Vendredi 06 juin, se tenait le vernissage de l’exposition Vestiges d’ailleurs. À l’intérieur, une trentaine de pièces, avec leurs touches uniques, éveille chez ceux qui les découvrent un mélange d’émerveillement, de curiosité et de questionnements. Une licorne, une meute de lycaons, des dragons, des anges, tout ce bestiaire de sculptures sort de l’imagination de l’artiste morbihannaise Virginie Gribouilli. Elle qui se décrit comme “une petite artiste qui fait des trucs de ses mains”, est arrivée à la sculpture un peu par hasard.
À l’origine, Virginie était illustratrice jeunesse. Elle a commencé à créer des personnages en volume, “juste pour le plaisir”, avec du carton et du papier. C’est en découvrant la porcelaine froide — le matériau qu’elle utilise aujourd’hui — qu’elle s’est mise à expérimenter davantage. Petit à petit, ses créations ont pris de l’ampleur, jusqu’à ce qu’elle réalise que cela pouvait devenir un “vrai métier”.
“Nature, nostalgie et beauté”, voilà comment Virginie qualifie son art. Elle explique que la nature est au cœur de son travail avec ses créatures et son récit de l’impact de l’homme sur celles-ci. Pour la nostalgie, elle annonce : “quelque part je parle de notre futur au passé”.
Enfin, elle insiste sur la beauté, comme un moyen de transmettre des émotions et d’aborder des sujets sensibles sans brusquer le spectateurs•trices

« Meute de lycaons » de Virginie Gribouilli, exposé à la Monstrueuse Galerie. Crédit Arthur Camus
Une traversée des époques
Malgré son attrait pour les créatures mythologiques issues du Moyen Âge, la sculptrice s’inspire aussi des animaux contemporains, des êtres disparus ou encore imaginés dans un futur lointain. Ses sculptures ne se limitent pas à une époque, pour elle, le véritable fil conducteur de son travail, c’est la vie sur Terre, dans toute sa diversité et sa complexité, sans barrière de temps.
“Si demain notre civilisation était vouée à disparaître qu’est-ce qui resterait de nous ?” C’est avec cette question qu’elle imagine plusieurs de ses créatures. Notamment dans la catégorie Le Règne Animiste, où l’on peut retrouver Oscarn le dieu des routes et du goudron, symbolisé par un squelette de blaireau — l’un des animaux les plus tués sur les routes — ou encore Mörgul le dieu du charbon, symbolisé par un bélier portant sur son dos trois cheminés à charbon. Ces œuvres créent donc une mythologie fictive dans laquelle, dans un futur lointain, des créatures auraient repris le contrôle de la Terre, portant des vestiges humains (les routes sur le blaireau ou les trois cheminés à charbon) comme étant de traces d’une civilisation disparue.

Oscarn, dieu des routes et du goudron de Virginie Gribouilli, exposé à la Monstrueuse Galerie. Crédit Arthur Camus
“C’est un petit peu la facilité de juste de dénoncer l’existant”
Avec ses œuvres, Virginie ne cherche pas seulement à dénoncer, elle propose une autre manière de réfléchir à notre impact sur le vivant. Elle reconnaît que l’art a souvent une dimension dénonciatrice, et que l’on sait déjà tous que l’activité humaine abîme la planète et affecte les animaux. “On le sait tous, que tout ce qu’on fait, en tant qu’humain, a un impact sur la nature, typiquement le dieu du goudron c’est un blaireau, les premiers impactés par les voitures et par les routes”. Mais pour elle, se contenter de dire ce qui ne va pas ne suffit pas, ce serait trop facile, presque attendu.
Dans ses sculptures, ce ne sont pas les animaux qui subissent, mais ceux qui prennent le contrôle. Le blaireau, par exemple, devient une figure divine, qui domine l’élément qui l’a menacé : le goudron. L’artiste imagine un monde futur dans lequel les animaux auraient repris la main sur ce que les humains ont construit, comme s’ils avaient réécrit l’histoire.
“Ce n’est pas la peine de toujours enfoncer le même clou […] malheureusement notre évolution va dans cette direction et qu’on ne changera pas demain”. Elle ne veut pas accuser directement l’humain, car elle estime que nous savons déjà que notre mode de vie n’est pas durable. Au lieu de répéter ce discours, elle propose une mythologie nouvelle dans laquelle on peut s’interroger sur l’héritage de notre civilisation. Elle préfère ouvrir un espace de réflexion, plus poétique et moins frontal.
Infos utiles
Exposition visible jusqu’au 26 juillet à La Monstrueuse Galerie, 13 rue de Strasbourg, du mardi au samedi, de 11h à 19h. Entrée libre.
Plus d’info : https://www.lamonstrueusegalerie.com/expositions