5 juin 2025

Des centres de distribution contre la vie chère des étudiant·es : « manger en 2025, ça coûte cher ! »

Les centres de distribution Campusolidaire et la SurpreNantes Épicerie agissent contre la précarité étudiante nantaise. Ils se sont construits autour d’un modèle de lutte en constante évolution et adaptation pour faire face aux inquiétudes et difficultés des étudiant.es nantais.es.

Des centres de distribution contre la vie chère des étudiant·es : « manger en 2025, ça coûte cher ! »

05 Juin 2025

Les centres de distribution Campusolidaire et la SurpreNantes Épicerie agissent contre la précarité étudiante nantaise. Ils se sont construits autour d’un modèle de lutte en constante évolution et adaptation pour faire face aux inquiétudes et difficultés des étudiant.es nantais.es.

L’association Campusolidaire, née en 2009 et basée aujourd’hui dans le quartier Nantes-Nord, vient en aide aux étudiant.es. Elle s’est engagée, comme l’indique sa secrétaire générale Dina, à aider et soulager les étudiant·es quelque soit leur origine socio-économique : « Il y a de tous dans les profils ». Elle évoque notamment le cas d’étudiant·es qui n’arrivent pas à s’en sortir sans aide extérieure et dont les conditions du quotidien se sont vues « détériorées ». Dina précise que généralement, le lien social surtout familial est fragilisé entre « des parents qui ne peuvent s’occuper d’eux » et des étudiant·es désorienté·es qui ont besoin d’être « rassuré·es » et « soutenu·es » dans leur parcours de vie pour bien réussir leurs études, confie-t-elle.

La SurpreNantes Épicerie, créée au moment du Covid en 2019 par des étudiant·es, partage ce même constat comme nous le rappelle Nora, responsable partenaire de l’association : « Beaucoup d’étudiants arrêtent leurs études car ils sont trop occupés à chercher des petits jobs ». La structure intervienait chaque semaine jusqu’à mai sur le campus Tertre.

Une visibilité et une accessibilité des centres de distribution à redéfinir aujourd’hui

Malgré la bonne volonté des associations comme Campusolidaire ou La SurpreNantes Épicerie, elles sont soumises à des contraintes logistiques indépendamment d’elles et qui ne permettent pas toujours de mettre en place une stratégie efficace pour mieux sensibiliser les étudiant·es et rendre visibles leurs actions.

Dina précise que Campusolidaire a dû limiter le flux de bénéficiaires : « On prenait au tout début tous les étudiants sans chercher à savoir s’ils avaient un problème. Au fil des années, on leur a demandé de passer par l’assistance sociale rattachée à l’université pour valider leur demande. » Iels sont entre 50 à 100 Nantais·es à venir une fois par mois auprès de la structure, qui demande pour « fonctionner correctement » de payer des frais d’inscription de 5€ et le prix du colis alimentaire de 2€50.

SurpreNantes Epicerie, quant à elle, essaie d’axer sur deux ouvertures par semaine, et avec une inscription gratuite. Elle essaie d’accueillir jusqu’à 200 personnes par semaine, avec la carte étudiante comme seule contrainte et en s’inscrivant sur un « créneau », explique Nora, la responsable partenaire. Ces horaires d’ouverture ont été définies car c’était « compliqué » de s’organiser entre elleux et qu’iels ont dû « se coordonner entre le bureau, les bénévoles et ceux qui peuvent ».

Produits alimentaires conditionnés par l’équipe de Campusolidaire pour préparer les paquets des étudiants avant leur arrivée. 10/04/2025

Pour beaucoup d’étudiant·es, leur emploi du temps reste une contrainte pour s’y rendre. Certain·es manquent de repères et peuvent passer à côté de ce soutien : « Je ne savais vraiment pas où c’était », avoue un étudiant en Lettres et Langues. C’est le sentiment que partage aussi une résidente d’une cité étudiante, qui explique qu’elle a accès à plus d’informations que les autres via le réseau interne de sa « résidence étudiante ». « Il y a peu d’informations qui circulent par mail sur le site officiel de la fac », confirme amèrement Mélanie, étudiante en Histoire.

Pourtant, la SurpreNantes Épicerie assure qu’iels tentent de s’adapter et d’évoluer en mettant en place des fiches avec leurs coordonnées et des liens à l’université. Nora l’affirme : « On est affiliés à la fac ». D’’autres difficultés dans la communication s’ajoutent aussi, réduisant leur marge de manœuvre.

En complément, la SupreNantes Épicerie propose aux étudiant·es via leurs réseaux sociaux des temps de formation et d’atelier pour « gérer » leurs produits alimentaires. Beaucoup de personnes s’inscrivent, mais en réalité peu y viennent. C’est « un problème », souligne Nora, car elle met en avant le manque de lecture et d’écoute de la part d’étudiant·es : « Ils se précipitent sur les liens sans réellement regarder ce qu’est un atelier et après ils ne viennent pas ». Une étudiante en Lettres et Langues, Elisa, alerte aussi sur le manque d’accès rapide à ces lieux : « Je connais l’épicerie Nous Anti-Gaspi mais, c’est trop loin, c’est à plus de 40 minutes de tram de chez moi ».

 

Les étudiant·es manquent de repères pour mesurer la précarité alimentaire

La quinzaine d’étudiant·es interrogé·es sur le campus Tertre ne sont pas unanimes sur la question de la précarité alimentaire et ce sujet reste difficile à aborder sans revenir à leur propre condition. Pour certain·es, elle touche de manière indirecte leur pouvoir d’achat : « Je ne me verrai pas y aller, moi j’essaie plutôt de réduire mes dépenses en allant sur des produits moins cher, à des prix bradés » exprime un étudiant nantais en Histoire.

Pour d’autres, la précarité alimentaire est plus un moment de bascule et iels ne se sentent pas directement ciblé·es : « Mes parents sont là pour me soutenir », confie une jeune étudiante en Lettres et Langues. Pour d’autres encore, comme Lise en Psychologie, la précarité alimentaire ce n’est pas juste « pouvoir manger » . Elle la perçoit comme un effet secondaire de la vie chère et surtout du coût des loyers. Pour elle, cela joue surtout sur le manque de « diversité » des aliments comme des légumes.

Certain·es reconnaissent que la fin de mois sont parfois difficiles et qu’iels sont oblig·ées de recourir à des petits jobs pour mieux vivre : « Je suis obligée de travailler dix heures par semaine et cela m’absorbe beaucoup de temps par semaine pour se faire un peu plus plaisir et vivre mieux », s’exclame Elisa, étudiante en Lettres et Langues. Elle admet qu’elle ne travaille par sur Nantes : « Je fais des allers-retours la semaine sur la côte vendéenne, avec le coût d’essence que cela implique ».

Pour Ali, étudiant d’origine turque à l’ENSA1 de Nantes, il lui est apparu indispensable d’avoir recours à des aides extérieures. Il a adhéré à Campusolidaire et regrette qu’au CROUS, il n’ait droit qu’à un repas à 1€ le midi : « J’ai été choqué car en Turquie j’avais le droit à un petit déjeuner aussi et un repas le soir aussi ». Cette aide mensuelle lui est indispensable, car il n’a pas « vraiment les moyens »  pour aller aux supermarchés.« Manger en 2025 ça coûte cher ! », finit-il par lâcher.

  1. Ecole Nationale Supérieure d’Architecture

Infos pratiques

Professeur d’histoire-géographie, Pierre observe avec curiosité les changements de sa ville natale. Entre ses promenades à Chantenay, sa passion pour le backgammon et ses racines iraniennes, il explore à sa manière l’histoire et la culture.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017