17 mars 2017

Féminin égale masculin, masculin égale féminin

Féminin égale masculin, masculin égale féminin

17 Mar 2017

Il y a quelques jours, je déambulais dans un centre commercial, pour « tuer le temps ». Je me suis perdue dans les méandres d’un magasin de maquillage, Kiko. Je ne sais ni pourquoi, ni comment j’y suis arrivée, mais j’y étais. Trois jeunes filles se tenaient là, à s’emparer de tous les produits « testeurs ». Elles appliquaient les fards à paupière, rouge à lèvre et blush sur leurs visages comme on ajoute de la peinture sur une toile. Le petit frère de l’une d’entre elle, en retrait, observait sa sœur et ses copines ricaner. Une vendeuse s’approche de lui, il la regarde, et lui dit : « J’aimerais bien me maquiller ». Elle lui répond, d’un ton désolé mais sec : « Ce n’est pas pour toi ce qu’il y a ici, c’est pour les filles ». Attristé, l’air peiné, il surenchérit : « J’aimerais bien devenir une fille ». La jeune femme me regarde, gênée, et rétorque : « Ce n’est pas possible ». « Si c’est possible ! » affirme-t-il, blessé et déconfit après cet échange reflétant un triste phénomène sociétal où les stéréotypes et clichés de la fille-princesse et du garçon-bricoleur ont bon genre.
Je regarde à mon tour la vendeuse qui se tait, je m’approche du petit garçon et lui dit « Oui c’est possible. Si tu as envie de te maquiller, tu le peux. Si tu as encore envie de devenir une fille quand tu seras un peu plus grand, oui, c’est possible ». Peut-être était-ce la simple réflexion passagère d’un petit garçon qui envie sa sœur, peut-être étaient-ce les prémices d’une intense bataille qui relève d’un profond mal-être.
Nous avons créé des cases, dans lesquelles nous plaçons les gens. Ces cases se basent sur cette « norme » ne représentant pas les multitudes d’individualités qui se côtoient sur cette planète. Qu’appelle t-on « différence » ? Qui sommes-nous pour juger l’autre, l’inconnu ? Céline Sciamma a fait de ces questions une œuvre ; en Suède, ils ont créé un pronom neutre, ni masculin, ni féminin, le « Hen » ; en Polynésie, il y a les mahu et rae rae, tradition millénaire ; Manny Gutierrez est devenu la première égérie maquillage masculin pour la marque Maybelline New York, en janvier dernier. Les temps évoluent, mais le plus dur reste à faire : Zak Ostmane, jeune militant LGBT, en est la récente preuve : il a été victime d’un véritable calvaire, au nom de la différence, ou plutôt devrait-on dire, de la diversité. Cette diversité devrait être une force, et non une source de discrimination. Ne laissons pas cette confusion régner.

Aurélie Clément – Mars 2017

Entrez dans la danse

Le THéâTRe aMOk au festival Turbulences

Curieuse de tout et surtout de l'info, Romane (se) pose beaucoup de questions. Salariée de Fragil, elle écrit sur l'éducation aux médias et la musique actuelle !

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017