13 novembre 2017

Komorebi au Lieu Unique : Art Brut, résultat net

Jusqu'au 14 janvier 2018, 42 artistes singuliers bousculent nos sens et nous plongent dans l'effervescence originale qui agite au Japon les mondes de l'Art et de la psychiatrie. Un voyage kaléidoscopique à la découverte de paysages intérieurs sensibles et universels.

Komorebi au Lieu Unique : Art Brut, résultat net

13 Nov 2017

Jusqu'au 14 janvier 2018, 42 artistes singuliers bousculent nos sens et nous plongent dans l'effervescence originale qui agite au Japon les mondes de l'Art et de la psychiatrie. Un voyage kaléidoscopique à la découverte de paysages intérieurs sensibles et universels.

Mizue Kobayashi, directrice artistique de l’institution sociale Aiseikai et Patrick Gyger, directeur du lieu Unique, ont rapporté de leurs pérégrinations japonaises plus de 900 œuvres ébouriffantes d’artistes d’art brut nippon.
Scotch, papier toilette et liens pour sacs de congélations sont quelques-uns des matériaux qui composent les œuvres exposées et participent à leur dimension éphémère. « Il y a des choses qu’on ne peut voir qu’ici et maintenant, dans le temps où l’on vit, nous révèle Mizue Kobayashi, certaines œuvres offertes ici n’existeront peut-être plus dans 10 ans ». Cette rencontre hors normes est organisée au Lieu Unique en 4 grands pôles juxtaposés : villes fantômes, structures et classifications, paysages intérieurs et intimités, pop culture.

Agrandir

07
Yuki Suzumura

Sylvain Fabre

Des artistes complices, des cœurs bousculés

Chaque dessin, chaque peinture ou sculpture provoque l’effet d’une discussion individuelle inattendue, introduite par des cartels complices qui nous présentent les histoires singulières de la vie des artistes, les lieux dans lesquels ils évoluent et les modalités originales de leurs pratiques artistiques. Parmi eux on découvre Takayuki Isono, 20 ans qui compile une succession de poteaux électriques allongés sur les 2880 pages de 36 cahiers, un travail qu’il mène sans relâche pendant 3 mois avant de cesser complètement toute production artistique… Tomoyuki Igarashi, lui, vit à Tokyo. Il dessine et métamorphose des danseurs en insectes alors que Kenichi Yamazaki de son côté, mêle des motifs mécaniques industrieux à de discrètes pousses de riz sur un support millimétré curieusement poinçonné.

Agrandir

04
Sans titre - Kenichi Yamazaki

Agence Elo A.

Tous ces créateurs sont artistes par vocation, démesurément libres et pourtant liés par un rapport obsessionnel à la création. L’utilisation de matériaux nobles est secondaire, la volonté essentielle des artistes se trouve dans la création même de l’œuvre.
Au fil des pas, une proximité se crée entre artistes et spectateurs : « Je suis bluffée par l’extrême précision du dessin, le niveau de répétition des motifs et l’élan de vie qui s’en dégage » nous confie Patricia, jeune retraitée au visage éclairé qui scrute de près un dessin de Hironobu Matsumoto. Ce dernier transforme de mémoire des poissons, des dinosaures, des paysages et des batailles historiques en des formes plastiques vraiment uniques, bluffantes. Même réaction admirative d’un jeune couple trentenaire qui arpente avec complicité les 19 mètres de dessins sur rouleau de Makoto Toya, amusés de l’univers foutraque teinté d’un érotisme sage de l’artiste de 73 ans.

Agrandir

02
Sans titre - Shota Katsube

Agence Elo A.

Un dialogue entre art et psychiatrie

Une grande partie des œuvres exposées provient d’institutions japonaises où l’art occupe une place prépondérante dans les pratiques de soin et de psychiatrie. En effet dès les lendemains confus de la seconde guerre mondiale, sur l’île Honshu de l’archipel Japonais, un certain Kazuo Itoga fondait la fameuse école Omi à l’origine des activités plastiques destinées aux enfants handicapés mentaux et aux orphelins de guerre des services sociaux. Dans la lignée de cette école, un dense réseau d’établissements sociaux accompagne aujourd’hui dans sa méthode l’expression intime et personnelle des patients en situation de handicap. Autant de structures que Mizue Kobayashi s’applique à explorer depuis 10 ans, autant de rencontres que provoque Patrick Gyger depuis 2007 aux détours de voyages au Japon en compagnie du photographe Mario Del Curto. Et pour un résultat net : Komorebi.

Agrandir

06
Tomoyuki Igaraschi

Sylvain Fabre

Les enjeux de l’exposition Komorebi

Komorebi, c’est donc bien l’expression alternative japonaise d’un patrimoine culturel et artistique original et innovant. Le témoignage enthousiaste de politiques inclusives volontaires à l’échelle d’un pays.

Agrandir

09
Train - Hidenori Motooka

Sylvain Fabre

C’est aussi certainement un des forts traits d’union qui lie encore Patrick Gyger à la Suisse (qui héberge la Maison d’Ailleurs, musée de la science-fiction, de l’utopie et des voyages extraordinaires qu’il dirigea de 1999 à 2011) et à la Collection de l’Art Brut de Lausanne initiée par Jean Dubuffet en 1945. Dans ce contexte, l’exposition Komorebi reste fidèle à l’idée de ce dernier et nous confronte avec délice « à l’opération artistique toute pure, brute, réinventée dans l’entier de toutes ses phases par son auteur, à partir seulement de ses propres impulsions. De l’art donc où se manifeste la seule fonction de l’invention, et non, celles, constantes dans l’art culturel, du caméléon et du singe. »

Agrandir

03
Sourire et force - Yuichi Nishida

Agence Elo A.

INFOS PRATIQUES :

Exposition du 22 octobre 2017 au 14 janvier 2018
Du mardi au samedi de 14h à 19h
Dimanche de 15h à 19h
Entrée libre

Visites commentées :
1h30, 2-4€ (gratuit – de 12 ans)
– les 9 décembre (traduite en LSF) et 6 janvier à 15h30
– visites « en famille » les 27 décembre et 3 janvier à 16h30

Visites Flash :
20 minutes, gratuit
-26 et 28 décembre, 2 et 4 janvier à 14h et 15h

POUR ALLER PLUS LOIN :

Retour en vidéo sur le colloque scientifique Nantes <> Japon

Collection art brut Lausanne

Art et Marges Musée, Musée d’Art Outsider – Bruxelles

Le passage du temps aux Utopiales

Rachid Oujdi, un réalisateur tout en humanité

Si les rencontres, la diversité et les expériences alternatives sont au rendez-vous, alors tout baigne pour Sylvain qui aime à rêver sur le pont des bateaux et dans le bleu des piscines. Du vent, des voyages, 3 notes de musique et le bonheur n’est jamais loin.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017