21 octobre 2021

A l’institution Anjorrant, animation d’un atelier sur les réseaux sociaux riche en échange avec des mères adolescentes

Six jeunes filles, toutes mineures et mamans, se sont présentées à l’atelier autour de la thématique des réseaux sociaux animé par Fragil. Une séance de deux heures au cours de laquelle les échanges ont conduit à une prise de conscience évidente de la part des participantes, mais également quelques surprises pour l’éducatrice encadrante.

A l’institution Anjorrant, animation d’un atelier sur les réseaux sociaux riche en échange avec des mères adolescentes

21 Oct 2021

Six jeunes filles, toutes mineures et mamans, se sont présentées à l’atelier autour de la thématique des réseaux sociaux animé par Fragil. Une séance de deux heures au cours de laquelle les échanges ont conduit à une prise de conscience évidente de la part des participantes, mais également quelques surprises pour l’éducatrice encadrante.

 

En ce lundi d’octobre, un des salariés de l’association Fragil s’est rendu à l’institution Anjorrant, dans le quartier du Grand T rue du Général Buat, pour y animer un atelier axé sur les réseaux sociaux. Les participantes motivées par le sujet qui se sont présentées pour prendre part aux activités et aux débats sont des jeunes mamans adolescentes hébergées par l’institution qui travaille pour leur protection, leur émancipation et leur insertion. Délimitation et utilisation des réseaux sociaux, publicités sur les plateformes, stockage des données étaient autant de sujets abordés lors de ces discussions qui, comme le confieront des participantes à la fin de l’atelier, ont appris beaucoup de choses aux jeunes filles.

Définir un réseau social

Après une première prise de contact, pendant laquelle toutes les personnes, y compris l’animateur et la volontaire en service civique, se sont présentées en faisant part de son prénom, son âge et son réseau social de prédilection (sondage duquel Snapchat est sorti grand gagnant, avant même Instagram), la première activité a commencé. Avec des cartes où figurent des logos globalement très connus du grand public, les jeunes filles ont eu à les classer de la façon qui leur semblait la plus appropriée. Rapidement, et avec une aisance assez frappante pour certaines participantes, les critères ont été déterminés et, malgré quelques hésitations, les grandes catégories sont apparues : réseaux sociaux, navigateurs, moteurs de recherche et plateformes de catalogues en ligne (musique et vidéo) ont été réunis selon ces critères aux quatre coins de la petite table basse. Ce premier « jeu » a permis d’aborder la question de la définition d’un réseau social (qui, à la différence d’une plateforme de vidéo, par exemple, est fondé sur les interactions et les réactions, comme l’ont déduit les participantes), mais aussi celle du cyberharcèlement. Cette dernière a été amenée naturellement par les remarques et interventions de certaines jeunes qui ont immédiatement parler des gens « méchants » et « mauvais » sur Tiktok, avec une discussion autour des événements liés au récent « trend » du hashtag #anti2010, qui avait conduit à des insultes, menaces et actes violents à l’égard des nouveaux arrivés en 6ème en cette rentrée 2021. Une des jeunes filles a confié avoir été particulièrement touchée par ce sujet, ayant elle-même une petite sœur née en 2010, et l’animateur de Fragil en a profité pour rappeler l’importance de ne pas faire porter la responsabilité aux victimes de harcèlement, ainsi que quelques pistes pour avoir les bons réflexes si l’on est témoins de harcèlement. Avant de passer à l’activité suivante, l’éducatrice, l’animateur et même la volontaire service civique ont été rappelés à la vérité de leur âge : ils sont vieux, puisqu’ils ne sont pas sur Tiktok…

Les réseaux sociaux : gratuits… vraiment ?

Pour aborder le thème du modèle économique des réseaux sociaux (comment se fait-il qu’on ne paie jamais pour un réseau social, alors qu’il était évident pour toutes les participantes que les applications telles que Instagram, Facebook, Tiktok ou même Whatsapp génèrent beaucoup d’argent?), une discussion entre les participantes et animateurs a amené à la construction collaborative d’un schéma imageant les sources de revenus de ces sites. Les jeunes filles ont donc déduit par leurs interventions respectives que, dans le monde des réseaux sociaux, ce sont les utilisateurs qui sont le produit, tandis que les marques et entreprises sont les clientes de ces plateformes. Plusieurs réactions ont montré à quel point les jeunes filles sont frappées par les publicités ciblées, allant jusqu’à les dénoncer comme du harcèlement.

Après un débat mouvant et quelques discussions, la thématique suivante a été abordée : la stockage et l’attention à porter au partage de nos données. Là aussi, un schéma a été progressivement construit, montrant les intermédiaires de stockage entre un émetteur et un récepteur d’une photo sur Snapchat, la possibilité de conservation par le réseau de cette photo et la menace que peut poser le hacking ou piratage de ces données directement sur des serveurs dont les participantes n’imaginaient pas l’existence. « ça fait peur », résume l’une d’entre elles à la fin de cette activité.

Les participantes pendant l’activité autour des publicités

Derrière la photo

Enfin, pour clôturer l’atelier, les participantes se sont prises au jeu d’une mini enquête « comme un agent du FBI », à partir d’un unique post fictif sur Instagram, avec comme unique source d’information la photo, la description du post, un commentaire et la bio du profil à l’origine du post. Là encore, les jeunes filles prenant une part très active dans l’atelier ont été largement surprises par l’étendue des informations que l’on peut déduire du partage d’une simple photo de sushis… Les jeunes mamans ont admis avoir appris beaucoup de choses, et avoir pris conscience de nombreuses réalités des réseaux sociaux. La conclusion de l’une d’entre elles, au moment de débriefer des deux heures passées ensemble, en est là encore fortement révélatrice: « c’est effrayant ».

Les pieds sur Terre et la tête dans la Lune, Jeanne est sensible, passionnée par la Nature et l’illustration. Elle est entrée à Fragil en tant que volontaire en service civique.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017