19 octobre 2022

Agnès Foissac, le flamboyant patchwork

Agnès Foissac était là depuis le début, elle a participé à l’inauguration des premiers locaux de l’association. Elle nous partage sa vision de ses 20 ans et quelques souvenirs inoubliables.

Agnès Foissac, le flamboyant patchwork

19 Oct 2022

Agnès Foissac était là depuis le début, elle a participé à l’inauguration des premiers locaux de l’association. Elle nous partage sa vision de ses 20 ans et quelques souvenirs inoubliables.

C’est au téléphone que nous avons réussi à joindre Agnès qui jongle actuellement entre plusieurs emplois, plusieurs vies. Oui, car Agnès va vite, très vite. Quand elle parle, quand elle vit, quand elle rit. Un patchwork, comme elle aime se décrire : « Des morceaux de tissus assemblés, tu ne sais pas trop ce que ça va donner mais au bout du compte ça fait un dessin auquel tu ne t’attendais pas forcément mais il y a une harmonie qui s’en dégage. »

Au départ, elle n’avait pas compris que Fragil était une association pour laquelle on lui proposait de contribuer bénévolement, alors elle est arrivée au rendez-vous avec un CV. C’était au commencement, au balbutiement du magazine. « Je me souviens avoir très rapidement travaillé sur un festival de poésie en binôme avec Patrice Molle, photographe contributeur de l’association. C’était génial parce que je n’y connais absolument rien à la poésie contemporaine et je m’étais plongée dedans. J’ai toujours été très surprise par l’extrême bienveillance des personnes qui répondaient aux journalistes de Fragil. Je sentais que j’appartenais à une entité qui était respectée et appréciée dans l’univers nantais. »

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Fragil était présente à la table ronde 'Numérique et citoyenneté, quelle place pour l'éducation aux médias?' en 2021, aux côtés du VLIPP, du CRIJ, du CLEMI, de la DRAC ainsi que de la ville de Nantes. 2021

L’idée d’un intellectuel

Agnès a assisté à l’éclosion de l’association : « Fragil est partie de l’idée d’un intellectuel au sens noble du terme, Pascal Couffin, qui avait cette envie de promouvoir une manière de dire. L’association s’est implantée en dehors de de la mission journalistique et culturelle, elle a trouvé son aspect humain et même son aspect militant avec l’éducation aux médias. Fragil est un média qui s’est pensé lui-même car il n’existe pas qu’en tant que média qui transmet des informations mais en tant que média qui réfléchit à l’information. »

En tant que contributrice, elle était régulièrement présente, toujours fiable quand elle s’engageait sur un projet, et elle a surtout partagé avec les autres autres bénévoles son univers et sa curiosité. Elle considère d’ailleurs que Fragil, « c’est de l’ordre du groupe et du faire ensemble. C’est un collectif, une entité qui offre la possibilité de faire du boulot pour lequel on est toutes et tous importants. C’était l’émulation générale qui faisait qu’on était tous et toutes contents d’être là. »

Un univers horizontal

Ses souvenirs ne s’arrêtent pas là. Elle avoue très rapidement avoir pris « énormément de plaisir, s’être bien marrée et amusée. C’est assez rare d’évoluer dans un espace où il n’y a pas de verticalité. Et Fragil m’a toujours permis de me sentir à égalité avec des gens plus jeunes, plus vieux, avec des gens qui avaient plus ou moins d’expérience. Chez Fragil, on était tous au même endroit avec la même envie de vivre une aventure et on s’entraidait, on partageait nos savoirs. C’était étonnamment simple et bienveillant. En repensant à cette période, j’ai vraiment l’impression qu’on m’a donné la chance de participer à cette aventure. »

Agnès conclut en espérant que Fragil gardera longtemps cette capacité à se renouveler, à anticiper l’évolution du monde et à donner du plaisir à celles et ceux qui souhaitent y participer. « La curiosité est une des valeurs fondamentales de Fragil, c’est ce qui gardera l’entité jeune et vivante », lâche-t-elle avant de raccrocher.

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Agnès-Foissac
Agnès Foissac

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L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017