27 janvier 2017

Rangez ce zizi que je ne saurais voir

Rangez ce zizi que je ne saurais voir

27 Jan 2017

Provocateur, dédaigneux, méprisant. J’ai la gerbe.
Quand je le vois, lui et son stylo qui glisse sur le papier, accompagné par ces sept autres paires de roubignoles flasques. D’un coup de crayon, rayer quarante-quatre années d’une liberté de choix, concernant les femmes mais impliquant aussi les hommes. Parce qu’il a, entre les jambes, un sexe hétérogamétique, cela lui donnerait-il le pouvoir suprême face à celles qui ont, ô malheur, deux chromosomes X ?

Les pro-life se réjouissent, les pro-choice en pâtissent. Les ONG internationales qui se verront couper les vivres peuvent déjà démontrer les effets dévastateurs que cette décision implique. Cette carotte dont les fanes ont grillé au soleil bâtit des murs, consolide des frontières, creuse des brèches béantes et tente de diviser l’Amérique, diviser les peuples, diviser le monde.

Rangez ce zizi, que je ne saurais voir. Par de pareils objets les âmes sont blessées ; Et cela fait venir de coupables pensées. Molière (ou presque)

La veille de cette signature, hommes et femmes ont battu le pavé à l’occasion de la Women’s March à travers le monde, pour protester à l’unisson contre ces aberrations. Des cris de révolte ; des voix protestataires, parfois graves, tintées de cynisme ou d’ironie ; des réactions hurlantes se sont aussi fait entendre sur les réseaux sociaux. Il y a, entre autres, la photo parodiée réalisée par le Collectif 52 qui propose un décret visant à interdire aux hommes d’éjaculer hors-procréation. Ô génie ! Hillary Clinton se retrouve alors dans le bureau Ovale, cernée par neuf femmes, prêtent à parapher ce bout de papier insignifiant mais aux lourdes conséquences.

D’autres, tel le site d’info parodique nordpresse.be, sont allés encore plus loin en proposant l’interdiction de la masturbation contre « le gaspillage des semences masculines » ou encore l’interdiction de la fellation « pour cannibalisme »…

L’absurde au service de l’absurde, comme un écho parfaitement orchestré.

Pour retrouver le jeu À la nantaise !

Musique au cinéma : l'accord est presque parfait

Curieuse de tout et surtout de l'info, Romane (se) pose beaucoup de questions. Salariée de Fragil, elle écrit sur l'éducation aux médias et la musique actuelle !

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017