26 janvier 2023

Être un homme aujourd’hui, c’est quoi ? Le Grand T lance la réflexion avec un festival à Nantes

Être un homme, c’est un festival qui veut mettre l’accent sur les masculinités plurielles. Il se déroulera du 31 janvier au 4 février sur l’île de Nantes. Objectif : donner la parole à des artistes, des activistes, des chercheurs.

Être un homme aujourd’hui, c’est quoi ? Le Grand T lance la réflexion avec un festival à Nantes

26 Jan 2023

Être un homme, c’est un festival qui veut mettre l’accent sur les masculinités plurielles. Il se déroulera du 31 janvier au 4 février sur l’île de Nantes. Objectif : donner la parole à des artistes, des activistes, des chercheurs.

« 5 ans après #Metoo, comment peut-on encore être un homme aujourd’hui ? » Pas facile de répondre à cette question que le Grand T nous pose tant elle est complexe. Et pourtant il ose nous la poser à sa façon avec des pièces de théâtre, des défilés de mode, des marionnettes mais aussi des conférences et des débats.

Le festival Être un homme, c’est une réflexion en profondeur sur des siècles de domination masculine, ce que les féministes dénoncent aujourd’hui : le patriarcat.

L’affiche du Festival qui se tient à Nantes du 31 janvier au 4 février

Le rôle des mouvements féministes

Pour Sergio Coto-Rivel, le commissaire scientifique du festival, ce sont les féministes qui sont à l’origine de la question et elles ont commencé par s’interroger sur : c’est quoi être une femme ?

    « Est-ce qu’être une femme, c’est forcément se soumettre aux hommes, s’occuper des enfants, devenir infirmière ou travailleuse sociale, accepter d’être moins bien payées que les hommes ? Non » considère M. Coto-Rivel. « Il n’y a pas de déterminisme »

Pour ce spécialiste des masculinités par ailleurs professeur de littérature à l’Université de Nantes, c’est de cette pensée féministe que sont nées les luttes sociales pour obtenir le droit de vote et le droit d’avorter, pour revendiquer une égalité salariale et un accès aux postes à responsabilité.

Le rôle des mouvements LGBT

« Après les féministes, les mouvements LGBT ont dénoncé les discriminations qu’ils subissaient à cause de leurs préférences sexuelles. Et aujourd’hui se pose la question des masculinités et des pressions que le patriarcat impose aux hommes ».   

L’homme fort et viril a-t-il toujours sa place dans notre société contemporaine ? L’homme a-t-il encore pour mission de protéger sa famille et d’assurer les besoins des siens ? A-t-il le droit de pleurer ? Doit-il être un modèle ? C’est à toutes ces questions que le festival va tenter de répondre.

Sergio Coto-Rivel, professeur de littérature et civilisations latino-américaines à l’Université de Nantes

Le genre masculin : une notion qui évolue

Et s’il est si difficile de définir cet homme idéal, c’est que cette notion de masculinité n’est pas immuable. Elle a changé selon les époques, les classes sociales, les régimes politiques. C’est en tout cas le point de vue défendu par M. Coto-Rivel.

  « Au 18ème siècle, les nobles se poudraient et portaient des talons hauts » fait remarquer le professeur de civilisations latino-américaine. « Avec nos yeux d’aujourd’hui, on les rangeraient dans le genre féminin et pourtant ils ne partageaient pas le pouvoir avec les femmes. À cette époque, l’homme parfait devait être sensible, cultivé ».

Selon lui, toutes les études sur les théories du genre sont là pour ouvrir la réflexion, identifier les différences, établir des catégories avec des critères pertinents. Et aussi pour remettre en cause cette croyance que le patriarcat est vieux comme le monde.

Partager le pouvoir pour plus de justice

Pour Maud Raffray, une des co-présidentes des Fameuses, très engagée dans l’égalité femmes-hommes au point de se considérer comme une activatrice, la situation n’évoluera pas tant que les hommes ne se saisiront pas de la question. Mais en ont-ils vraiment envie ? Pas certain selon elle.

   « Ils n’ont pas intérêt à casser le système car ils devraient partager leur place et tous les avantages qui vont avec : un meilleur salaire et davantage de considération ».

La limite des quotas de femmes

Cela passe sans doute par l’imposition de quotas de femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises, notamment celles du CAC 40. Mais pour Maud Raffray qui consacre son temps à relayer la parole militante auprès des institutions culturelles et politiques, ce n’est pas suffisant.

« Même lorsqu’elles accèdent aux plus hautes responsabilités » constate-t-elle, « elles sont reléguées dans des postes décisionnaires subalternes comme par exemple la communication. Le rapport d’équilibre entre les hommes et les femmes sera vraiment atteint le jour où les hommes prendront les espaces réservées aux femmes, par exemple les crèches ou les métiers d’infirmiers ».

Maud Raffray, co-Pésidente des Fameuses et activatrice de l’égalité femme/homme
Photo de Manon Aubel

Revaloriser les compétences féminines

Et pour inverser les rôles, il faut, selon elle, commencer par revaloriser les salaires et les compétences féminines : sens de l’écoute et du dialogue, attention aux autres, soins aux enfants et aux parents âgés.

« Pourquoi n’aurait-on pas des leaderships doux, respectueux, emprunts d’humanité ? Pourquoi un homme ne pourrait-il pas investir de façon aussi acceptée la sphère de l’affectif ? Et pourquoi une femme ne se mettrait-elle pas en colère sans qu’on ne la prenne pour une hystérique ? »

Et de poursuivre ce raisonnement jusqu’au bout : « Aujourd’hui, un homme doux sera considéré comme une mauviette, comme quelqu’un qui n’a pas de leadership. S’il se met en colère, ce sera non seulement toléré mais ça renforcera son autorité professionnelle ».

Une volonté de changer les mentalités

Maud Raffray va même encore plus loin. Elle estime qu’il faut dégenrer les compétences et diversifier les modèles. Pour elle, il y a autant de différences entre certains hommes et entre certaines femmes qu’il n’y a de différence entre un homme et une femme. Et pour y arriver, il faut la même volonté politique que lorsqu’on s’est attaqué à la question de la sécurité routière, ou les méfaits de l’alcoolisme et du tabac.

« Pour changer en profondeur les mentalité, il faut des campagnes de communication massives et des actions pédagogiques auprès des jeunes et des parents », insiste-t-elle. « Dans les écoles, on fait passer le brevet de sécurité routière aux collégiens et l’on n’arrive pas à mettre en place les 3 séances obligatoires d’éducation à la vie sexuelle et affective, faute de moyens ».

Le coût de la violence faite aux femmes

Résultat : le sexisme s’aggrave en France. Le Haut conseil pour l’égalité femmes hommes juge même la situation « alarmante ». Le baromètre qu’il vient de publier en 2023 fait ressortir des chiffres effrayants : 80% des femmes ont la sensation d’avoir déjà été victimes de sexisme. Quatre jeunes femmes sur cinq considèrent qu’il est difficile d’être une femme dans la société actuelle. Plus d’un tiers des femmes ont vécu une « situation de non-consentement ». 15% des femmes ont déjà subi des coups portés par leur partenaire ou ex-partenaire. Seul 1 Français sur 5 estime que le monde professionnel est égalitaire.

« La violence faite aux femmes en France a un coût estimé à 95 milliards d’euros par an », ajoute Maud Raffray. « Et dans la cour des écoles, les garçons occupent 80% de l’espace ».

Se mettre en mouvement

Autant dire que l’homme idéal, sensible à la cause féminine, prêt à rendre justice aux femmes et à leur donner plus de place n’est pas majoritaire. D’où l’intérêt de ce festival organisé dans des lieux aussi différents que l’école d’architecture, l’école des Beaux Arts, le Théâtre Universitaire, le Katorza ou Stereolux.

Pour Maud Raffray, il s’agit « d’ouvrir une fenêtre ». La réponse à la question : « c’est quoi être un homme ? » ne se décrète pas. « Il n’y a pas de baguette magique ni de feuille de route », admet Maud Raffray. Juste un peu de curiosité à avoir et accepter une remise en cause de ses comportements.

Quand on a été journaliste pendant plus de 30 ans à France 3, que l'on s'est enrichi de belles rencontres et de découvertes, on a envie de continuer à partager sa curiosité et son ouverture d'esprit avec d'autres. En travaillant bénévolement à Fragil, on peut continuer à se cultiver en toute liberté. Ca donne du sens à un retraité devenu journaliste honoraire.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017