Zodiac : Fincher vs. Graysmith

14 Oct 2016

Cet été, un bouquin à large reliure a attiré mon attention à la médiathèque. Les médiathèques, ces univers fascinants où le nombre de biens culturels tangibles que l’on emprunte n’est pas à la mesure de son compte en banque mais de son compte lecteur. Le cercle marqué d’une croix rappelant le film Zodiac, qui retrace avec précision l’enquête passionnante pour démasquer un serial killer ayant terrorisé la Californie au tournant des années 70. C’est bien le livre de Robert Graysmith, dessinateur au San Francisco Chronicle, qui a inspiré le génial David Fincher pour son sixième long-métrage. Encore aux premières pages de ma lecture, je remets le DVD dans le lecteur. Pour la énième fois. Saisissant encore des détails de l’enquête qui m’avaient échappé auparavant. M’interrogeant toujours sur la manière novatrice qu’a eu Fincher de traiter les variations sur le meurtre en série, décliné dans Seven ou dans l’adaptation de Millenium, ou tout simplement sur le thriller. Thème récurrent chez le réalisateur qui m’avait poussé à rester chez moi lorsque Zodiac était sorti en salles en 2007. Il a fallu une diffusion du dimanche soir à la télé pour me faire tomber pour cette œuvre colossale de 2h30, à l’atmosphère glauque pourtant passée à la lumière de San Francisco et portée par la musique de Santana ou Donovan. Si l’ouvrage de Graysmith fourmille de détails, il s’apparente à un travail de recherche qui manque de cohérence et pèche par manque d’épure. Je défie quiconque n’ayant pas visionné le film déjà dense de s’attaquer à ce pavé conçu chronologiquement autour du principal suspect jamais inculpé, faute de preuves directes notamment. Fincher, en fin chef d’orchestre, a tiré de cette œuvre monumentale un thriller passionnant s’étalant sur plus de trente ans, dans lequel l’enquête journalistique touche presque au but lorsque l’investigation policière souffre d’un manque de coordination et de moyens. Courez (re)voir Zodiac. Avec un peu de chance, le DVD se trouve non loin du livre de Graysmith dans votre bibliothèque préférée…

Sandrine Lesage / Octobre 2016

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L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017