• Swans de gauche à droite : Christoph Hahn, Paul Wallfisch, Phil Puleo, Christopher Pravdica, Norman Westberg et Michael Gira
11 novembre 2016

Swans : incantations et bouchons d’oreilles

Mardi 1er novembre, Fragil s’est rendu à Stereolux pour le concert de Swans. Formé en 1982, le groupe est l’un des plus importants de la scène expérimentale américaine. Après quelques années d’absence, la bande menée à la baguette par Michael Gira revient sur scène pour présenter son dernier album. Retour sur un live monstrueux.

Swans : incantations et bouchons d’oreilles

11 Nov 2016

Mardi 1er novembre, Fragil s’est rendu à Stereolux pour le concert de Swans. Formé en 1982, le groupe est l’un des plus importants de la scène expérimentale américaine. Après quelques années d’absence, la bande menée à la baguette par Michael Gira revient sur scène pour présenter son dernier album. Retour sur un live monstrueux.

Une pancarte scotchée sur la porte annonce la couleur : « Le groupe Swans jouant très fort et sur une durée longue, nous vous conseillons fortement l’utilisation de bouchons d’oreilles. Le concert est vivement déconseillé aux femmes enceintes et oreilles sensibles. »

« Les cygnes sont majestueux. Ce sont de belles créatures, avec un tempérament de merde. », affirmait lors d’une interview, Michael Gira, chanteur et leader du groupe Swans (« cygnes », en anglais). Une description qui colle parfaitement à l’image du groupe : des chansons à l’esthétique parfaite, mais un meneur, à première vue, pas très commode. Swans n’est pas le genre de groupe auquel on peut facilement coller une étiquette : rock, expérimental, industriel, noise, post-punk, no-wave, drone… Difficile de s’y retrouver. Après trois décennies de carrière, des collaborations avec Sonic Youth, une quinzaine d’albums, de nombreuses séparations, métamorphoses et virages, le groupe new-yorkais composé aujourd’hui de Christoph Hahn, Norman Westberg, Christopher Pravdica, Paul Wallfisch, Phil Puleo et Michael Gira, revient sur scène avec The Glowing Man, son dernier album, sorti chez Young God Records et Mute.

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Swans_contre-champ
Christoph Hahn et Michael Gira

Merwann Abboud

Il est 21h lorsque nous arrivons dans la salle micro de Stereolux qui affiche complet ce soir-là. Une pancarte scotchée sur la porte annonce la couleur : « Le groupe Swans jouant très fort et sur une durée longue, nous vous conseillons fortement l’utilisation de bouchons d’oreilles. Le concert est vivement déconseillé aux femmes enceintes et oreilles sensibles. »  La salle est déjà pleine lorsque nous rentrons à l’intérieur. Sur scène, la majorité des membres du groupe semble avoir vécu et roulé sa bosse aux quatre coins du monde : cheveux blancs et barbichette au rendez-vous. Nous nous étions plus ou moins préparés à un live que tous les médias décrivent comme d’exception et à une tournée qui serait, selon les rumeurs, la dernière du groupe. Boules Quiès bien enfoncées dans les oreilles, nous sommes prêts à affronter les excès de décibels qui caractérisent Swans.

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Swans_affiche
Mise en garde inhabituelle

Merwann Abboud

Une performance dont personne ne ressort indemne

Si le chanteur, Michael Gira, tourne le dos au public pendant les trente premières minutes (temps du premier morceau), ce dernier est quant à lui bien en face de la scène, les yeux écarquillés devant un groupe à la renommée mythique. Les premières paroles sonnent comme une grand-messe : une ambiance solennelle règne dans la salle et l’assistance se laisse rapidement entraîner par les lourdes vibrations et les riffs lancinants qui éclatent d’un bout à l’autre de la pièce. Les têtes s’agitent de haut en bas, le public semble déjà s’être engouffré dans un univers parallèle où il fait bon de s’abandonner complètement à la musique.

L’assistance se laisse rapidement entraîner par les lourdes vibrations et les riffs lancinants qui éclatent d’un bout à l’autre de la pièce

Le groupe offre une performance musicale et scénique impressionnante où l’effort collectif se fait sentir : chaque musicien semble plus qu’impliqué dans la réussite du concert et l’énergie déployée est renversante. Il faut dire que Swans ne fait pas dans la demi-mesure : Gira saute sur scène, agite les bras et enfonce même le micro dans sa bouche. Il ne manquera pas également d’engueuler les quelques personnes qui tentent de prendre des photos avec leur téléphone. La prestation est brute et sans artifices : pas de projections, de structures ou de décors. Contrairement à la musique, sombre, le jeu de lumières illumine parfaitement les six membres du groupe.

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Swans_chanteur
Michael Gira

Merwann Abboud

Le concert de Swans est une expérience à vivre. Plus le concert avance, plus le public semble possédé, en transe : certains font du headbang, d’autres crient. Le set est assourdissant, écrasant, voire éprouvant. Les vibrations se ressentent partout dans le corps et donnent presque la nausée (on comprend mieux la mise en garde concernant les femmes enceintes). Les boucles musicales n’en finissent plus et Gira se donne entièrement sur scène : ses cris viennent du cœur et l’émotion se fait sentir dans la salle. Quelques personnes s’assoient, épuisées par ce concert pesant, mais épatant. Une chose est sûre : on aura eu l’impression d’assister à quelque chose d’unique, mythique, voire légendaire.

Le set est assourdissant, écrasant, voire éprouvant

Pendant 2h30, le groupe aura su fédérer un public éclectique, tant au niveau de l’âge, que du style. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas, il faut le reconnaître : les cygnes sont des bêtes de scène.

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Swans de gauche à droite : Christoph Hahn, Paul Wallfisch, Phil Puleo, Christopher Pravdica, Norman Westberg et Michael Gira
Swans de gauche à droite : Christoph Hahn, Paul Wallfisch, Phil Puleo, Christopher Pravdica, Norman Westberg et Michael Gira

Merwann Abboud

édito-aurélieclement

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L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017