• Agnostic Front Motocultor
26 août 2016

Motocultor 2016 : le metal résonne en terre bretonne

La 9e édition du Motocultor s’est tenue du 19 au 21 août à Saint-Nolff (56). Rassemblant 20.000 festivaliers autour d’une programmation qui a clairement sa place parmi les gros mastodontes des rendez-vous annuels des metalleux, le Motocultor n’a pas à rougir de sa taille plus modeste, comptant cette année encore des têtes d’affiche très reconnues dans le metal comme Mayhem, Neurosis ou encore Ministry. L’organisation d’un 10e anniversaire du festival en 2017 dépendra toutefois de sa santé financière, aujourd’hui remise en question.

Motocultor 2016 : le metal résonne en terre bretonne

26 Août 2016

La 9e édition du Motocultor s’est tenue du 19 au 21 août à Saint-Nolff (56). Rassemblant 20.000 festivaliers autour d’une programmation qui a clairement sa place parmi les gros mastodontes des rendez-vous annuels des metalleux, le Motocultor n’a pas à rougir de sa taille plus modeste, comptant cette année encore des têtes d’affiche très reconnues dans le metal comme Mayhem, Neurosis ou encore Ministry. L’organisation d’un 10e anniversaire du festival en 2017 dépendra toutefois de sa santé financière, aujourd’hui remise en question.

Cette année, 20.000 festivaliers ont foulé la terre battue du site de Kerboulard, à Saint-Nolff (56), pour la 9e édition du Motocultor (6.300 le vendredi, 7.500 le samedi et 6.700 le dimanche). « C’est moins que l’an dernier (le festival avait attiré 22.700 personnes en 2015, ndlr) mais bien meilleur que ce que l’on envisageait il y a un mois, puisque de nombreux tickets ont été réservés au dernier moment » indique le directeur du festival, Yann Le Baraillec.

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Mayhem : « C’est la première fois que je vois des morts jouer ! »
Mayhem : « C’est la première fois que je vois des morts jouer ! »

Mathilde Colas

Une programmation ambitieuse

Le Motocultor est peut-être plus petit que son grand frère le Hellfest, mais avec ses 66 groupes mêlant grands pontes du metal dans tous ses genres et scène locale, sa programmation n’a clairement pas à rougir face au mastodonte de Clisson. Parmi les têtes d’affiche de cette 9e édition, on retiendra notamment la messe noire donnée par Mayhem le samedi soir. « C’est la première fois que je vois des morts jouer ! », lance un festivalier après le concert.

« C’est la première fois que je vois des morts jouer ! »

Les très attendus Cult of Luna ont quant à eux déployé un sludge dur mais éthéré teinté d’electro, à la fois planant et profondément sombre et enragé, accompagnés par une lune quasi-pleine et des lumières stroboscopiques. Après avoir plongé encore plus loin dans l’obscurité avec la poésie apocalyptique de Neurosis, groupe-phare de la scène metal, les synthés de Carpenter Brut sont venus rafraîchir les âmes en peine, avec un final épique sur une reprise en karaoké de Maniac, titre-phare du film Flashdance, reprise en chœur par la foule…Eh oui, les metalleux ne renient pas leurs classiques ! Pour clôturer cette journée dédiée aux ténèbres, les Belges d’Amenra ont livré un set extrêmement noir, dont le son brut et froid évoquait une véritable transe rituelle, menant le public tout droit vers les enfers.

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Le chanteur et leader de Ministry, Al Jourgensen, aux allures de pirate des temps modernes.
Le chanteur et leader de Ministry, Al Jourgensen, aux allures de pirate des temps modernes.

Mathilde Colas

La journée de dimanche a également vu défiler son solide lot de groupes confirmés, comme Soulfly, orienté vers le thrash et death metal, et porté par le charismatique chanteur brésilien Max Cavalera. Les Anglais Conan, venus de Liverpool, ont remis une couche d’obscurité sur la plaine de Kerboulard, avec un doom puissant et enveloppant, la pesanteur du son et la voix lancinante de Jon Davis semblant ralentir tous nos mouvements. En clôture de cette 9e édition, Ministry a littéralement emporté le public dans les airs, lors d’un défilé continu de slams au cœur du public. Alors que défilaient des images et vidéos tantôt sombres, tantôt burlesques en fond de scène, le groupe, porté par son chanteur et leader Al Jourgensen, aux allures de pirate des temps modernes et à la voix brutale et rocailleuse, a déroulé un show rempli de guitares saturées aux sons métalliques inquiétants. Le tout sous l’œil menaçant d’un squelette mi-homme mi-gargouille, planté face au public comme une sentinelle.

Ministry a littéralement emporté le public dans les airs, lors d’un défilé continu de slams au cœur du public, le tout sous l’œil menaçant d’un squelette mi-homme mi-gargouille

La scène locale à l’honneur

Scène locale et têtes d’affiches se sont côtoyées tout le week-end. « On essaie de programmer des groupes français sur tous les horaires pour aider la scène française, et les tremplins sont aussi là pour aider la scène locale », indique Yann Le Baraillec, directeur du festival. Ce fut le cas du punk rock surf énergique des Lorientais Sordid Ship, apportant avec lui un soleil radieux qui restera tout le week-end. Tant pis pour les bottes de pêcheur apportées par les plus prévenants, elles serviront une autre fois…

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Le groupe nantais qui prend de l'envergure : Regarde Les Hommes Tomber.
Le groupe nantais qui prend de l'envergure : Regarde Les Hommes Tomber.

Mathilde Colas

Autre groupe marquant de la scène française présent au Motocultor cette année, cette fois-ci de Nantes : Regarde Les Hommes Tomber. Le groupe était programmé en ouverture de la journée de samedi. Un peu tôt pour une telle formation, qui prend sérieusement de l’envergure sur la scène nationale et européenne depuis la sortie de son deuxième opus, Exile (2015). Mais au vu de la réaction du public, les festivaliers n’ont pas regretté de devoir écourter leur première nuit au camping pour assister à leur show. Et surtout pas ce fan de 7 ans, qui portait le T-Shirt du groupe et n’a pas loupé une miette du concert.

Regarde Les Hommes Tomber dépeint tout au long de son set une véritable chute aux enfers, qui évoque les gravures d’Albrecht Dürer ou encore La Chute des Damnés de Rubens

Côté atmosphère, le groupe dépeint tout au long de son set une véritable chute aux enfers, qui évoque les gravures d’Albrecht Dürer ou encore La Chute des Damnés de Rubens, accompagnée d’une batterie illustrant des battements de cœur de plus en plus forts et frénétiques et de la voix à la fois démoniaque et désespérée du chanteur.

Le gros coup de cœur du dimanche vient aussi de Nantes. Les quatre membres de BigSure, dont le nom évoque une zone sauvage de la côte californienne, ont livré avec une énergie intarissable un concert hors-norme, qui constitue l’une des bonnes surprises de cette édition. S’il fallait absolument caser chaque groupe dans un genre, on pourrait situer celui-ci entre stoner et rock psychédélique. Mais sur scène, oublions les cases : leur musique raconte une véritable histoire, celle d’une course effrénée au bout du monde, d’une fuite sans fin dans l’espace…

Bref, de quoi nous faire quitter la terre battue du Motocultor un moment pour planer ailleurs, le tout sous les nappes de fumées et de lumières pastel accompagnant les musiciens. Pour obtenir ce mélange de styles atypique, le groupe allie une batterie puissante et énergique, un son de basse à la fois rocailleux et au groove quasi-funk, le tout texturé par des accords de synthé tout droit sortis d’un film de science-fiction et par une guitare chantante et lancinante, qui évoque par moment les riffs de Neil Young dans la bande originale de Dead Man, et suggère un chant du cygne poétique et aérien. Mais pas question pour le groupe de s’arrêter, au contraire, puisque le concert annonce la sortie de l’album live de BigSure le 9 septembre lors d’un concert au Ferrailleur à Nantes.

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Le gros coup de cœur du dimanche, les Nantais de BigSure, entre stoner et rock psyché.
Le gros coup de cœur du dimanche, les Nantais de BigSure, entre stoner et rock psyché.

Mathilde Colas

Une édition 2017 dans l’incertitude

Si côté programmation le Motocultor parvient tout à fait à faire sa place parmi les festivals de metal en France, il connaît des difficultés financières qui mettent pour le moment en suspens la tenue d’une 10e édition l’an prochain. Déficitaire de 85.000 euros (pour un budget d’environ 1 million d’euros), le festival en lui-même n’est toutefois pas en péril, affirme son directeur : « Nous prendrons la décision à la fin de l’année sur une tenue du festival en 2017, la trésorerie ne permet actuellement pas d’assurer une 10e édition l’an prochain. Il ne s’agit pas de la fin du festival, mais une pause sera peut-être faite l’été prochain afin d’organiser sereinement une 10e édition. » L’organisation évoque des solutions pour assurer la trésorerie des prochains mois, « mais qui ne sont pas des garanties suffisantes à l’heure actuelle pour annoncer de façon certaine une nouvelle édition en 2017 », précise Yann Le Baraillec.

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Ministry, l'une des têtes d'affiche de cette 9e édition du Motocultor.
Ministry, l'une des têtes d'affiche de cette 9e édition du Motocultor.

Mathilde Colas

L’édition 2016 était elle-même déficitaire « en partie parce que nous avons annoncé les groupes tardivement, quatre à cinq mois après les autres festivals européens », poursuit-il. « Nous allons donc changer notre rétroplanning et faire en sorte que la trésorerie nous permette d’annoncer les groupes plus tôt ».

Déficitaire de 85.000 euros (pour un budget d’environ 1 million d’euros), le festival en lui-même n’est toutefois pas en péril, affirme son directeur

Les organisateurs comptent à présent sur le soutien de leurs trois partenaires publics depuis que le département du Morbihan et la Région Bretagne ont rejoint l’agglomération de Vannes, partenaire historique du Motocultor, passant ainsi de 2 à 5% du budget assurés par les subventions publiques. « Cela rend le festival plus crédible et lui donne un ancrage territorial plus fort. Avec trois partenaires publics, nous pouvons aussi désormais prétendre aux aides du fonds européens via des sociétés civiles et démarcher à nouveau les banques pour obtenir des prêts », selon le directeur. « Mais on ne peut clairement pas se contenter des aides publiques, il nous faut diversifier nos recettes » affirme le directeur, qui compte sur le développement de la restauration et des stands de merchandising pour dégager davantage de recettes.

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BigSure a de quoi nous faire quitter la terre battue du Motocultor un moment pour planer ailleurs, le tout sous les nappes de fumées et de lumières pastel.
BigSure a de quoi nous faire quitter la terre battue du Motocultor un moment pour planer ailleurs, le tout sous les nappes de fumées et de lumières pastel.

Mathilde Colas

Le site stabilise sa configuration

La délocalisation du parking à 800 mètres du site a permis cette année de gagner de l’espace, notamment pour aménager deux des trois scènes sous chapiteau. « Cette installation restera stable lors des prochaines éditions », affirme le directeur, pour qui « l’édition 2016 se rapproche le plus de notre objectif d’origine » lors de la création du Motocultor en 2007, « et garantit de maintenir le festival par temps de pluie ». Malgré une pluie battante le vendredi, il est vrai que le site était praticable. L’espace gagné a également permis d’améliorer l’accueil des quelques 700 bénévoles.
Un peu étrange toutefois de croiser régulièrement des militaires en sentinelle sur le site. Appelée à la demande de la Mairie de Saint Nolff, ainsi que la Gendarmerie nationale, la présence de l’armée a déjà été remarquée sur d’autres festivals, comme La Route du Rock le week-end précédent. Au vu du contexte national, on imagine que cela fera de plus en plus partie du paysage des festivals d’été.

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Memorabilia

Quand elle n’écrit pas, elle passe sa vie dans les concerts, du metal aux musiques électroniques, en passant par le blues et la musique classique. Traduire des atmosphères, des personnalités atypiques ou l’esprit d’un lieu, c’est ce que Mathilde recherche à travers l’écriture. Parmi ses grandes passions, on trouve aussi la photographie et un amour inconditionnel pour Berlin et sa folie créatrice.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017