20 février 2024

Contre les « locataires jetables », la Maison du Peuple se mobilise

À la veille de la Saint Valentin la Maison Du Peuple, rejoint par le Droit Au Logement, se sont mobilisé·es à l'emblématique Tour du Doubs de Bellevue, où l'entreprise VPS, vient d'installer des résident·es temporaires à travers son dispositif "protection par occupation".

Contre les « locataires jetables », la Maison du Peuple se mobilise

20 Fév 2024

À la veille de la Saint Valentin la Maison Du Peuple, rejoint par le Droit Au Logement, se sont mobilisé·es à l'emblématique Tour du Doubs de Bellevue, où l'entreprise VPS, vient d'installer des résident·es temporaires à travers son dispositif "protection par occupation".

Le 13 février, la Maison du Peuple et le DAL (Droit Au Logement, ndlr) se donnaient rendez-vous à l’arrêt Laurier du tram 1. Sous une fine pluie et durant plusieurs heures, une quinzaine de personnes ont tracté auprès des habitant·es du quartier et de la tour du Doubs.

Cette première mobilisation visait à informer les nouveaux résidents de leurs droits, et faire savoir à la mairie que leurs mensonges ne resteraient pas silencieux.

La Tour du Doubs ornée de la fresque des artistes Kero Zen et Ocu

La MDP, ou Maison du Peuple, est un lieu d’organisation populaire né du mouvement des Gilets Jaunes. Pendant plusieurs mois, ce « centre social autogéré par et pour le Peuple » a occupé un collège désaffecté dans le centre-ville de Nantes, avant de s’en faire expulser en juillet 2021. Très vite, celles et ceux qui la compose se retrouve à faire de l’hébergement d’urgence pour parer aux besoins cruels du 115 et du SIAO (Service Intégré d’Accueil et d’Orientation, plateforme pour l’hébergement d’urgence, ndlr).

Renz, un des habitant·es de la Maison du Peuple, nous informe de leur situation, « depuis deux ans on joue le jeu des institutions, on propose des projets pour être relogé correctement afin de continuer à décharger le SIAO et le 115.». Malheureusement, aucune proposition cohérente avec leur projet ne leur a été proposée. Actuellement ils et elles louent de petits locaux à la mairie de Nantes qui ne permettent pas l’hébergement.

En cette veille de Saint Valentin, iels viennent militer contre le mise à disposition d’appartements à VPS protection par occupation. Comme son nom l’indique, cette société de sécurité propose un système de gardiennage pour parer à un éventuel squat du lieu. Ce dispositif leur est permis grâce à la loi ELAN, complétée par la loi KASBARIAN-BERGE, du nom du ministre du logement nouvellement nommé. Cette société, doublement gagnante puisque la mairie lui verse de l’argent pour s’occuper du recrutement des « gardien·nes » et prélèvent à ces mêmes personnes une certaine somme pour les loger, semble, sous certains aspects, s’apparenter à des marchands de sommeil.

Arrivé des militants et préparation de la pancarte

La mairie de Nantes ne respecte pas ses engagements

La mairie s’était pourtant engagée à ne plus travailler avec VPS, le revirement de situation interloque l’ensemble de la MDP « on a été très étonnés quand vu l’info dans le journal, ils préfèrent donc faciliter le travail d’entreprises douteuses plutôt que de se servir du tissu associatif nantais pour héberger des personnes »  Bassem Asseh, premier adjoint au maire de Nantes, déclarait pourtant auprès de Ouest France en septembre 2021 « une chose en tout cas actée : le bâtiment ne restera pas totalement vide, le temps du chantier. « On trouvera une occupation temporaire », grâce à l’installation d’associations, telle que la compagnie artistique la Lune rousse. Au rez-de-chaussée, Plan B, collectif d’associations luttant contre le gaspillage et pour l’économie circulaire, fera vivre « un tiers lieu de 500 m2 ». »

La promesse de ne pas réitérer un contrat avec VPS leur avait été faite après l’expérience ratée au sein de la clinique Notre Dame de Lorette, en plein cœur du centre ville nantais. VPS avait alors usé de son droit à mettre un terme au contrat avec ses résident·es, en pleine trêve hivernale, ne leur laissant qu’un mois pour retrouver un logement. La MDP et le DAL s’étaient alors engagé·es auprès des résident·es pour faire valoir leur droit et les aider à porter la voix de leurs revendications.

Dorian, ancien résident temporaire chez VPS résident, se souviendra longtemps de cette expérience : « les lieux étaient insalubres à certains endroits, la plupart des salles de bains étaient infectées de moisissures et dès qu’il y avait une réparation à faire c’était à nous de nous en charger ». Ses anciens colocataires complètent ses dires, « on a été obligés de payer un kit incendie à 50€ dès notre entrée, les places de parking étaient payantes et certains devaient payer 20€ de charges en plus sans aucunes explications. A la fin de la visite, ceux qui voulaient être sur d’avoir une place pouvaient verser directement les 500€ de caution (illégal pour un logement non meublé, la caution ne peut excéder le double du loyer, ndlr) via une application bancaire, c’était vraiment bizarre. Le problème c’est qu’on était tous très précaires et très content d’habiter dans le centre à ce prix-là pour pouvoir dire quelque chose. ».

Manon, bénévole au DAL depuis trois ans, déplore que « VPS cherche à contourner la loi, le but c’est de se faire de l’argent sur des gens qui n’en ont pas ».

Un bénévole du DAL arborant un chasuble « Un toit, c’est un droit »

Le DAL et la MDP appuient la réquisition de lieux vacants

Sur leur tract, les deux collectifs indiquent qu’ils ne sont pas contre la réquisition de logements vacants pour faire de l’hébergement d’urgence, au contraire le DAL appuie cette demande depuis de nombreuses années. Seulement il s’agit ici de faire de l’anti-squat, avec des personnes précaires qui n’ont aucuns droits locatifs, et dont le suivi social, pourtant prévu par la loi, n’est pas assuré. Dans le contrat de ces résident·es, une clause de confidentialité les empêche illégalement de parler de leur situation et contribue à faire régner un climat anxiogène.

Une demande d’entrevue à été adressée à la mairie afin d’ouvrir le dialogue.

« La mairie collabore avec VPS, la mafia du sommeil et de l’exploitation de la misère. »

Hip Opsession débute jeudi pour un "retour aux sources" !

Ma thèse en 180 secondes : la qualification nantaise

Plus vite, plus fort, et à plus grande échelle : c’est dans l’idée de se construire comme journaliste et faire porter la voix des autres qu’elle a rejoint Fragil.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017