• Jade Puiroux et Vincent Lhoste
8 juillet 2016

Le numérique, espoir pour les personnes handicapées

Des associations ont saisi l’opportunité de la révolution numérique afin d’améliorer le quotidien des personnes porteuses d’un handicap, en particulier des étudiants. C’est le cas à Nantes avec ThinkCode et Handisup, dont l’objectif est l’inclusion des personnes handicapées par le numérique.

Le numérique, espoir pour les personnes handicapées

08 Juil 2016

Des associations ont saisi l’opportunité de la révolution numérique afin d’améliorer le quotidien des personnes porteuses d’un handicap, en particulier des étudiants. C’est le cas à Nantes avec ThinkCode et Handisup, dont l’objectif est l’inclusion des personnes handicapées par le numérique.

Le constat est implacable. Le taux de chômage des Français en situation de handicap (soit 1/4 des 15-64 ans) atteint des records. Il est de l’ordre de 20%, soit deux fois plus élevé que celui de la population globale. Aujourd’hui encore, 80 % des personnes handicapées ont un niveau inférieur au baccalauréat avec des choix d’orientation limités. A défaut de révolutionner du jour au lendemain ce triste constat, les pratiques numériques apparaissent porteuses d’espoir pour toute une génération de personnes handicapées.

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Les étudiants du lycée Nelson-Mandela.
Les étudiants du lycée Nelson-Mandela.

Photo ThinkCode

Un choix d’orientation limité, c’est le constat qu’a fait Hervé Puiroux, dont la fille Jade est née avec un handicap neuro-moteur. A l’arrivée de sa fille au lycée, Hervé Puiroux a pris conscience que celle-ci ne pouvait pas se diriger vers des études qui l’intéressent. Passionnée par le numérique, les réseaux sociaux et la programmation, Jade a été contrainte d’étudier le secrétariat au lycée international nantais Nelson-Mandela, domaine qui ne correspond pas du tout à sa vocation et ses centres d’intérêts. Reste que le secrétariat est une des rares filières adaptée aux étudiants handicapés.

L’orientation imposée à Jade a constitué le déclic à l’origine de l’association ThinkCode, créée il y a deux ans par Hervé Puiroux et Vincent Lhoste. « En France, c’est inexcusable de faire de tels constats », indique ce dernier. « J’ai donc proposé au père de Jade de fonder l’association afin de faire avancer les choses. Jade, devenue marraine de l’association, est dotée d’un dynamise et d’une motivation incroyables. Elle est l’exemple même que tout le monde peut coder. » Pour les fondateurs de l’association, le numérique est une vraie révolution universelle et pas seulement une mode passagère. « C’est universel et pourtant il y a un certain manque de solidarité sociale », poursuit Vincent Lhoste, par ailleurs ingénieur codeur.

Handicap, numérique et éducation sont les trois mots-clés de l’association ThinkCode. L’association a pour objectif de développer les actions pour favoriser l’inclusion des personnes porteuses d’un handicap par le numérique. « C’est une réelle opportunité, une révolution et un changement sociétal qui n’en est qu’à ses débuts. Je pense qu’il ne faut pas refaire les mêmes erreurs qu’avant au niveau de l’accessibilité et inclure dès le départ les personnes handicapées. C’est le moment où jamais. Les jeunes ont besoin d’expériences et de pratique dans leurs formations », confie Vincent Lhoste.

Handicap, numérique et éducation sont les trois mots-clés de l’association ThinkCode. L'association a pour objectif de développer les actions pour favoriser l’inclusion des personnes porteuses d’un handicap par le numérique

ThinkCode souhaite prouver que la différence et la diversité des profils ne séparent par les individus, mais au contraire, poussent à l’innovation. L’association accueille des personnes porteuses de différents handicaps et fonctionne avec des bénévoles issus de milieux divers, bien que la majorité a un lien fort avec le monde du numérique. ThinkCode privilégie la mixité au niveau des handicaps ainsi qu’au niveau des profils des bénévoles. Vincent Lhoste rappelle que chaque handicap demande des spécificités particulières, ce qui nécessite plus de ThinkCodeurs. L’association espère donc se développer davantage et assurer un accueil plus large.

Estimant que la France est en retard sur l’inclusion des personnes handicapées, malgré un décret dont le but était d’adapter les sites institutionnels au handicap, Vincent Lhoste souhaite se mobiliser avec ThinkCode pour mettre fin à ce retard. L’association travaille avec différents partenaires comme l’APAJH44 (Association pour adultes et jeunes handicapés de Loire-Atlantique), Handisup, l’École de design Nantes Atlantique et l’Université de Nantes pour ne citer qu’eux, ce qui permet à l’association d’avoir de plus en plus de bénévoles et de réaliser des projets handi-numériques.

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Les étudiants du lycée Nelson-Mandela.
Les étudiants du lycée Nelson-Mandela.

Photo ThinkCode

L’autre vocation de l’association est de démocratiser les différents outils mis en place pour les personnes handicapées, car Vincent Lhoste estime qu’ils sont nombreux mais encore très peu connus. « Un développeur français a inventé OpenDyslexic, une police de caractères libre de droits destinée spécialement aux dyslexiques. C’est vraiment un outil utile et innovant et il couvre tous les types de dyslexies. Il faut le démocratiser au maximum », affirme le cofondateur de ThinkCode, Vincent Lhoste. Les principaux projets de l’association dans l’avenir concernent la mise en place d’ateliers, le HandiCamp 2016 et la création d’une plateforme d’échange de CV en lien avec les offres d’emploi pour les personnes porteuses de handicap. L’idée majeure de l’association est de faire coder des projets numériques à vocation sociale, car il n’y a pas d’association qui permette de relier le monde des jeunes au numérique, le handicap et l’économie sociale et solidaire. Avec le projet HandiCamp, ThinkCode souhaite démocratiser le code et sa formation aux personnes handicapées.

Démocratiser le code

Quand on parle de code et de numérique, l’idée reçue est de penser que c’est compliqué et inaccessible. C’est pourtant une fausse idée que ThinkCode souhaite changer. Comment ? En mettant en place des ateliers afin de démocratiser le code et permettre à des étudiants handicapés de s’initier à cette pratique. C’est lors de la Digital Week 2015 que ThinkCode a relevé le défi. « C’est une opportunité pour nous d’informer le public et de proposer des initiations à la programmation à des personnes porteuses de handicap. J’aimerais beaucoup faire un atelier avec des jeunes handicapés, des designers-codeurs et des étudiants afin de réfléchir aux outils, comme le clavier et l’écran qui pourraient aider les personnes handicapées dans leur quotidien », explique Vincent Lhoste.

Le projet, qui s’est déroulé sur deux jours au lycée international Nelson-Mandela, a accueilli une cinquantaine d’élèves handicapés. Bien qu’il ne soit pas réservé aux personnes handicapées, il leur est consacré et adapté. Plusieurs coaches se sont regroupés sur les dix postes à disposition afin d’encadrer les élèves et de leur initier les bases du codes. « Les encadrants ne sont pas des experts, mais ils viennent du monde du numérique », explique Vincent Lhoste. HTML et CSS étaient au programme de l’atelier dont les trois principaux objectifs étaient d’informer sur ces métiers qui sont accessibles à tous, d’initier et de donner goût au code.

Avoir un établissement numérique, une section numérique, ce n’est pas juste mettre des tablettes à disposition. Vincent Lhoste, cofondateur de ThinkCode

ThinkCode souhaite accélérer la mise en place de filières axées vers les métiers du numérique dans l’Éducation Nationale. « Avoir un établissement numérique, une section numérique, ce n’est pas juste mettre des tablettes à disposition. C’est intégrer et proposer aux élèves une formation professionnelle reconnue dans le domaine, car ces métiers sont en développement. C’est une des idées que ThinkCode va proposer lors de la prochaine Digital Week en septembre 2016 », confie Vincent Lhoste. L’association espère de nouveau rencontrer un succès pour cette année. L’organisation de l’événement, sous la forme open, semble séduire les élèves. « Ils viennent et partent comme ils veulent. Ce n’est pas comme un cours obligatoire », explique le cofondateur de l’association.

Majid Zerkani, élève en seconde Gestion-administration au lycée international Nelson-Mandela, a participé au HandiCamp 2015. Le jeune homme, porteur d’un handicap, s’y connaît un peu en informatique et a déjà codé des sites chez lui, par curiosité. « Il y avait plusieurs postes et on a eu une présentation du code et du HTML très intéressante. Je ne me suis pas ennuyé. On a vu les bases et on pouvait coder seul ou à deux. Chacun avait des consignes et on pouvait personnaliser son site avec le code », explique le jeune homme. Pour Majid, le code n’est pas une pratique compliquée quand on a déjà eu l’occasion de coder. « Il y avait plusieurs intervenants, et ce qui m’a marqué dans ce projet, c’est l’encadrement. On avait beaucoup de conseils et un suivi important. Ils étaient toujours à l’écoute et ils nous expliquaient quand on faisait des erreurs ». Au début, le lycéen pensait que ce n’était pas accessible et avec ThinkCode, sa vision des choses a changé. « Il faut juste un peu de pratique et après on comprend rapidement », explique Majid, qui pense être présent à la prochaine édition.

Élève en classe adaptée, dont l’effectif est réduit, Majid Zerkani bénéficie d’un suivi régulier, d’un ordinateur et de tables réglables. « Il y a un couloir réservé à l’APAJH dans le lycée. J’ai mes séances de kiné directement sur place. C’est vraiment un plus, je n’ai pas besoin de m’absenter et donc de rater des cours », se réjouit l’élève dont le projet est de devenir animateur radio. « Même si les études ne sont pas adaptées à mon handicap, je ferai tout pour devenir animateur radio. C’est mon rêve. Je pense que c’est comme le code. Tout est accessible tant que la motivation est là. J’ai quand même un plan B en tête au cas où ». Car les formations adaptées au handicap sont encore trop rares, l’association Handisup accompagne les étudiants handicapés dans leurs scolarité afin de leur permettre de suivre les cours de leurs choix.

Favoriser l’insertion professionnelle

En place depuis 1989, Handisup a pour mission d’accompagner les élèves handicapés de la maternelle jusqu’à l’insertion professionnelle. Handisup couvre deux pôles d’action : le service aux familles et les loisirs, et le service aux étudiants de Loire-Atlantique et de Vendée. L’association travaille avec des accompagnateurs et des chargés de projet dont Aude Lenoir qui s’occupe de l’accompagnement des étudiants à partir de l’Université. « Notre but est de sensibiliser les étudiants sur les dispositifs mis en place pour les accompagner dans leur scolarité, de les aider à connaître leurs droits et de remplir un dossier de la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) par exemple », explique Aude Lenoir. Handisup fait en sorte que toutes les formations soient accessibles bien que les dispositifs diffèrent selon les types de handicaps. « Les besoins ne sont pas les mêmes selon le handicap. C’est très compliqué à mettre en place, mais on s’adapte aux étudiants », explique Aude Lenoir.

Aude Lenoir accompagne environ une centaine de jeunes par an. Une de ses principales missions est de mettre en relation les étudiants handicapés avec des accompagnateurs qui ont pour rôle de prendre des notes pendant les cours, d’aider au travail personnel de l’étudiant voire de l’aide à domicile. « Il y a une grande différence entre le nombre d’étudiants handicapés qui demandent un suivi pendant leur scolarité et ceux qui souhaitent un suivi par rapport à leur vie personnelle. Ce n’est encore une fois pas les mêmes besoins », affirme Aude Lenoir.

Aude Lenoir constate que de plus en plus d’étudiants en situation de handicap suivent un parcours universitaire. Une bonne nouvelle pour Handisup, même si le combat n’est pas terminé. L’autre mission principale de l’association est l’insertion professionnelle des étudiants handicapés, car de nombreuses personnes handicapées sont au chômage. « On travaille en réseau avec des entreprises partenaires. Ma mission est de cerner les attentes des étudiants et les domaines qui les attirent. Je m’occupe des contacts, ils font le reste. Cela permet de leur trouver des stages et des emplois. Je mets également en place des adaptations pour favoriser leur quotidien en accord avec les employeurs », explique Aude Lenoir.

Le numérique fait ainsi renaître l’espoir d’une amélioration dans l’adaptabilité de l’Éducation Nationale, ainsi qu’une amélioration des conditions de vie pour les personnes handicapées. C’est indéniable, le numérique est indispensable dans le quotidien de ces personnes et n’a pas fini de changer la donne, à condition d’inclure la question du handicap dès les prémices de ces évolutions.

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Jeune journaliste passionnée par les voyages, la photo et le vintage, Manon s'intéresse dans son dossier numérique aux mutations de la société 2.0 dans notre quotidien.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017