Le monde barjot d’Adam Green

28 Oct 2016

Le mois de novembre et ses frimas approchent à grands pas, mais la semaine la plus ensoleillée reste celle pendant laquelle se tient le festival de musiques aventureuses SOY. Il est important à l’heure des grogs, des rhumes et du changement d’heure, de se préparer correctement à ces 5 jours intenses de musique exigeante et passionnante. Il était donc tentant de laisser de côté le concert de l’Américain Adam Green programmé la veille du début du festival à Stereolux. Et c’eût été une grossière erreur.

La prestation survoltée de l’ancien acolyte de Kimya Dawson dans le duo anti-folk The Moldy Peaches est précédée par la projection de son film délirant revisitant le mythe d’Aladdin, incluant une lampe phallique et un monde absurde aux décors recouverts de dessins au feutre, avec Macaulay Culkin en guest-star.

Puis le crooner entre en scène, accompagné par le groupe français Coming Soon (déjà crédité avec Adam Green sur la BO de Juno sous le nom Antsy Pants) : tous sont vêtus de pattes d’éph et de chemises à jabot, sans compter des chapeaux folkloriques issus de l’univers d’Aladdin. Adam Green entonne ses vignettes évoquant le banal ou l’absurde (les chansons ont pour titre Jessica sur l’héroïne de télé-réalité Jessica Simpson ou Drugs) : 2 minutes montre en main pour ces pop songs rapidement reprises par cœur par les fans. Adam Green est sur scène comme un poisson dans l’eau, sautillant partout, redonnant ses lettres de noblesse aux pas chassés et aux high-five, grand enfant touchant qui aborde le live comme un grand moment de joie bordélique à partager avec son public. Difficile de rester insensible et de ne pas vouloir porter le trublion dans ses slams endiablés à travers la salle ou de ne pas encourager ses frasques.

Généreux, l’artiste prend la guitare sèche seul pour interpréter des chansons à la demande du public. Modeste, il laisse la place à ses compagnons de route : Ryder The Eagle, ex-Las Aves, qui entame le show par deux morceaux inspirés, et son backing-band Coming Soon, l’un des groupes français les plus créatifs depuis bientôt 10 ans, qui nous gratifie de deux chansons.

Dernière étape de la soirée : Adam Green est prêt à signer tout ce que nous voulons (« I can sign your dicks, your buttholes…You don’t have to buy anything ! » nous lance-t-il), après nous avoir accueillis dans son monde barjot et coloré.

Sandrine Lesage / Octobre 2016

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Sans la musique (et l'art), la vie serait une erreur. Passionnée par le rock indé, les arts visuels et les mutations urbaines, Sandrine tente de retrouver l'émotion des concerts, de restituer l'univers des artistes et s’interroge sur la société en mutation.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017