10 mai 2025

La librairie queer « Les vagues » vandalisée

Vitrine brisée, mais portes ouvertes. Après une attaque nocturne, la librairie queer Les Vagues affirme sa volonté de rester un lieu de lutte et de partage.

La librairie queer « Les vagues » vandalisée

10 Mai 2025

Vitrine brisée, mais portes ouvertes. Après une attaque nocturne, la librairie queer Les Vagues affirme sa volonté de rester un lieu de lutte et de partage.

Dans la nuit du 8 au 9 mai, la vitrine de la librairie queer Les Vagues, située rue de Strasbourg à Nantes, a été vandalisée. L’auteurice — ou les auteurices — des faits n’a pas encore été identifié·e. Plusieurs personnes interrogées soupçonnent une action d’extrême droite, alors que des autocollants fascistes avaient récemment été collés dans la rue. Le 9 mai marque également la date d’un rassemblement national du collectif d’extrême droite C9M, composé de militant·es néofascistes., et cette attaque survient deux semaines après l’agression du bar Le Chien Stupide, situé à quelques rues, par un « commando cagoulé » de « néonazis » venus d’Angers.

« Pas de vol, de la casse pure et simple. »

Lorsque nous arrivons sur place, les vitrines éventrées ont été recouvertes de carton afin de protéger ce qu’il reste de la devanture. Sur les barrières installées devant la libraire, un panneau : « ATTAQUE LGBTPHOBE / ON RESTE OUVERT / LA LUTTE CONTINUE ».

Devanture vandalisée de la librairie queer Les Vagues le 9 mai 2025. @ju_dcntz

Suite aux annonces postées sur leur compte Instagram, de nombreux·ses habitué·es sont venu·es témoigner leur solidarité. Maël, doctorant, y voit une forme de réponse collective : « C’est une bonne revanche sur ce qu’il s’est passé. ». Son ami Eden, AESH (Accompagnant des élèves en situation de handicap, ndlr), ajoute : « Ils essaient de s’installer, de se rendre visibles, mais on est ensemble contre le fascisme. ». Une des voisines de la librairie aurait aperçu une personne cagoulée commettre les méfaits, la caméra de surveillance située juste au dessus de la librairie permettra de valider, ou non, cette hypothèse.

Pour le co-gérant, Maxime Blanc : «  Ça a été beaucoup de colère à l’annonce de la nouvelle, c’est lamentable d’attaquer une librairie. A l’heure où on parle, on a beaucoup de soutien et beaucoup de gens qui viennent donc c’est important, on a bien fait d’ouvrir malgré cette vitrine beaucoup moins sympa que celle qu’on avait avant. » ironise-t-il.

Un.e client.e venu.e apporter son soutien, à droite Maxime Blanc, le co-gérant de la librairie Les Vagues. @ju_dcntz

La librairie, qui fêtera sa première année d’existence dans un mois, avait déjà été visée à plusieurs reprises. Fin février, la boutique a vu un de ses livres dégradé par une insulte homophobe : « c’était un livre pour un enfant, c’est lui qui a découvert le mot en l’ouvrant » s’indigne le libraire. À plusieurs reprises, des personnes sont venus intimider les gérant·es, en tenant « des propos homophobes et antisémites« . Des plaintes ont été déposées.

« C’est ouvert et ça le sera toujours ! »

La riposte s’organise par la solidarité, Maxime et Amandine appellent celles et ceux qui fréquentent la librairie à « garder la tête froide, continuer à venir et rester debout face à tous ces gens qui pensent qu’avec la haine on résout des problèmes » et annonce « on est debout, tous et toutes à résister« .

 

Plus vite, plus fort, et à plus grande échelle : c’est dans l’idée de se construire comme journaliste et faire porter la voix des autres qu’elle a rejoint Fragil.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017