14 octobre 2016

Scopitone donne sa grand-messe électronique sous les Nefs

La 15e édition du festival Scopitone, manifestation dédiée aux cultures électroniques, a accueilli 53 000 spectateurs du 21 au 25 septembre 2016. Alors que la programmation du vendredi avait été marquée en 2015 par un virage pop-rock (avec la présence de The Shoes ou encore Django Django), ce nouveau rendez-vous a renoué avec la musique électronique, alternant techno et minimale aux accents industriels et acides et DJ’s ne jurant que par synthétiseurs ou vinyles. De quoi renouer avec l’esprit du festival des débuts.

Scopitone donne sa grand-messe électronique sous les Nefs

14 Oct 2016

La 15e édition du festival Scopitone, manifestation dédiée aux cultures électroniques, a accueilli 53 000 spectateurs du 21 au 25 septembre 2016. Alors que la programmation du vendredi avait été marquée en 2015 par un virage pop-rock (avec la présence de The Shoes ou encore Django Django), ce nouveau rendez-vous a renoué avec la musique électronique, alternant techno et minimale aux accents industriels et acides et DJ’s ne jurant que par synthétiseurs ou vinyles. De quoi renouer avec l’esprit du festival des débuts.

À Nantes, le rendez-vous annuel des musiques électroniques et des arts numériques nous a cette année entraînés dans les origines les plus profondes de la techno. Sous les Nefs, insonorisées par de gigantesques coussins d’air et rebaptisées « La Boîte »,  l’ambiance rappelle l’immense hangar des Halles Alstom qui accueillait auparavant le festival et lui donnait son esprit de free party. C’est dans ce gigantesque cocon et sous d’immenses boules à facettes, que Perturbator débute la grand-messe électronique, derrière un imposant autel anguleux. Sous les sons solennels et cérémonieux des synthétiseurs, Les Nefs n’ont jamais aussi bien porté leur nom.

Perturbator débute la grande messe électronique, derrière un imposant autel anguleux.
Perturbator débute la grande messe électronique, derrière un imposant autel anguleux.

Mathilde Colas

Sous les sons solennels et cérémonieux des synthétiseurs, les Nefs n’ont jamais aussi bien porté leur nom.

Si l’ensemble évoque une ambiance de film sombre des années 80, on sent que James Kent sort peu à peu de cette ambiance rétro pour se diriger de plus en plus vers l’électronique – tournant que marque d’ailleurs son dernier album, The Uncanny Valley, sorti en mai 2016. Certains accords rappellent des sons déjà entendus chez Boys Noize ou Vitalic, en gardant cette teinte lugubre qui caractérise le son de Perturbator. Un peu comme si Satan donnait un cours d’aérobic, ou qu’une course-poursuite en Ferrari dans les rues de Los Angeles se terminait en voyage dans l’espace.

Techno chimique et métallique

Après cette célébration de la musique électronique old-school, direction la salle Maxi de Stereolux, transformée en gigantesque cube lumineux par le biais d’écrans tout en largeur encerclant le public et la scène. Andre Bratten y déploie une techno sombre et métallique. Plutôt calme et atmosphérique au départ, le son se fait de plus en plus nerveux et se teinte de pointes acides. Si la musique délivrée ce soir dans cette cage aux lumières devait être la bande-son d’un lieu, on penserait à une usine chimique abandonnée, où les bruits de bulles qui éclatent, de liquides bouillonnants et de métaux qui s’entrechoquent colorent les longues plages électroniques que déroule peu à peu le Norvégien. Conquis, le public bouge d’une seule vague au gré des rythmes placés par le DJ, qui nous emmène où il le veut et sans résistance dans son sombre set.

Les bruits de bulles qui éclatent, de liquides bouillonnants et de métaux qui s’entrechoquent colorent les longues plages électroniques d'Andre Bratten

La techno chaleureuse de Danny Daze s’attelle à réchauffer l’ambiance sous les Nefs et nous entraîne dans les clubs de Miami, puis de Detroit, dont le son froid et acéré fait référence dans le milieu de la techno. De l’electro toutefois un peu simple, qui fait danser le public mais ne nous transporte pas dans un univers à part comme certains DJ’s savent le faire. Pendant ce temps, Molecule attire les foules à l’entrée de la salle Maxi, et une longue file d’attente se déploie devant l’unique accès, très vite saturé. Tant pis, on passe notre tour en espérant goûter à sa minimale subaquatique une autre fois…Une fois la salle Maxi libérée, la Hambourgeoise Helena Hauff renoue avec la techno des débuts en mixant sur vinyle. Très lugubre, elle montre que l’on n’est pas là juste pour faire la fête entre copains et agiter les bras en l’air sur une musique d’ambiance : le son d’Helena Hauff s’écoute religieusement et se vit presque comme un concert de rock.

Le son d’Helena Hauff s’écoute religieusement et se vit presque comme un concert de rock.

Après toutes ces découvertes, il est temps de retourner sous la Boîte pour assister à la prestation d’Agoria. Mais alors que tous les artistes présents ce soir ont déployé leur propre univers, plein de clins d’œil à la techno de Détroit ou aux origines de la musiques électronique, la tête d’affiche s’avère plutôt décevante et trop simple par rapport aux rythmes et ambiances complexes entendues toute la soirée. Son duo avec Jacques, programmé plus tôt dans la salle micro, allie guitare et machines, ce qui adoucit cette fin de soirée après une montée en puissance et en noirceur des prestations précédentes.

En quittant les Nefs, la techno de Paula Temple, qui clôture cette nuit electro, résonne encore dans tout le corps et rappelle à quel point les musiques électroniques sont composées de centaines de paysages et d’univers différents. L’an prochain, on espère pouvoir se dédoubler pour tout voir…


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Quand elle n’écrit pas, elle passe sa vie dans les concerts, du metal aux musiques électroniques, en passant par le blues et la musique classique. Traduire des atmosphères, des personnalités atypiques ou l’esprit d’un lieu, c’est ce que Mathilde recherche à travers l’écriture. Parmi ses grandes passions, on trouve aussi la photographie et un amour inconditionnel pour Berlin et sa folie créatrice.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017