17 novembre 2017

Inaudible au Grand T : donner corps à la musique

Le Grand T présentait les 14 et 15 novembre la dernière création du chorégraphe suisse Thomas Hauert, Inaudible. Un spectacle où la musique devient visible et où l’interprétation dansée se joue comme l’exécution d'une partition.

Inaudible au Grand T : donner corps à la musique

17 Nov 2017

Le Grand T présentait les 14 et 15 novembre la dernière création du chorégraphe suisse Thomas Hauert, Inaudible. Un spectacle où la musique devient visible et où l’interprétation dansée se joue comme l’exécution d'une partition.

Noir salle. Une scène nue apparaît alors qu’affleure la lumière. Six danseurs forment une boule en suspension, dans une introduction lente, où chaque mouvement est décomposé à l’extrême.

Soudain, la musique de Georges Gerschwin entre en scène et impose son énergie, à laquelle viennent se mêler les bruits du compositeur Mauro Lanza. Le corps des danseurs devient un instrument, tantôt piano tantôt cuivre, tantôt rythme tantôt mélodie. Les mouvements s’amplifient, se démultiplient, les corps s’ouvrent.

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Gregory Batardon

Le corps des danseurs devient un instrument, tantôt piano tantôt cuivre, tantôt rythme tantôt mélodie.

Les différents points d’entrée du son (en haut, à gauche, en frontal, tout autour de la salle), les volumes sonores inégaux et la variation des versions musicales du Piano concerto en fa de Gerschwin, impulsent les interprétations dansées et azimutent le spectateur.

Partition pour plusieurs corps

La musique, le rythme, s’imposent aux danseurs. Ils n’ont d’autre choix que de les suivre. Parfois, cela semble difficile. Les danseurs marquent des pauses, comme un jeu de « un, deux, trois, soleil » désarticulé et déstabilisant.

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Gregory Batardon

Chacun doit jouer sa partition, avec cette difficulté inhérente à tout groupe social : garder sa liberté tout en évoluant avec les autres. Une belle place est ainsi laissée aux solos, véritable espace d’expression de chaque danseur, pour ensuite se retrouver à deux, puis trois, et enfin se rejoindre à l’unisson.

Chacun doit jouer sa partition, avec cette difficulté inhérente à tout groupe social : garder sa liberté tout en évoluant avec les autres.

Une seule règle imposée par Thomas Hauert : épouser la musique, sa structure. Pour le reste, le chorégraphe a demandé à ses danseurs de suivre leur intuition et d’improviser leur interprétation, rendant chaque représentation unique.

Mickeymousing

Dans le monde du cinéma, on utilise ce terme pour désigner une musique de film qui souligne exactement chaque mouvement physique de l’action, comme dans les premiers dessins animés de Mickey Mouse. En danse, le « mickeymousing » indique la pratique inverse, où le mouvement suit exactement la musique. La danse devient la parole, les gestes des dialogues.

La danse devient la parole, les gestes des dialogues.

C’est une pratique inhabituelle voire dédaignée en danse contemporaine, où les mouvements vont souvent à l’encontre de la musique, à contretemps du rythme. Thomas Hauert a voulu s’attacher ici à explorer la fascination de chacun d’entre nous pour les danses populaires, chorégraphiées et coordonnées avec la musique dans ses moindres détails.

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Gregory Batardon

La synchronisation des mouvements avec la musique engendre plusieurs interprétations : celle des danseurs faite avec leur corps et celle des spectateurs comme sens donné à ce qu’ils entendent et ce qu’ils voient.

Et c’était la volonté de Thomas Hauert, qui a créé Inaudible « parce qu’on n’entend jamais tout dans une musique. Ici, on entend certains éléments parce qu’on les voit dans la danse ».

Le retour des lunDIY de Fragil !!!

Un nouveau regard sur le cinéma

Ouverture, culture et mieux-vivre ensemble sont des sujets qui touchent particulièrement Fanny. Engagée depuis plusieurs années dans le secteur public culturel, elle revient grâce à Fragil à ses premières amours : le journalisme.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017