Après 2 années sans, le carnaval de Nantes aura bien lieu et il est très attendu

Dans l’immense atelier qui abrite les chars, ça recommence à fourmiller. Les équipes peaufinent les derniers détails avant les 2 défilés prévus : celui du dimanche 3 avril à 14h30 et celui de nuit le samedi 9 avril à 21h, sans oublier le bal des enfants le mercredi 6 avril à 14h cours Saint-André avec un concert, des animations maquillage et un goûter offert.

10 Mar 2022

«Il était temps que ça recommence» souffle Serge Belaud, le Président du Sud Loire Carnaval, un retraité bénévole qui construit des chars depuis 1979. «Ces chars, on les a conçus en 2020. Ça fait 2 ans qu’ils attendent de sortir. On commençait à trouver le temps long» ajoute-t-il.
Créer des chars nouveaux chaque année, les inventer, les imaginer. Voilà ce qui motive tous ces carnavaliers qui consacrent 2 à 3 jours par semaine ou leur week-end à cette activité. Ils sont bricoleurs, peintres, décorateurs et ils aiment se retrouver pour construire ensemble un char éphémère.
«On tourne en rond si l’on ne se renouvelle pas. Au bout d’un an, on a envie de changer. Ce qui nous intéresse, c’est de créer. Un char, ça doit rester éphémère» fait remarquer Serge Belaud.

Serge Belaud devant son char : un malade qui emmène son médecin traitant aux urgences

La motivation en question

Ces 2 dernières années, la Covid a mis à mal leur motivation. Beaucoup sont partis pour vaquer à d’autres occupations : la marche, le jardinage ou les boules.
«On sent bien que l’ambiance n’est plus la même» reconnaît Daniel Bregeon, un ancien de la revue de la Cloche qui fait 80 km aller-retour à ses frais pour venir donner un coup de main à ses copains. «Il n’y a plus la même osmose» poursuit-il.

«Les jeunes ne veulent plus s’engager dans la durée. Et il n’y a pas que chez nous. Dans le sport, c’est pareil» constate Jacques Amathieu, le président du comité des fêtes de Doulon avant de conclure : «La pandémie a cassé l’élan dans le monde des associations. Ça va être dur de relancer la machine».
Signe que ces 2 ans sans carnaval a perturbé tous ces bénévoles. Quand, on leur demande comment s’appellent leurs chars, ils ne s’en souviennent plus. Et ils ont du mal à retrouver tous les morceaux qu’ils avaient mis de côté.

Daniel Bregeon termine le char de la compagnie XXL  : le Cavacircus

Jacques Amathieu devant son char : les chevaliers du fiel.

Défiler à tout prix

«En 2020, le coup d’arrêt a été un choc. En 2021, on a encore accepté de rester à la maison car avec les jauges, il n’y aurait eu personne aux défilés. Mais maintenant, il ne faudrait pas qu’on annule tout au dernier moment» lâche Bernard Bouet, un vieux de la vieille : conducteur de char depuis 35 ans, roi du carnaval en 2013 et fidèle de l’équipe les Can’ailles.

Bernard Bouet, Président des Can’ailles finit son char « la clown rit »

Ce n’est pas la première fois que Nantes est privé de carnaval. Il y a eu le douloureux épisode de 2011. Un déficit de 400 000 euros dans la caisse avait conduit à un bras de fer avec la mairie et à un changement d’organisateur. Mais l’année d’après en 2012, il n’y avait jamais eu autant de monde dans la rue pour voir les chars défiler.

Redonner de la joie

Daniel Dupouet devant l’une des 10 têtes qu’il va présenter

Daniel Dupouet s’en souvient, lui qui fabrique les grosses têtes en papier mâché depuis 35 ans, un fidèle parmi les fidèles qui a pris la suite de son père au carnaval.
«En 2012, c’était de la folie. On n’avait jamais été autant médiatisés. D’ailleurs j’ai été interviewé sur RTL sans m’en rendre compte». Et de s’interroger sur la répétition de ce succès : «Cette année, ce n’est pas pareil. Le contexte se prête moins à la fête».

En tout cas, tous ont à cœur de redonner un peu de joie aux nantaises et aux nantais, aux grands comme aux petits.
«Ce carnaval, c’est l’une des rares fêtes populaires qui ne coûte rien et qui se passe dans la rue» estime le père des grosses têtes, Daniel Dupouet.
«Du moment qu’on voit les yeux des spectateurs briller à notre passage, on est content. On se dit que l’on n’a pas fait tout ça pour rien» rajoute Jacques Amathieu.

Quand on a été journaliste pendant plus de 30 ans à France 3, que l'on s'est enrichi de belles rencontres et de découvertes, on a envie de continuer à partager sa curiosité et son ouverture d'esprit avec d'autres. En travaillant bénévolement à Fragil, on peut continuer à se cultiver en toute liberté. Ca donne du sens à un retraité devenu journaliste honoraire.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017