30 juillet 2020

Conseil lecture : trois livres pour un été sous le signe de l’éducation aux médias

L'éducation aux médias ne connait pas de saison. Alors que ce soit pour vous accompagner à la plage, à la campagne ou encore tout simplement chez vous si vous n'avez pas la chance de pouvoir partir en vacances, Fragil vous propose ses conseils lecture de l'été 2020 !

Conseil lecture : trois livres pour un été sous le signe de l’éducation aux médias

30 Juil 2020

L'éducation aux médias ne connait pas de saison. Alors que ce soit pour vous accompagner à la plage, à la campagne ou encore tout simplement chez vous si vous n'avez pas la chance de pouvoir partir en vacances, Fragil vous propose ses conseils lecture de l'été 2020 !

Cette sélection de deux romans et une enquête est basée sur les lectures personnelles de l’équipe de Fragil de ces derniers mois, en lien avec les problématiques d’éducation aux médias : le journalisme, les réseaux sociaux et les nouvelles technologies.

Questionner l’éthique journalistique à travers le prisme de la précarité de la profession

« Bâtonner, c’est copier-coller une dépêche en la remaniant à la marge. Symptôme ordinaire d’une dépossession des travailleurs, le bâtonnage illustre ce que l’argent fait au journalisme : la concurrence s’intensifie, la production de contenus s’accélère, l’information en vient à être usinée en série. »

Sophie Eustache, journaliste diplomée de l’Institut européen de journalisme contribuant notamment au Monde Diplomatique, propose dans Bâtonner : Comment l’argent détruit le journalisme le fruit d’une enquête sur l’effet de l’argent sur la pratique professionnelle du journalisme. En 7 chapitres ( Déposséder, Marchandiser, Numériser, Copier-coller, Couper, Censurer/Sensurer et Checker) ce livre nous permet de mieux comprendre les stratégies économiques à l’œuvre dans les médias  et la pression dans laquelle les jeunes journalistes travaillent en rédaction. Illustrée par de nombreux extraits de documents et témoignages de journalistes, ce livre permet de mieux comprendre la crise de confiance que traverse les médias depuis quelques années.

Références

Bâtonner : Comment l’argent détruit le journalisme

Livre de Sophie Eustache

Editions Amsterdam / 110 pages

Comment croire ce que les médias diffusent à l’époque des vidéos deep-fake ?

Sabri Louatah s’est fait connaître à partir de 2012 avec la parution du premier des quatre tomes de sa série de romans Les Sauvages, œuvre de fiction politique adaptée par Canal+ en mini-série en 2019. C’est encore dans un univers intimement lié au monde politique que le thriller 404 nous embarque : en 2022, la future présidente de la République française apparait dans une vidéo virale en train de subir un viol de la part du président algérien, cependant les deux protagonistes nient la véracité de la vidéo et en appellent au deep-fake. Au delà de l’intrigue nous emmenant au cœur d’une start-up basée dans une commune délaissée de l’Allier, c’est surtout pour son invitation à la réflexion autour des problématiques liées aux nouvelles technologies que 404 marque le coup. Comment discerner le vrai du faux lorsque toutes les preuves vidéos et audios peuvent être manipulées de manière intraçable ? Les chef.fes d’Etat vont-ils s’emparer de TikTok, floutant encore plus la communication politique et vie privée ? Comment se battre contre la suspicion qui subsiste même après le fact-checking d’une fake-news ? Autant de questions qui méritent une réelle réflexion commune pour ne pas laisser le pouvoir à celles et ceux qui sont prêts à tous les coups-bas pour l’obtenir.

Références

404

Roman de Sabri Louatah

Flammarion / 356 pages

Au coeur du travail d’un journaliste enquêtant sur les violences policières

Même si cela fait une trentaine d’années qu’il est journaliste, qu’il a écrit de nombreux livres et réalisé plusieurs documentaires et web-documentaires, le nom de David Dufresne a largement été associé au mouvement des Gilets Jaunes ces dernières années, notamment pour son travail sur les signalements de violences policières sur son compte Twitter « Allo Place Beauvau ». Et c’est de ce travail dont il est question dans Dernière Sommation. Mettant en scène un alter ego nommé Etienne Dardel dans cette fiction largement inspiré de son vécu, l’auteur nous permet de mieux comprendre le quotidien d’un journaliste en quête de vérité quant aux raisons de l’explosion des violences policières. Récolte d’informations sur Twitter, déplacement sur le terrain lors des rassemblements, rencontres avec les sources, vérifications de faits, tentatives d’instrumentalisations… Dernière Sommation nous plonge au cœur des doutes et dilemmes de la vie d’un journaliste.

Références

Dernière sommation

Roman de David Dufresne

Grasset / 226 pages

BFM TV : “Filmer et diffuser la réalité de l’actualité, c’est excitant !”

Une semaine au foyer Jeanne Bernard : découverte et partage dans la bonne humeur

Chargé de projets numériques et médiatiques chez Fragil depuis 2017, musicien, auteur, monteur... FX est un heureux touche-à-tout nantais. Il s'intéresse aux musiques saturées, à l'éducation aux médias, aux cultures alternatives et aux dystopies technologiques.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017