3 juin 2016

Au Hellfest, les 10 commandements tu respecteras

Du 17 au 19 juin prochain, Clisson vivra au rythme des double-pédales, de la punk attitude et des guitares saturées lors du Hellfest. Fragil vous présente les 10 commandements à suivre lors de cette 11ème édition, pour ne pas louper une miette de musique parmi les quelques 160 groupes programmés et faire ses armes dans le milieu des musiques extrêmes.

Au Hellfest, les 10 commandements tu respecteras

03 Juin 2016

Du 17 au 19 juin prochain, Clisson vivra au rythme des double-pédales, de la punk attitude et des guitares saturées lors du Hellfest. Fragil vous présente les 10 commandements à suivre lors de cette 11ème édition, pour ne pas louper une miette de musique parmi les quelques 160 groupes programmés et faire ses armes dans le milieu des musiques extrêmes.

I Tes années collège tu revivras

Vous vous souvenez de cette époque où l’on customisait nos sacs à dos à coups de patches et typos tremblantes au blanco de nos groupes préférés, dans l’espoir, avouons-le, de se faire une réputation badass au lycée ? Et bien c’est le moment de ressortir nos vieux cartables. Entre RammsteinThe OffspringDeftones ou Korn, il y a de quoi se faire une sacrée cure d’agréable nostalgie sur les Main Stages.

Les distorsions de Melvins (scène Valley, le vendredi), qui ont énormément influencé Nirvana, ressusciteront quant à eux la scène grunge des années 1990. Et si à l’époque vous en étiez encore à lire gentiment l’intégrale des Schtroumpfs ou à tenter pour la trentième fois de construire la maison de vos rêves sur Télécran, vous pouvez vous faire une session de rattrapage en écoutant leur perle Stoner Witch, sortie en 1994, ou l’un des 29 autres albums de leur discographie, qui s’étend de 1986 à 2014.

Vous vous souvenez de cette époque où l’on customisait nos sacs à dos à coups de patches et typos tremblantes au blanco de nos groupes préférés ?

II Au cœur du Mosh Pit* tes galons tu gagneras

Parmi les six scènes du Hellfest, la Warzone, consacrée aux scènes punk et hardcore, est sans doute la plus militante et énergique.

Les hostilités commencent fort dès le vendredi soir : les guitares dissonantes de Converge, tout droit venues de Boston, accompagnées de la voix possédée de Jacob Bannon, annoncent un show enragé. Pour se préparer à leur punk chaotique, une petite (ré)écoute de No Heroes vous laissera entrevoir l’univers sombre et furieux que le groupe vous réserve. Et comme un peu d’optimisme ne fait pas de mal, surtout au bout du troisième jour de festival, la Warzone invite Turnstile le dimanche matin, groupe de Baltimore et représentant de la PMA**. De quoi nous échauffer avant le set de Power Trip, immanquable pour les fans de la scène thrash metal crossover***.

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Le groupe suédois Refused clôture la Warzone et achèvera de nourrir la graine anarchiste et activiste qui sommeille en nous. Groupe mythique de la scène scandinave des années 1990, puisant sa rythmique dans les références du hardcore U.S., Refused est connu pour sa haine contre toute forme d’oppression. Le groupe allie riffs punk, voix colérique, avec parfois quelques touches jazzy, comme sur The Shape of Punk to Come (1998). Une petite écoute du titre Françafrique (sur l’album Freedom, sorti en 2015), qui évoque le rôle de la France dans les génocides perpétrés en Afrique, donne une bonne idée de leur dégoût pour l’establishment.

III Devant la grande messe du Black Metal tu t’inclineras

Il vient parfois un moment en festival où toutes ces personnes joyeuses et insouciantes dodelinant de la tête sous le soleil d’été en tapant des mains pendant trois jours peut lasser même les moins misanthropes d’entre nous. Un petit tour sous les scènes Altar et Templeest donc recommandé régulièrement. La programmation y est consacrée au black metal, mouvement né dans les pays scandinaves qui s’inspire des rites païens, de la nature et des mythes occultes (et dont les membres sont assez portés sur la double-pédale, les hurlements gutturaux, la joie de vivre et le maquillage). Le Grand Nord domine la programmation, avec la présence des Suédois Dark Funeral, de Taake (prononcer « Toké »), venus de Norvège, et d’Abbath, chanteur d’Immortal, un des groupes-phare de la scène de Bergen, chef-lieu du black metal dans les annéhttps://www.fragil.org/focus/taake.svartekunst.no/es 1990.

IV Sous la Valley tu planeras

Sous la Valley, l’atmosphère est plus psychédélique, la chemise de bûcheron devient incontournable et la barbe s’y fait plus fournie. Côté programmation, l’heure est à la transe, c’est le moment de planer. Entre Earth, qui déploie un doom teinté de noise et folk capable de nous faire quitter le monde réel (pour votre culture personnelle, on appelle ça du drone), ou Sunn O))), héritiers des premiers, on quitte les morceaux courts et frénétiques de la scène hardcore pour se laisser couler dans de longues nappes de méditation et de noirceur. Tool est très attendu dans la programmation du Hellfest. Ce ne sera pas encore pour cette année, mais son chanteur, Maynard James Keenan, y présentera son groupe Puscifer, en remplacement de Down, pour clôturer les concerts de la Valley. Les sonorités inspirées des musiques électroniques accompagnent la voix mélancolique très reconnaissable du chanteur.

Mais la Valley sait aussi faire place aux sons blues et entraînants. Parmi les représentants de la scène stoner et de ses dérivés, on peut aller secouer ses cheveux devant Wo Fat et Kadavar, en ne ratant sous aucun prétexte Fu Manchu le samedi, représentant le stoner dans ce qu’il a de plus gras et énergique. Sauf si vous avez effectivement ressorti votre veste à patches du lycée pour aller voir Korn, programmé à la même heure.

Sous la Valley, l’atmosphère est plus psychédélique : on se laisse couler dans de longues nappes de méditation et de noirceur...

V Les grands maîtres tu salueras

L’édition 2015 se termine sur Black Sabbath, considéré comme le premier groupe de metalpour beaucoup d’amateurs du genre, porté par leurs leaders mythiques Tony Iommi et Ozzy Osbourne, qui sera on l’espère plus en forme qu’en 2014. Pour les novices, les mains levées en corne de Satan chères aux métalleux viennent du chanteur Ronnie James Dio, décédé en 2010. Le dimanche soir sur la Main Stage s’enchaînent par ailleurs les pionniers du thrash metal : Megadeth et Slayer arrivent en patrons en toute fin de festival, comme pour signaler aux groupes actuels et aux plus jeunes des festivaliers que sans eux, le metal et ces trois jours de festivals n’auraient pas pu exister.

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Du côté de la Valley, c’est une autre leçon que donnera Magma dès le vendredi. Actif depuis 1970, le groupe se nourrit d’influences noisejazz et psychédéliques, créant ainsi le courant musical zeuhl.

Megadeth et Slayer arrivent en patrons en toute fin de festival, comme pour signaler aux plus jeunes des festivaliers que sans eux, le metal n’aurait pas pu exister.

Leurs concerts évoquent une transe énergique, une ode à l’univers et aux constellations… À voir, même si vous n’envisagez pas une retraite spirituelle immédiate (attendez un peu, il reste deux jours de festival).

VI Ton brushing tu soigneras

Le Hellfest n’échappe pas au phénomène de défilé de mode auquel on assiste dans chaque festival. Sauf qu’ici, pas de top crochet, d’imprimé hippie ni de ruban de fleurs dans les cheveux : on donne à fond dans le noir, le cuir et le clouté ! Au-delà des looks extravagants, la plupart des festivaliers portent le nom de leur groupe en T-shirt, plus que parmi les amateurs d’autres styles musicaux. Dans le metal, le T-Shirt à l’effigie d’un groupe fait en effet partie intégrante de la culture underground du genre. Situés hors des canaux de diffusion grand public pendant de nombreuses années (radio, chaînes musicales, grandes salles de spectacles…), les groupes ont développé leur propre promotion afin de se faire connaître lors des concerts. S’est développé ensuite tout un merchandising dans lequel certains collectionneurs n’hésitent pas à mettre le prix, acquérant parfois les objets les plus improbables (en fouillant dans les boutiques du line-up de cette année, on peut acheter un grille-pain Rammstein, une boule de Noël Anthrax ou Korn, et même un tablier Slayerpour vos barbecues. Oui oui).

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VII À l’aurore tu te lèveras

Qui dit festival, dit after jusqu’au bout de la nuit au camping. Mais déguster son café-croissant dès 10h30 devant l’une des six scènes du Hellfest promet de réserver de très bonnes surprises. Comme dit le proverbe, la musique appartient (aussi) à ceux qui se lèvent tôt !

Pour ceux qui ne sont pas du matin, le trio suédois Monolord inaugure les concerts de la Valley en douceur, avec un doom profond teinté de distorsions psychédéliques, qui adoucit les riffs bien gras et lourds caractéristiques du genre. Du côté de la Main Stage 2, les Californiens de The Shrine ouvrent le bal, livrant un stoner teinté de riffs hard rock 70s. Le genre qui donne envie de se laisser pousser les cheveux et de chevaucher une Harley le long de la Route 66…. Ou pourquoi ne pas se jeter directement dans le grand bain de l’extrême avec le groupe parisien Moonreich sur la scène Temple ? Leurs hurlements tout droit sortis des marais de l’Enfer, accompagnés de guitares saturées et double-pédales ne sont pas là pour donner la joie de vivre. Mais il s’agit d’un groupe à ne pas manquer si vous voulez prendre votre dose de black metal de bon matin.

VIII Connecté tu circuleras

Comme la plupart des festivals, le Hellfest propose aujourd’hui sa propre application mobile, dévoilant un running order personnalisé et permettant de partager ses expériences et anecdotes sur les réseaux sociaux, ou de publier ses photos où s’incruste la charte graphique du festival. On y trouve aussi une radio, un quizz musical (vous ne verrez plus jamais le temps d’attente aux toilettes comme avant) ou encore un système de géolocalisation (pour être sûr de retrouver sa tente sur les 25 hectares du camping ou votre ami Régis, s’il n’a pas perdu son téléphone…).

L’application mobile contient aussi une radio, un quizz musical ou encore un système de géolocalisation...

Et pour plonger virtuellement dans l’ambiance du Hellfest et préparer son circuit, la visite virtuelle Re-live, développée par la société nantaise Sparkk, propose de se déplacer en direct au cœur du festival depuis son ordinateur, via des vidéos interactives permettant de circuler au milieu des festivaliers, tout en proposant des captations live des concerts de l’édition 2015. Le tout se visite ici.

IX Entre deux concerts un voyage à Clisson tu feras

Durant le Hellfest, toute la ville de Clisson se met aux couleurs du festival. Pour les habitants et les commerçants de Clisson, le festival permet aussi de faire connaître la ville médiévale. Certains accueillent chaque année des festivaliers dans leur jardin ou leur maison. Chez le coiffeur, les looks se font punkrockabilly et metal. Un traiteur revisite même son pâté maison en forme de logo du Hellfest, et deux confiturières de Vallet ont créé la « Helljam », confiture de l’enfer, pour l’occasion. Une belle manière d’adresser un message aux quelques personnes qui, chaque année, voient dans le Hellfest une ode à la violence, à l’irrespect et au mal absolu, allant même jusqu’à dégrader le site en 2015.

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Côté musique, la SNCF propose cette année des concerts pour accueillir les milliers de festivaliers à la gare de Clisson. Le Helltruck s’installe quant à lui le jeudi sur le parking du centre commercial pour faire jouer des groupes locaux, comme les Nantais The Guardogset MNFCTRR. En attendant de les voir peut-être sur l’une des scènes du Hellfest lors des prochaines éditions…

X Devant la scénographie tes mirettes tu ouvriras

Pour son espace partenaire, le Hellfest a construit en marge des scènes une véritable rue s’inspirant de Camden Town, où ont pris place les boutiques de merchandising, le stand de tattoos et d’autres stands dédiés aux partenaires. D’importants travaux ont été réalisés sur le site même lors de l’édition 2015 : traçage de routes, installation d’une grande roue, pose de pelouses, transformation des chapiteaux de la Valley, de l’Altar et de la Temple en scènes en « dur »… Une rampe de skate a même été installée pour les sportifs !

Cette année, une statue réalisée par Jimmix, l’un des décorateurs du festival, à l’effigie de Lemmy Kilmister, leader de Motörhead disparu en décembre 2015, sera installée

Concernant la décoration du site, tout est fait pour nous transporter dans un autre monde, créant une ville à part entière, faite de murs en rouille, éclairés par les flammes jaillissant du crâne gigantesque qui surplombe le site. Cette année, une statue réalisée par Jimmix, l’un des décorateurs du festival, à l’effigie de Lemmy Kilmister, leader de Motörhead disparu en décembre 2015, sera installée en hommage à l’icône du metal et de la rock’n’nroll attitude. Au-delà de la musique, la scénographie fait entrer dans un monde à part, dont on ne ressort pas vraiment indemne, mais qui fait à coup sûr attendre avec impatience l’édition suivante.


Lexique

Mosh : to mosh signifie « écraser » en anglais. Il s’agit d’un style de danse dérivé du pogo, qui consiste à lancer ses jambes et bras violemment en ligne ou en cercle, au centre du pit. Petit conseil : devant un concert de hardcore, s’il n’y a personne à l’avant de la scène et que tout le monde est plaqué sur les côtés, c’est qu’il y a une raison, évitez donc de vous asseoir en plein milieu.

** PMA : Positive Mental Attitude : mouvement hardcore initié par Bad Brains, pionniers du hardcore punk, avec leur titre Attitude en 1982 (et pour couper court à toute autre revendication : non, Lorie n’y est pour rien).

*** Thrash metal crossover : genre issu du thrash metal intégrant des éléments punk et hardcore

Texte et photo : Mathilde Colas

Illustrations : Fatma Ben Hamad

Fatma Ben Hamad auprès d'écoliers d'Ancenis

Fatma Ben Hamad : du pastel à gratter

Alice au pays d'Ancenis

Alice au pays des merveilles… d’Ancenis !

Quand elle n’écrit pas, elle passe sa vie dans les concerts, du metal aux musiques électroniques, en passant par le blues et la musique classique. Traduire des atmosphères, des personnalités atypiques ou l’esprit d’un lieu, c’est ce que Mathilde recherche à travers l’écriture. Parmi ses grandes passions, on trouve aussi la photographie et un amour inconditionnel pour Berlin et sa folie créatrice.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017