7 décembre 2025

Féminisation des noms de rues à Nantes, tous.tes concerné.e.s

Le 3 novembre 2025, la ville de Nantes publiait la liste des 10 nouvelles personnalités retenues pour alimenter le vivier qui servira à choisir le nom de ses futurs rues et équipements publics. Ces 10 noms ont été choisis grâce à la mise en place d'un dialogue citoyen dans lequel les habitant.e.s de la ville de Nantes étaient invité.e.s à donner leur avis.

Féminisation des noms de rues à Nantes, tous.tes concerné.e.s

07 Déc 2025

Le 3 novembre 2025, la ville de Nantes publiait la liste des 10 nouvelles personnalités retenues pour alimenter le vivier qui servira à choisir le nom de ses futurs rues et équipements publics. Ces 10 noms ont été choisis grâce à la mise en place d'un dialogue citoyen dans lequel les habitant.e.s de la ville de Nantes étaient invité.e.s à donner leur avis.

« La féminisation des rues c’est hyper important, on a besoin et envie de savoir quelle femme a contribué à la ville », nous dit une jeune femme nantaise place du Commerce. Cette préoccupation fait suite aux résultats du dernier dialogue citoyen qui visait à récolter, puis sélectionner de nouveaux noms pour les futures rues et équipements publics de la ville de Nantes.

Une démarche commencée il y a 9 ans

En 2016, la ville de Nantes s’est engagée dans une démarche visant à féminiser le nom de ses rues. En effet, à l’époque, seulement 3,6% des noms de rue et d’équipement étaient des noms de femme. Ce travail de lutte contre l’invisibilisation des femmes s’inscrit dans la ligne municipale dont l’objectif est de devenir la première « ville non-sexiste » d’ici 2030.

Depuis cette première consultation citoyenne, appelée « Noms des rues, place aux femmes », 188 noms de femmes ont été attribués sur le territoire. 128 d’entre eux ont été proposés par des habitant.e.s. Aujourd’hui la proportion des noms de rues portant celui de femmes ayant laissé une trace dans l’histoire est passée à 9%. Les noms d’hommes quant à eux occupent toujours 34%. (source : Nantes Métropole)

Cette année, une nouvelle consultation a eu lieu avec un cahier des charges élargi, cette fois appelé « Noms des rues, place à l’égalité ». Les propositions devaient concerner des personnes qui ont pris part aux luttes contre les discriminations raciales et les discriminations liées à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre.

Des citoyen.ne.s intéressé.e.s mais peu informé.e.s

Nous sommes allés questionner les habitant.e.s de la ville afin d’avoir leur opinion sur cette démarche.  Un agent d’une maison de quartier de la ville nous a lui-même dit « j’ai vu passer l’info rapidement, mais c’était très flou pour nous. Il aurait fallu faire passer l’info en interne, ou par une asso qui milite sur ce genre de sujet ».

Proche du square Daviais, ce jeune homme nous dit que : « c’est toujours ça de pris, il y a peut-être de meilleurs combats à mener, mais c’est bien que ça amène la discussion. Peut-être que dans notre tranche d’âge on ne les regarde pas (les noms des rues) mais à tout moment ma grand-mère, elle, les regarde ». Un touriste de passage sur Nantes nous fera la remarque que « mis à part Simone Veil et Marie Curie, on ne connait pas les noms de femmes qui ont fait de grandes choses ».

Certaines interrogations ont émergé autour des modalités de communication et leur influence sur les personnes pouvant participer à ce dialogue citoyen. Cette jeune femme place du Commerce souligne que « tout le monde n’a pas de téléphone ou d’ordinateur, cette consultation ne concernait pas tous les citoyens ».

Une participation satisfaisante selon la Mairie

Au total, un peu moins de 1300 personnes ont participé au vote final. Olivier Château, adjoint à la maire de Nantes en charge du patrimoine, patrimoine immatériel et archéologie, s’estime plutôt satisfait de l’implication des nantais.es : « ce n’est pas tant la quantité qui était intéressante que l’envie d’un certain nombre de Nantais de proposer des noms, puis finalement de s’impliquer dans un sujet qui, au quotidien, nous concerne tous ».

Les obstacles à la participation étaient multiples : être au courant de la démarche, avoir accès au numérique, se sentir légitime à donner son avis sur une partie des futurs aménagements du territoire. « Il y a quand même quelque chose de volontaire pour ça » nous dit l’élu. La ville tente d’encourager ses citoyen.nes en ce sens et reconnait la richesse de la consultation citoyenne : « C’est justement intéressant qu’on puisse diversifier les regards sur ce que chacun et chacune a envie de retrouver dans l’espace public demain, mais peut-être il y a-t-il encore cette marche à franchir pour que chacun se sente aussi légitime que d’autres, et ait conscience qu’il n’y a pas besoin d’être historien pour pouvoir le faire. ».

Une autre de ses hypothèses expliquant une plus faible participation en comparaison à d’autres dialogues citoyens pourrait être que « l’on demande à des citoyens de proposer des noms sans savoir où ils vont être attribués, est-ce que ça sera sur un équipement, est-ce que ça sera sur une rue, est-ce que ça sera sur une rue de leur quartier, peut-être pas du tout. Donc effectivement peut-être que le niveau d’engagement est moindre ».

La ville prend en ce moment même des dispositions afin permettre ce sentiment de proximité. Une école du quartier Bottière, ainsi que des voies et équipements du quartier Breil-Barberie sont soumis à des démarches participatives individuelles.

Malgré les freins identifiés, grâce à cette implication collective, la ville dispose désormais de 530 noms pour baptiser les nouvelles voies nantaises. Aujourd’hui, le nom d’une femme est choisi 8 fois sur 10 lors des décisions d’attribution. Les 2 noms restants sont souvent conservés pour rester proches de l’actualité. Olivier Château nous parle notamment du « décès de Robert Badinter qui pourrait nous mener à faire le choix d’aller dénommer une rue sans forcément piocher dans ces noms de femmes ou de défenseurs des droits humains. Par ailleurs, Robert Badinter y aurait toute sa place. » L’adjoint à la maire de Nantes nous parle aussi de la nécessité de cohérence dans les quartiers de la ville : « un certain nombre de dénominations autour du futur CHU seront notamment des noms liés à la médecine, à des femmes qui ont été pionnières en matière médicale ».

Dans l’ensemble, l’état des lieux de ce travail est très positif : environ 200 noms de femmes attribués en 10 ans, contre 30 durant les deux siècles précédents. Il est possible de les consulter en ligne.

 

 

Ewen, éducateur spécialisé, a rejoint l’équipe de Fragil à Nantes depuis septembre 2025. Il y voit dans ce média associatif, un espace pour créer du lien et défendre ses valeurs.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017