2 décembre 2016

Inrocks Festival 2016 : Incubateur de talents

Pour cette 29e édition du festival inRocKs, le magazine le plus rock de France proposait un plateau musical riche et varié, avec une trentaine d’artistes mêlant groupes confirmés et jeunes espoirs du rock indépendant et de la scène alternative. Focus sur la soirée du 19 novembre à Stereolux pour une programmation 100% made in France. Feu !

Inrocks Festival 2016 : Incubateur de talents

02 Déc 2016

Pour cette 29e édition du festival inRocKs, le magazine le plus rock de France proposait un plateau musical riche et varié, avec une trentaine d’artistes mêlant groupes confirmés et jeunes espoirs du rock indépendant et de la scène alternative. Focus sur la soirée du 19 novembre à Stereolux pour une programmation 100% made in France. Feu !

Réparti sur quatre villes (Paris, Tourcoing, Bordeaux et Nantes) pour cet opus 2016, le festival inRocKs a su, au fil de ses 29 éditions, acquérir une notoriété grâce à la découverte de nouveaux talents, mais également grâce à la programmation de groupes plus confirmés. Au menu de cette soirée nantaise du 19 novembre, quatre groupes estampillés 100% français : Juliette Armanet, Her, Paradis et Lescop.

Juliette Armanet

Galanterie oblige, la nuit a commencé avec la seule représentante féminine de cette programmation nantaise. Assise derrière son clavier sur le devant de la scène, le visage pâle, les cheveux longs et noirs, Juliette Armanet dégage une douceur singulière. Le timbre est pur, les textes sont ciselés, parfois subtilement décalés, le mix piano-électro fonctionne à merveille. Accompagnée par un batteur, un guitariste et un second clavier, celle qui a eu la chance de faire les premières parties de Julien Doré, Brigitte et Juliette Gréco, chante joyeusement la solitude, les chagrins d’amour, la mélancolie de la vie. Considérée par les puristes comme la relève de la « variété chic », Juliette Armanet développe une pop dansante aussi douce que sombre, un brin de provocation judicieusement utilisé et une énergie terriblement envoûtante. Surprenant, frais et entraînant, le tout est violemment empreint de vintage kitsch. Après un EP en 2015, un album est programmé pour 2017. Nul doute qu’on entendra parler de Juliette dans un futur plus que proche.

JULIETTE_01

Merwann Abboud

JULIETTE_02

Merwann Abboud

Her

La soirée enchaîne avec les Rennais du groupe Her, formé par l’ancien duo des Popopopops. Installés sur scène, les cinq musiciens nous projettent immédiatement dans l’imagerie soul des années 60. Fans de Kendrick Lamar, les deux leaders du groupe, Victor Solf et Simon Carpentier, déploient un son pop, sensuel et épuré. Ils puisent leurs influences dans leur passé : l’un est né en Allemagne, l’autre s’est exilé durant ses années de lycée aux États-Unis et a ramené dans ses valises les racines de la black music. Leurs morceaux hypnotiques naissent également de l’amour inconditionnel qu’ils portent tous deux à la gent féminine. Après les Transmusicales, la clôture du festival I’m from Rennes et le festival Inrocks, la carrière du groupe rennais devrait être riche et prolifique. C’est tout le mal qu’on leur souhaite.

HER_02

Merwann Abboud

HER_01

Merwann Abboud

Paradis

Troisième concert de cette soirée nantaise : Paradis. Première surprise : les textes sont en français, une rareté dans l’electro hexagonal. Les rythmes et les beats sont cadencés, mélodieux, tandis que les paroles et les rimes sont parfois un peu faciles, malgré un romantisme charmant. Après une formation classique et un détour adolescent par le punk et le hip-hop, les deux leaders du groupe, Simon Meny et Pierre Rousseau, ont choisi de revenir à des sons house en français à l’heure de l’electro majoritairement anglo-saxonne. C’est courageux et, vu le plébiscite médiatique et populaire, c’est également prometteur.

PARADIS_01

Merwann Abboud

PARADIS_02

Merwann Abboud

Lescop

Pour clôturer cette nuit 100% made in France, celui qui décrit sa musique comme du « R’n’B sous Xanax », du « punk fantomatique » ou de la « chanson lo-fi », le castelroussin Lescop (un nom d’origine bretonne) monte sur scène. Fils de militaire et ancien chanteur du groupe Asyl, Mathieu Peudupin mène un groupe de quatre musiciens et déploie une pop cold wave, des beats synthétiques et lancinants, ornementés de paroles en français. Depuis la sortie de son titre-phare La forêt en 2011, Lescop a su s’imposer comme une figure incontournable de la pop hypnotique et sombre. Inspiré, le jeune homme a parfaitement mis un terme à cette soirée de découvertes et de confirmations.

LESCOP_01

Merwann Abboud

LESCOP_02

Merwann Abboud

Éclectique et d’une mixité générationnelle rare, le public nantais a, une fois de plus, fait confiance à la programmation des Inrockuptibles (et de Stereolux) pour quatre heures de plaisir musical.

conf-gest

Je lutte donc je suis

René Magritte, La trahison des images, 1929, © Photothèque R. Magritte / Banque d'Images, Adagp, Paris, 2016

Magritte, la philosophie de l’invisible réalité

Réalisateur de formation, Merwann s’intéresse à la musique, à la littérature, à la photographie, aux arts en général. De juillet 2017 à juillet 2023, il a été rédacteur en chef du magazine Fragil et coordinateur de l'association.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017