7 avril 2017

Musée d’arts de Nantes : le songe d’une femme

Neuf jours après la Journée internationale des droits des femmes, le Printemps des Fameuses réunissait à Stereolux femmes et hommes désireux d’explorer la question de l’égalité des sexes au travers de conférences et ateliers. L’occasion de rencontrer l’une des femmes fortes nantaises. Sophie Lévy, à la tête depuis juillet 2016 du nouveau Musée d’arts de Nantes, raconte un parcours marqué par le pouvoir de l’art, l’influence féminine en filigrane.

Musée d’arts de Nantes : le songe d’une femme

07 Avr 2017

Neuf jours après la Journée internationale des droits des femmes, le Printemps des Fameuses réunissait à Stereolux femmes et hommes désireux d’explorer la question de l’égalité des sexes au travers de conférences et ateliers. L’occasion de rencontrer l’une des femmes fortes nantaises. Sophie Lévy, à la tête depuis juillet 2016 du nouveau Musée d’arts de Nantes, raconte un parcours marqué par le pouvoir de l’art, l’influence féminine en filigrane.

2 cheffes d’orchestre reçues dans toute l’histoire de la Folle Journée, la femme le plus souvent assistante du directeur de théâtre visionnaire, seulement 23% d’artistes contemporaines au sein des FRAC (Fonds Régionaux d’Art Contemporain), la citoyenne absente de l’histoire de Nantes… Voilà quelques sujets dont on débattait ce vendredi 17 mars, au cours du plateau dédié par le Printemps des Fameuses au domaine de prédilection de Sophie Lévy, la culture. Directrice du futur Musée d’arts de Nantes, elle vient de rejoindre le réseau des Fameuses, destiné à promouvoir la réussite féminine par le biais d’échanges, de visibilité et de parrainages, après avoir été contactée par Eric Warin (directeur du CCO, ndlr) : « Il m’a demandé si je voulais bien participer à ce regroupement de femmes qui ont des positions de décision. J’ai accepté : moi j’adore les réseaux, je trouve ça génial mais je ne fais que découvrir le Printemps des Fameuses. Je n’ai jamais, dans les lieux où j’ai travaillé avant, rencontré de réseau féministe, et cela arrive je trouve à un bon moment pour moi : je ne sais pas si j’aurais été capable, si j’aurais osé ou si je me serais sentie concernée plus tôt dans ma carrière ». Une carrière et un parcours exemplaires qui ne sont pas étrangers à cette sollicitation : diplômée d’HEC et de l’Institut du Patrimoine, elle occupe le poste de conservatrice au Musée d’Art Américain de Giverny (aujourd’hui Musée des impressionnismes), avant d’orchestrer la réouverture du Lam, Musée d’Art Moderne de Lille Métropole à Villeneuve d’Ascq de 2009 à 2016.

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Autour de Maud Raffray, ancienne secrétaire générale du Voyage à Nantes qui animait la rencontre, Sophie Lévy, Joëlle Kérivin, directrice et productrice de la Folle Journée, Catherine Blondeau, directrice du Grand T, Eric Boistard, directeur de Stereolux et Bertrand Guillet, directeur du Château des Ducs de Bretagne/Musée d’Histoire de Nantes, représentent les grands domaines de la culture à Nantes.

Sandrine Lesage

Autour de Maud Raffray, ancienne secrétaire générale du Voyage à Nantes qui animait la rencontre, Sophie Lévy, Joëlle Kérivin , directrice et productrice de la Folle Journée, Catherine Blondeau, directrice du Grand T, Eric Boistard, directeur de Stereolux et Bertrand Guillet, directeur du Château des Ducs de Bretagne/Musée d’Histoire de Nantes, représentent les grands domaines de la culture à Nantes. Pendant la discussion, le secteur culturel apparaît assez représentatif du reste de la société : le chemin est encore long avant que l’on reconnaisse aux femmes artistes et esthètes le pouvoir de décision, la vision et une place à part entière dans la société. Malgré la forte féminisation des cursus culturels et de ce secteur d’activité, les femmes occupent majoritairement les postes au sein des services administratifs, des publics et de la communication quand les hommes sont aux postes techniques, à la programmation et à la direction. Selon un rapport de l’Observatoire égalité femmes-hommes dans la culture et la communication, « au 1er janvier 2017, 12 % de femmes sont à la tête des 100 plus grandes entreprises culturelles et 30 % d’entre elles occupent des postes de direction dans les établissements publics culturels »…

Sophie Lévy : « J’ai toujours été aidée par des femmes et j’en ai moi-même aidées. J’aime travailler avec des femmes. Ces histoires de rivalité, je ne les ai pas forcément rencontrées. En tant que directrice, j’ai collaboré avec des administratrices, au LaM ou ici à Nantes, et cela me donne un sentiment de complicité, de solidité. Et il y a quand même beaucoup [de femmes] qui travaillent dans les musées. » Très présentes dans les chiffres de fréquentation des lieux de culture et au sein des pratiques amateures, les filles et les femmes sont minoritaires chez les artistes tant musiciennes que plasticiennes ou metteurs en scène de grandes productions.

Pour la directrice du Musée d’arts de Nantes, l’inégalité est surtout écrasante parmi les artistes. Elle raconte : « Quand je finissais mon école de Commerce et que je préparais l’école de conservateurs, je dialoguais souvent avec un étudiant en philosophie de Normales Sup. Il m’avait dit un jour : « Vous les femmes vous ne pouvez pas entrer dans la question de la création parce que la question de donner la vie est tellement centrale et tellement importante, que d’une certaine manière toute création semble juste être un pis-aller par rapport à cette mission fondamentale ». Les choses étaient posées. C’est comme si n’y avait pas de créativité, pas d’inventivité possibles, et qu’en particulier dès qu’on a un enfant on ne pourrait pas être une artiste car les deux créativités seraient en concurrence. C’est ce que je trouve le plus odieux et le plus pernicieux, car ce n’est pas forcément dit. Je crois qu’on n’oserait plus dire une chose pareille aujourd’hui, bien que ce soit encore quelque chose de très fort ancré dans l’inconscient. Les artistes au féminin, c’est quelque chose sur lequel il faut travailler. »

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Pour la directrice du Musée d'arts de Nantes, l’inégalité est surtout écrasante parmi les artistes.

Musée d'arts de Nantes - C. Clos

Les artistes au féminin, c’est quelque chose sur lequel il faut travailler

La directrice du Musée d’arts de Nantes raconte comment dans sa jeunesse elle a été influencée par des artistes engagées, telle que Sophie Calle ou Louise Bourgeois : « J’ai assisté à l’émergence (…) d’une esthétique – et ça c’est à manier avec précaution – féminine de l’art. Comme toutes les minorités, les femmes cinéastes ou plasticiennes travaillent sur le sujet de la féminité : Annette Messager, Meret Oppenheim que j’ai exposée… (elle s’exclame) ou Marguerite Duras ! qui a écrit sur la question de désir. Et ce qui était très bien c’est qu’elles l’assumaient et arrivaient à faire émerger une part cachée de la créativité, des sentiments, une part de féminité. Et au lieu de trouver ça limitatif, j’ai toujours trouvé ça plutôt exaltant. » Elle revient sur le succès récent du roman d’Elena Ferrante (L’amie prodigieuse, ndlr), qui « fait émerger des choses très crues, très intimes sur l’amitié féminine, et sans que ce soit ni gnan gnan, ni décoratif, ni doux ».

Les membres du panel apportent leur expérience respective en termes de parcours, de représentativité du sexe féminin au sein de leurs effectifs comme de leur public ou de leurs artistes, et de solutions possibles pour le futur. Malgré un certain nombre de lois et de réformes en faveur du droit des femmes depuis 200 ans, l’égalité femmes-hommes est loin d’être atteinte. Lorsque l’on interroge Sophie Lévy sur les solutions potentielles et où les chercher, elle avoue : « Je n’ai pas de parcours militant, et je suis particulièrement mal outillée [pour répondre à cette question]. Je pense toujours aux choses que je pourrais faire moi à titre individuel, plutôt que pousser pour qu’il y ait d’autres lois. Je me dis : « Maintenant que tu es en posture de décision, dans la limite de tes moyens, tu pourrais faire plus sur d’autres types d’inégalités aussi d’ailleurs » ». D’une voix assez unanime, les participants à ce débat 100% culture conviennent que la conscientisation de l’inégalité est urgente, tout comme celle de faire des choix. Sophie Lévy pense que programmer volontairement des artistes féminines est une piste à explorer : il ne s’agit plus pour elle de « s’abriter derrière cette recherche de l’universalité de la beauté, du meilleur niveau artistique, mais que j’intègre cette possibilité de défendre des artistes féminines. (…) Puisque moi-même j’ai pu en bénéficier, sans forcément que ce soit conscient dans leurs choix (une directrice américaine l’a recrutée au Musée d’Art Américain, puis c’est Martine Aubry qui l’a nommée à Lille et enfin Johanna Rolland à Nantes, ndlr), on ne me l’a jamais dit et je n’ai jamais pensé que c’est parce que j’étais une femme que l’on m’a donné ma chance : ça ne m’a pas effleurée, mais en tout cas moins d’hommes que de femmes l’ont fait.. »

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La réouverture du Musée d'arts de Nantes est prévue le 23 juin 2017.

Musée d'arts de Nantes - C. Clos

Je n’ai jamais pensé que c’est parce que j’étais une femme que l’on m’a donné ma chance : ça ne m’a pas effleurée, mais en tout cas moins d'hommes que de femmes l'ont fait. Sophie Lévy

A des postes décisionnaires comme les leurs, ces dirigeants des grandes structures culturelles nantaises font donc la promesse qu’à compétences égales, il s’agira de recruter une femme, et s’accordent sur le fait de privilégier les femmes dans les choix artistiques. Le Printemps des Fameuses prend acte et veille au grain…


Suite à la rencontre, Sophie Lévy a accordé un entretien à Fragil. Celle qui selon ses dires n’a pas un caractère militant, raconte ses choix de directrice, soufflés par la vision des femmes, des jeunes, mais aussi de ces êtres asexués que sont les anges…

Fragil : Après la réouverture du Lam, vous vous faites une spécialité de la coordination de nouveaux projets puisque vous prenez la tête du nouveau Musée d’arts de Nantes qui rouvre en juin 2017 après 6 ans de fermeture : le train-train vous ennuie?
   
Sophie Lévy : Sept ans tout de même au Lam. Il y a un film qui s’appelle The seven-year itch, Sept ans de réflexion…Une carrière professionnelle finalement c’est très très court quand on divise le nombre d’années qu’on a avant la retraite par sept, ce qui est mon rythme, ce n’est pas frénétique…Mais ce qui me mobilise n’est pas de fuir les choses mais plutôt cette inquiétude du temps qui passe et du temps qu’il reste pour faire des choses.

Fragil : Je voulais dire en termes de projets…

Sophie Lévy : Aaaah ! L’ouverture de musées, oui c’est une drogue ça. Il faut d’ailleurs que je fasse attention, car je ne suis pas sûre de retrouver un musée à ouvrir. C’est exaltant de rouvrir un musée.

Fragil : Le château, c’est fait (rires) 

Sophie Lévy : Voilà. De toute façon je change de région à chaque fois, je n’aime pas ramener de vieilles histoires avec moi.

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'C’est exaltant de rouvrir un musée.'

Musée d'arts de Nantes - C. Clos

Fragil : Vous avez été au carrefour de différentes cultures, dans le domaine des méthodes de travail, des politiques muséales…en travaillant pour la Terra Foundation au Musée d’art américain et au carrefour de l’Europe du Nord au Lam. Cela ne va-t-il pas vous manquer dans votre nouveau poste à Nantes? Certes Nantes est tournée vers l’océan mais la frontière c’est l’Atlantique… 

Sophie Lévy : Et puis j’ai été aussi au contact de l’art brut, car c’est une aussi une forme d’autre culture, un exotisme intérieur… Je ne l’ai pas pensé comme ça. Si ce n’est que c’est la première fois que je travaille à proximité d’un océan – Dijon, Giverny, Lille – , et je trouve que le tempérament des gens qui vivent près de l’océan est un tempérament d’aventuriers, de marchands et que c’est porteur d’horizons. Je faisais souvent un rêve avant d’arriver ici : j’étais sur un bateau qui bougeait énormément, ce n’était pas la tempête mais c’était très agité, le vent soufflait, soufflait et je m’accrochais au bastingage et en même temps c’était très heureux. Donc je vois Nantes comme un territoire qui symboliquement est toujours à l’aube d’un éveil à venir, qui est portée par une croissance démographique, économique, une sorte d’horizon des possibles qui n’est pas défini et comme je me pose beaucoup la question de ce que peut être le musée du 21ème siècle et quelle peut être la pertinence des musées pour les jeunes, je me dis que Nantes est le lieu qui va m’enseigner ça.

Fragil : Vous dites : « Les musées évoluent énormément avec la révolution numérique. Le rapport au monde des jeunes visiteurs a changé. » Quelle est l’innovation numérique ou citoyenne que vous souhaiteriez mettre en place au musée de Nantes ? 

Sophie Lévy : Le numérique, c’était quelque chose qui était inscrit avant mon arrivée au musée, pour le moment de manière plutôt traditionnelle, avec des instruments qui existent déjà ailleurs. J’aimerais bien qu’on entre dans une zone plus expérimentale et que des gens qui ne font pas du tout partie du monde de la culture ou des musées, mais plutôt du monde du numérique, puissent s’emparer du musée de manière différente. Je rêve de choses mais je ne sais pas les faire, je ne représente pas la génération que je veux attirer. Il y a un tableau qui me fascine à Nantes, c’est Le Songe de Joseph (tableau de Georges de La Tour appartenant aux collections du Musée d’arts, ndlr) : un ange prend l’apparence, en fait le profil lumineux d’un très jeune enfant en manteau chamarré et passe le relais à un vieillard qui s’endort. C’est aussi une très belle symbolique de cette idée que les jeunes générations peuvent enseigner aux anciennes générations quelque chose dont ils ne savent même pas qu’ils sont porteurs. J’aurai 50 ans en 2017, l’année de la réouverture du musée, et c’est peut-être la décennie où je pourrai donner les clés du bateau aux jeunes pour qu’ils m’entraînent sur les chemins de l’inconnu.

Fragil : Une consultation citoyenne pourrait peut-être avoir lieu…

Sophie Lévy : C’est quelque chose que Nantes aime beaucoup faire. L’idée est de co-construire le projet avec les équipes du musée, mais je pense aussi qu’il y a au sein du public une créativité qui ne demande qu’à s’exprimer et ce serait intéressant de susciter des idées.

J’aurai 50 ans en 2017, l’année de la réouverture du musée, et c’est peut-être la décennie où je pourrai donner les clés du bateau aux jeunes pour qu’ils m’entraînent sur les chemins de l’inconnu Sophie Lévy

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'Il y a un tableau qui me fascine à Nantes, c’est Le Songe de Joseph.'

Musée d'arts de Nantes - C. Clos

Pour les musées actuellement, il y a deux pistes que je sens frémir : d’abord que le musée n’est plus un lieu d’enseignement, que les visiteurs de musée se souviennent de moins en moins de ce qu’ils ont vu – du nom des artistes, voire du nom des expos – , mais qu’ils en gardent tout de même un super souvenir. C’est souvent une expérience collective : « j’étais avec ma copine, avec ma sœur, avec mon fils », car à part quand on est du monde des musées, c’est très rare d’y aller seul. L’expérience muséale n’est plus de l’ordre de l’apprentissage, et même si le visiteur ne peut rien toucher ou rien posséder, il vit un truc de dingue. Le musée va garder cette pertinence absolue d’un espace qui a ses règles propres et où les œuvres vous regardent et vous les regardez aussi, ça ce n’est pas mort. L’autre axe est que les gens souhaiteraient davantage interagir avec les musées, mais rares sont les musées qui ont trouvé la manière juste de le faire.

Fragil : Qu’est-ce qui se cache derrière le changement d’appellation en « Musée d’arts » ?

Sophie Lévy : Je n’étais pas là quand la décision a été prise, j’en hérite. Ma lecture c’est que « beaux-arts » avait une connotation 19ème, de hiérarchie des arts avec des arts majeurs et des arts mineurs, alors que finalement l’histoire de la modernité, c’est une histoire de la déconstruction des hiérarchies – l’art brut est vraiment au cœur de cela – et le musée est une sorte de ventre qui recentre des choses qui étaient à la périphérie, qui remet à l’intérieur des choses qui étaient dehors et qui en change le sens constamment. « Musée d’arts » ouvrait le champ des possibles. Ce n’est pas très beau mais « Musée d’arts de Nantes », c’est déjà mieux. Le principe d’arriver en cours de route, ce qui est le cas de tous les directeurs, c’est celui d’un enfant adopté : les enfants qu’on n’a pas engendrés ne sont pas toujours ceux que l’on aime le moins. Adopter un enfant, c’est aussi le travail du directeur. Je ne dis jamais « Tout ce qui a été fait avant est nul, maintenant j’arrive et on va faire des choses bien ». J’accueille les strates successives et j’infléchis bien sûr à partir de ce que je suis mais aussi à partir de ce que je vois, et j’essaie de me mettre au service de ce que je vois.  « Musée d’arts de Nantes », Inch’Allah, ainsi soit-il !

Fragil : En-dehors du Musée d’arts, quel est le projet culturel qui vous passionne le plus à Nantes?

Sophie Lévy : Ah ah! C’est une question difficile parce qu’on est des obsédés, et quand on est directeur, on a un rapport amoureux avec son objet : j’ai les yeux de Chimène pour le musée et du coup tout le reste, je m’en désintéresse. Très sincèrement, j’ai la réponse : c’est la ville. Ce que je trouve absolument passionnant à Nantes, c’est l’histoire de cette ville, d’où elle vient, pourquoi elle est comme elle est, pourquoi elle ne ressemble à aucune autre ville. C’est un des berceaux du surréalisme et ça n’est pas un hasard, il y a un truc qui bat dans cette ville. Vous me demandiez quelle est la prochaine instabilité que je recherche, eh bien voilà, c’est la ville elle-même qui est profondément instable, qui ne sait pas bien où elle habite, et pour moi ça c’est une chance, et cela me fascine. Ce n’est pas tout à fait un projet, mais si, c’est la ville qui est un projet à elle toute seule!

Fragil : Et comme dans Nadja d’André Breton vous pourriez faire une rencontre que vous ne feriez nulle part ailleurs…

Sophie Lévy : Ah c’est sûr, j’en suis convaincue !

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Sans la musique (et l'art), la vie serait une erreur. Passionnée par le rock indé, les arts visuels et les mutations urbaines, Sandrine tente de retrouver l'émotion des concerts, de restituer l'univers des artistes et s’interroge sur la société en mutation.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017