19 septembre 2018

Le syndrome Blablacar

Esquive des grèves, gain d’argent, souci de l’environnement, envie de rencontres… Les facteurs d’intérêt pour le covoiturage sont multiples. Zoom sur le phénomène Blablacar, ses atouts et ses limites.

Le syndrome Blablacar

19 Sep 2018

Esquive des grèves, gain d’argent, souci de l’environnement, envie de rencontres… Les facteurs d’intérêt pour le covoiturage sont multiples. Zoom sur le phénomène Blablacar, ses atouts et ses limites.

Blabla-quoi?

Opérationnelle depuis 2004, Blablacar est une plateforme en ligne qui met en contact des passagers et conducteurs désireux de partager un trajet ensemble. C’est Vincent Caron, un jeune angevin alors étudiant, qui avait initié le projet. Les possesseurs du véhicule publient une annonce spécifiant les différentes étapes du parcours ainsi que le prix fixé, les intéressés réservent le nombre de places souhaitées. Une fois la réservation validée, les numéros de téléphone sont respectivement envoyés aux interlocuteurs qui peuvent alors communiquer avec l’autre de manière privée.

Agrandir

1280px-BlaBlaCar_logo.svg_

Blablacar

Les raisons du succès

Au vue des différents avantages qu’il offre, ce n’est pas un hasard si la popularité du système s’est installée dans la durée.

Il s’inscrit dans une démarche éco-responsable. C’est sans surprise que l’idée de rassembler plusieurs personnes dans une voiture pour un même trajet permet de réduire les émissions de CO2. Comme le sont l’éteinte des lumières en quittant une salle, le tri des déchets ou la réduction de la consommation d’eau, le covoiturage est un petit geste du quotidien qui permet de participer un peu plus à la protection de l’environnement.

Il est initiateur d’échanges. Infime est le nombre de situations dans lesquelles on se livre autant à des inconnus que lors d’un trajet Blablacar. Si les participants sont un minimum bavards ce sera dès l’entrée dans le véhicule que les premières questions fuseront. Les conversations peuvent rester basiques mais évoluent régulièrement vers des sujets plus sensibles. C’est une manière de découvrir de multiples profils, de multiples parcours, de multiples histoires et de se laisser conter histoires et anecdotes.

Il offre des avantages pratiques. Les structures classiques de transport ne sont que rarement flexibles en terme de départs et de prix. Dans ce sens, on parvient à des économies de temps et d’argent de taille qui sont particulièrement appréciables ! Le covoiturage, c’est gagnant-gagnant : le conducteur finance son trajet et fixe ses horaires, le passager paye moins cher et peut trouver un covoit’ à toute heure (s’il s’agit de trajets empruntés en masse).

Les limites du concept

Les points forts qui donnaient toute sa valeur à la plateforme tendent à s’effacer. On s’aperçoit par exemple que la contribution que le passager doit reverser à Blablacar augmente progressivement. Aujourd’hui, ce sont 20% du prix du trajet qu’il doit débourser en supplément du prix du voyage proposé par le conducteur. Cette mutation d’un concept fédérateur basé sur l’échange et le partage vers un système basé sur la rentabilité est susceptible de décevoir nombre d’utilisateurs et de les inciter à se tourner vers des systèmes alternatifs (utilisation des réseaux sociaux comme plateforme de médiation par exemple). Outre ces aspects économiques, il s’agit de prendre en compte la réticence émise par un certain nombre d’individus quant à l’utilisation d’un tel dispositif. Crainte de se retrouver dans une voiture avec un inconnu, manque de confiance en la fiabilité du site ou encore penchant pour les trajets plus calmes… Les facteurs de désintérêt sont multiples et amènent certains à préférer les moyens de transport plus classiques, quitte à y mettre le prix.

Il est aujourd’hui impossible d’anticiper le devenir de Blablacar. Déclin prochain? Amélioration et redynamisation du système? Il continue pour l’heure à attirer un nombre important d’utilisateurs réguliers comme ponctuels et parvient à maintenir sa fonction d’initiateur de partage.

Non, le masculin ne l’emporte pas toujours sur le féminin

La Ville en Bois : regards croisés sur un lieu d’hybridation artistique

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017