13 novembre 2017

Le passage du temps aux Utopiales

Les Utopiales, le plus important festival international de science-fiction d’Europe, s’est déroulé du 1er au 6 novembre, 2017 signait la 18e édition à Nantes. Le festival a été créé en 1998 et se déroulait à Poitiers jusqu’en 2000, année où il a déménagé à Nantes. Aujourd’hui, c’est la Cité des Congrès qui produit et accueille cet événement phare de la vie culturelle nantaise.

Le passage du temps aux Utopiales

13 Nov 2017

Les Utopiales, le plus important festival international de science-fiction d’Europe, s’est déroulé du 1er au 6 novembre, 2017 signait la 18e édition à Nantes. Le festival a été créé en 1998 et se déroulait à Poitiers jusqu’en 2000, année où il a déménagé à Nantes. Aujourd’hui, c’est la Cité des Congrès qui produit et accueille cet événement phare de la vie culturelle nantaise.

Les Utopiales, le plus important festival international de science-fiction d’Europe, s’est déroulé du 1er au 6 novembre, 2017 signait la 18e édition à Nantes. Le festival a été créé en 1998 et se déroulait à Poitiers jusqu’en 2000, année où il a déménagé à Nantes. Aujourd’hui, c’est la Cité des Congrès qui produit et accueille cet évènement phare de la vie culturelle nantaise.
Cette 18e année était marquée par « Le temps », un thème choisi à l’occasion de la réouverture du musée d’histoire naturelle de Nantes dont l’exposition permanente a pour thème l’Éternité.
Comme chaque année, le thème est découpé en quatre axes : voyage dans le temps, temps modifié, modelé, temps prédit, à venir et la fin des temps, et ces axes ont été explorés durant les cinq jours de festival au cours des 149 tables rondes et rencontres, 67 longs et courts métrages, des expositions, etc.
Nous avons rencontré Roland Lehoucq, président du festival depuis 2012, Ugo Bellagamba, délégué artistique de 2012 à 2015 ainsi que Jeanne-A Debats, déléguée artistique depuis 2016, afin d’avoir leurs avis et leurs ressentis sur l’évolution qu’a connu le festival.

Histoire courte

Le festival a été créé en 1998 par Bruno della Chiesa et se déroulait alors au Futuroscope. Sans s’attarder sur les détails de ses origines, et pour appuyer l’évolution du festival, on peut remarquer que la deuxième édition a vu 20 000 visiteurs parcourir les allées de la Cité des Congrès.
Mais concentrons-nous sur les dix dernières années du festival. Les Utopiales en 2007, c’était 40 000 visiteurs venus assister à quelques dizaines de tables rondes animés par les nombreux auteurs et scientifiques invités autour du thème « Les climats ». Une nouveauté est apparue en cette année, c’est la journée Manga-Tan, une journée réalisée en collaboration avec la Semitan. Elle clôturait le festival le dimanche après-midi avec un concours de cosplay.

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Affiche des Utopiales en 2007

Les Utopiales

L’évolution du vaisseau

Un bond dans le temps de 5 ans, on se retrouve en 2012, Pierre Bordage, auteur de science-fiction et président du festival depuis 2001 laisse sa place à l’astrophysicien Roland Lehoucq. Ugo Bellagamba, écrivain de science-fiction, devient le délégué artistique du festival. Il décrit son rôle comme la personne qui « doit d’abord identifier le thème et faire une programmation qui soit cohérente sans pour autant être exhaustive. Il faut surtout qu’elle soit équilibrée. L’un des défis les plus réjouissants c’est de mettre en rapport les scientifiques, les auteurs, les créateurs, les artistes pour ne pas faire des tables rondes monolithiques. Il faut aussi faire de la place à tout le monde : la bande-dessinée, le jeu vidéo, la production vidéo, les exposants et la littérature. »
Le duo s’est posé comme objectif d’ouvrir le festival aux autres sciences, comme les sciences sociales et les sciences humaines. Roland Lehoucq gèrerait les liens et les réseaux scientifiques des sciences exactes et Ugo Bellagamba s’occuperait d’apporter dans les tables rondes une réflexion sur toutes les sciences sociales, comme l’histoire, la sociologie, l’anthropologie, l’ethnologie, la psychologie ou encore la philosophie. Il s’agissait de trouver une cohérence dans les sujets de table ronde afin de montrer que la science-fiction est un vrai outil de réflexion. C’est à ce moment que le thème de chaque année allait être découpé en 4 sous-thèmes qui encadrent les sujets de table ronde.

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Affiches des Utopiales de 2012 à 2016

Les Utopiales

Le thème de l’année 2012 était « Origine(s) », la Cité des Congrès a accueilli 50 000 visiteurs lors de cette édition, qui ont pu assister à 96 tables rondes animées par plus de 150 invités. C’est l’année de la création de la journée scolaire, le lendemain de la dernière journée du festival. Cette journée construite en conséquence est réservée aux classes accompagnées par leurs professeurs. Les 1000 à 2000 élèves présents sont amenés à rencontrer certains auteurs, à assister à des projections ainsi qu’à des animations pédagogiques.
Les années se suivent mais ne se ressemblent pas, en 2013, le vaisseau des Utopiales se pose sur des « Autre(s) Monde(s) », pour l’occasion, une nouvelle scène s’ouvre afin de ponctuer les après-midis de nouvelles tables rondes et rencontres.
Ugo Bellagamba nous explique que chaque scène est devenue plus identifiée, et identifiable « Shayol (ndlr : la scène principale) est devenue une scène plus attractive, très grand public avec des grandes thématiques. Hetzel est devenue une scène amenant les grandes réflexions, les sujets un peu austères et la nouvelle, Hal, est une scène pour les rencontres, quelque chose de plus intime. »
En 2014, le vaisseau aborde le thème « Intelligence(s) », le président inaugure sa conférence d’ouverture en nous parlant du voyage interstellaire. Alexandre Astier joue son spectacle l’Exoconférence pour la soirée inaugurale du festival et participe à une rencontre animée par Roland Lehoucq sur la scène principale du festival.
En 2015, les Utopiales voyage dans les « Réalité(s) », de nouvelles formes de tables rondes intègrent le programme comme les expériences de pensées où certains invités s’amusent à imaginer des « et si… » d’une réalité alternative. Les visiteurs découvrent également les interros surprises, où les invités ne seront plus seulement questionnés par le modérateur, mais directement par le public. Enfin, la TAN se met aux couleurs du festival en proposant les Lectures Voyageuses : des nouvelles très courtes ou des extraits de roman écrits par les invités qui sont adaptés au format téléphone et assez court pour être lus le temps d’un trajet.
L’année 2016 marque plusieurs changements. Pour les visiteurs dans un premier temps, les jours changent car les dates du festival s’accordent en fonction des jours fériés et des vacances scolaires. Roland Lehoucq nous indique qu’ils ne souhaitaient pas abandonner la journée scolaire, la rentrée se faisant le jeudi, le festival décale ses dates et s’étend alors sur un jour de plus. Cette durée de 5 jours est restée cette année, bien que le calendrier soit revenu avec une rentrée le lundi. « Je pense que 5 jours est une durée maintenant ancrée. Pour l’an prochain, rien n’est encore décidé, mais il fera probablement 5 jours également. »
Le festival enregistre une fréquentation record, plus de 82 000 personnes ont foulé les allées de la Cité des Congrès. Peu de festival peuvent présenter une telle hausse, la journée supplémentaire est un facteur de cette augmentation, mais ce n’est pas le seul. Selon Ugo Bellagamba, « l’appétit du public pour la science-fiction ne fait que croître. Il y a eu des phases dans ce pays où la science-fiction avait mauvaise presse, mais je ne vois pas de raison qui ferait que la science-fiction cesse de croître, en tout cas pour les 10 prochaines années. Je vois même un renouveau du « space opera » en train de se déployer avec de jeunes auteurs qui en écrivent comme on faisait les Pulps des années 30, et les gens aiment ça ! »
Cette édition voit également l’arrivée d’une nouvelle déléguée artistique, Jeanne-A Debats. Ugo Bellagamba a décidé de passer le flambeau et nous explique son départ : « J’étais très clair sur ma décision au bout de 4 années. Elle a été murement réfléchie. Ce n’était en aucun cas un départ conflictuel. J’ai donné des noms de gens en qui j’avais confiance à Marie Masson (ndlr : cheffe des projets culturels à La Cité des Congrès) et Roland Lehoucq. Des gens qui me semblaient compétents et qui pouvaient s’investir, car je pense que c’est très important que le délégué artistique s’investisse. Dans ces noms, il y avait le nom de Jeanne, et je suis très heureux que ce soit elle. C’est quelqu’un qui connaît très bien le milieu de la science-fiction, le milieu des auteurs, elle connait aussi très bien la dimension jeunesse de la science-fiction. Elle apporte ce que je n’ai pas suffisamment réussi à apporter au festival, c’est le regard tourné vers les jeunes et elle l’a considérablement dynamisé de ce point de vu là. »
Jeanne-A Debats s’est engagée pour 5 ans : « en 5 ans on peut faire des choses, instaurer une vision. Si je n’ai plus rien à apporter au bout de cette période, je passerais la main. Si je continue à m’amuser, ce qui est possible aussi, je resterais. Quelque part, je vis le festival comme une performance artistique. Pendant la préparation, je n’écris pas, mais je suis en train de créer quelque chose qui, pendant 5 jours, va fédérer des gens autour de la science-fiction, pour moi c’est presque une œuvre d’art. »

Voyage dans le temps

Comme dit plus haut, le thème de l’année est « le temps », il a été choisi pour concorder avec la réouverture du musée d’histoire naturelle de Nantes et de son exposition permanente : Eternité. Roland Lehoucq nous explique que « le thème de chaque année est choisi avec soin selon l’actualité qui entoure le festival. »
Avec ses 149 tables rondes, ses 67 films (longs et courts métrages) et ses 220 invités, le tout en 5 jours, il est impossible de tout voir pendant le festival sans voyager dans le temps. Malheureusement, comme l’a présenté le président dans sa conférence inaugurale, le voyage dans le passé n’est pas possible. Mais selon lui, ce choix à faire est voulu : « Si on ressort avec cette petite frustration qu’on a pas pu tout voir dans la journée, c’est l’effet qu’on cherche. Si la conférence à laquelle on voulait assister ne nous plaît finalement que moyennement, on peut toujours aller à celle d’à côté, ou voir les expositions, un film, etc. Il y aura toujours quelque chose qui nous intéressera. »
Imaginer un lendemain sans Internet, conceptualiser les espaces urbains du futur, s’interroger sur la flèche du temps ou même encore célébrer les 40 ans d’une saga épique telle que Star Wars. Il y a effectivement des sujets pour tout le monde.

Table ronde Uchronie vs Anticipation
Laurent Genefort, Ugo Bellagamba et Karine Gobled (de gauche à droite) parlent d'Uchronie et d'Anticipation devant une salle comble

Paul Vassé

Si les conférences ne sont pas votre tasse de thé, vous pouvez juste parcourir les allées afin de voir les différentes expositions. Laurent Durieux exposait ses affiches de films revisitées, de King Kong à retour vers le Futur en passant par Die Hard, les œuvres du créateur de l’affiche 2017 des Utopiales ne laisseront personne indifférent.

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Exposition Laurent Durieux

Etienne Rabaut

La bande dessinée était également à l’honneur avec deux expositions : La Horde du Contrevent de Eric Heninnot qui est l’adaptation du roman éponyme d’Alain Damasio et Le Tribut scénarisée par Benjamin Legrand et dessinée par Jean-Marc Rochette. On pouvait voir des reproductions de planches originales pour la première et les planches originales pour la seconde.

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Exposition La Horde du Contrevent

Paul Vassé

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Exposition Le Tribut

Etienne Rabaut

En 2015, une flotte de vaisseaux faite de Lego par les visiteurs est partie en destination de l’espace. Cette année, elle est arrivée sur une planète aride qu’il a fallu « Legonizer ». Les vaisseaux ont été démantelés afin de terraformer et coloniser cette planète.

Le dimanche est la journée Manga-Tan, et comme chaque année depuis sa création, un concours de Cosplay est organisé. Un concours qui attire beaucoup de spectateurs.

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Le Cosplay est toujours un succès

Paul Vassé

Cette année encore, les Utopiales ont su captiver les foules. Les visiteurs ont pris le temps de s’intéresser à des sujets plus ou moins accessibles. Les invités ont donné de leur temps afin de parler de science-fiction. Et si le temps ne vous est pas compté, voici une galerie de photos que vous pourrez regarder, alors… pas de temps à perdre.

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L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017