je reçois plus de propositions pour les 400 m carrés que pour l’activité de café-concert. Il y a peu de foncier disponible sur Nantes ». Pour les concerts prévus aux mois de mai et juin, il indique avoir sollicité Trempolino « J’ai essayé d’appeler Trempo à deux reprises pour qu’ils reprennent les groupes qui allaient passer chez nous, mais j’ai pas eu de réponses. Je ne comprends pas ».

Les FT-17, eux, connaissent bien le Trempolino. Tom témoigne : « Pour nous, les répétitions  se font au Trempo. On a réussi à y choper un créneau horaire le samedi, et c’est toujours le même depuis 10 ans. Effectivement, au Trempolino, la programmation est éclectique, mais il y a quelques groupes de rock/metal qui y répètent. En tout cas, les conditions pour y répéter sont bonnes, c’est dans ces studios qu’on a fait les enregistrements de nos albums ». Il reconnaît les avantages de la scène Michelet lors de ses passages en concert : « on n’aura plus de lieu aussi facile d’accès. La salle pouvait contenir 140 ou 150 personnes, il n’y a pas d’équivalent sur Nantes. Si je prends l’exemple du Ferrailleur, il y a bien 300 places, mais c’est plus cher, et il faut passer par une asso. D’autant plus qu’avec la fermeture du Michelet, ça va se bousculer pour y aller. Je ne vois pas quel autre endroit peut prendre le relais. Le Floride ? Ils n’ont pas le matos qu’on pouvait avoir au Michelet ». 

Quel lieu peut remplacer le Michelet ? 

Romu témoigne « Si ce lieu n’existe plus, ça peut permettre à d’autres sites d’émerger. Je me souviens lorsque l’Olympic (ancienne salle de concert à Chantenay) avait fermé, c’était considéré comme la fin d’un lieu “important” sur Nantes. Et la Scène Michelet fait partie de ces lieux importants de la scène nantaise ».  Guillaume rebondit : « lorsque l’Olympic a fermé, Stereolux a repris la suite. Oui, c’est un autre registre, une autre scène, mais le Stereolux a fait bouger beaucoup de choses. C’est une grosse structure, plus professionnelle mais elle est aussi beaucoup plus éclectique, contrairement au Michelet qui est axé sur le rock. Pour nous, en tant que groupe nantais, on va trouver des endroits à droite à gauche, plein de bars organisent des concerts, mais la scène Michelet était à part, il y avait une aura. Lorsque tu jouais là-bas, tu le mettais sur ta carte de visite. Il y avait un côté DIY (do it yourself) dans l’esprit. Au-delà du simple lieu de vie, c’était un endroit réputé dans toute la France pour faire passer des groupes qui jouent fort ».

Un graph de la cour extérieure

Quentin concède qu’il ne sait pas encore où se retrouveront les fidèles du Michelet, comme les Lords of the Valley, un collectif de passionnés de metal Stoner. « On se verra dans les salles comme le Stereolux ou à la scène Valley du Hellfest. En ce qui me concerne, j’aime bien certains concerts proposés par le Café du Cinéma, je pense aussi au bar Lune Froide, mais ce n’est pas comparable à ce qu’on trouve au Michelet ».

Il indique également qu’il aimerait poursuivre son activité de bénévole, avec d’autres acteurs de la scène metal de Nantes. « J’ai aidé Black Speech Production ou Maxime de Black Flag Production pour certains événements à la Little Atlantic Brewery, ou encore au Ferrailleur ». 

« Il y a un créneau à prendre »

Plusieurs lieux ont donc la possibilité de reprendre le flambeau, même si cela peut se faire à une échelle plus modeste. Romu conclut : « Le Michelet vivait grâce à des passionnés, pour des passionnés. Maintenant, ça va créer un vide. Mais ça va peut-être booster des lieux moins connus ou qui n’existent pas encore, et qui vont prendre ce créneau. Car là, clairement, il y a un créneau à prendre, et il y a de la demande ».

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Amateur de musique, de littérature et d'art en général, auteur de fantasy. J'aime découvrir et partager ce qui me passionne.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017