17 janvier 2024

Manifestation contre la loi immigration à Nantes : « égaux, égales, personne n’est illégal·e »

Dimanche 14 janvier, plusieurs centaines de nantais.es ont manifesté contre la loi dite "asile-immigration".

Manifestation contre la loi immigration à Nantes : « égaux, égales, personne n’est illégal·e »

17 Jan 2024

Dimanche 14 janvier, plusieurs centaines de nantais.es ont manifesté contre la loi dite "asile-immigration".

Dimanche 14 janvier, plus d’un millier de personnes bravent le froid mordant de ces derniers jours. L’appel national lancé par le collectif « marche des solidarités » il y a quelques jours, a fait écho jusqu’à Nantes. D’abord timide, la manifestation a vu ses rangs grossir au fur et à mesure des prises de paroles. Les organisations de soutien s’étaient rejointes à l’initiative des collectifs de sans-papiers qui dénonçaient « la loi la plus régressive et la plus raciste depuis 40 ans ». « On peut tout de même se réjouir d’une victoire idéologique du rassemblement national » s’enorgueillissait Marine le Pen, ne laissant aucun doute quant au caractère raciste et xénophobe du texte.

« Personne n’est illégale », « Stop aux charters de la honte », « Fermez les CRA » (centre de rétention administratif)

« On s’enfonce continuellement dans des lois racistes depuis quelques temps, ça devient un problème parce qu’on rentre dans une norme qui ne l’était pas il y a vingt ans. » s’inquiète Lancelot, présent dès le début de la manifestation. Les politiques et les médias s’échinent à avancer que l’immigration nous coûte de l’argent. Certes, mais en plus d’équilibrer les dépenses et de participer aux cotisations, l’immigration a plutôt tendance à rapporter à l’Etat selon les chiffres de l’OCDE (organisation de coopération et de développement économiques, ndlr)*.

Pas de parcours classique pour cette fois, la tête de cortège emprunte d’emblée la longue rue de Strasbourg pour rejoindre le croisement de 50 Otages. L’envie n’était pas non plus de continuer sagement vers Commerce. Le mouvement se dirige alors vers Saint Nicolas, avant de s’engouffrer dans le passage Pommeraye. Les échos des chants et des slogans dans ce lieu mythique nantais donnent le sourire à l’ensemble des manifestant·es. « So-so-so, solidarité, avec les sans papiers, du monde entier » ou « de l’air, de l’air, ouvrez les frontières, la méditerranée est un cimetière », des paroles plus que d’actualité après que cinq jeunes adultes aient perdu la vie dans la nuit de samedi, au large des côtes du Pas-de-Calais.

La manifestation au cœur du passage Pommeraye.

La manifestation au cœur du passage Pommeraye.

Dans les rangs il y a de tout, des familles ou des groupes d’ami·es qui ont fait le déplacement pour venir s’exprimer. « C’est un peu triste, depuis les lois retraites il y a vraiment moins de monde aux mobilisations, je comprends qu’avec tous les 49.3 qui passent on puisse avoir l’impression que ça ne sert à rien, mais si plus personne ne vient, c’est eux (le gouvernement ndlr) qui auront gagné et sans une once de protestation » nous confie Gérard, se réjouissant tout de même que le rassemblement soit festif et investi.

Remise en cause du droit du sol, conditions poussées des prestations sociales, déchéance de nationalité, durcissement du regroupements familial, caution financière pour les étudiant·es étranger·es, niveau de langue « A2 » requis, sont parmi les articles adoptés par le Parlement. « On fait tous partie d’une même espèce que constitue l’humanité, on devrait tous s’entraider et encore plus pour les personnes qui ont vécus des situations catastrophiques comme la guerre, ce qui est l’exact contraire de la loi qu’ils veulent faire passer, c’est pour ça que je suis là, pour afficher mon désaccord » explique Charlotte.

La manifestation finira là où elle a commencé, au miroir d’eau. Un tramway sera joyeusement tagué, avant que chacun ne reparte de son côté.

La loi est actuellement en révision auprès du Conseil Constitutionnel après qu’une soixantaine de député·es l’ait saisi. Le 25 janvier, il statuera sur l’atteinte, ou non, aux droits et libertés fondamentales. « Espérons qu’il existe encore de l’humanité dans le cœur de nos politiques » souhaite Leïla. Le prochain rendez-vous est donné par les syndicats le 21 janvier pour tenter de faire porter leur voix une dernière fois.

Une petite fille, son ours, et sa pancarte « la police arrêtez d’enfermer »

*

À la Perle, une exposition photo fait le pas de côté sur l'affaire Georges Courtois

Les nichoirs « OIZZO » partent à la conquête de la biodiversité en ville à Nantes

Plus vite, plus fort, et à plus grande échelle : c’est dans l’idée de se construire comme journaliste et faire porter la voix des autres qu’elle a rejoint Fragil.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017