17 mars 2017

Entrez dans la danse

Le 18 janvier 2017, Fragil est allé déambuler dans l'antre du Château des Ducs de Bretagne. Pour dépoussiérer ces vieilles pierres marquées par l'histoire de la ville de Nantes, des nocturnes sont organisées afin de réveiller les fantômes. Ce soir-là, trois compagnies ont investi les lieux à l'occasion du Festival Flash Danse, à l'initiative du TU-Nantes. Récit et interview.

Entrez dans la danse

17 Mar 2017

Le 18 janvier 2017, Fragil est allé déambuler dans l'antre du Château des Ducs de Bretagne. Pour dépoussiérer ces vieilles pierres marquées par l'histoire de la ville de Nantes, des nocturnes sont organisées afin de réveiller les fantômes. Ce soir-là, trois compagnies ont investi les lieux à l'occasion du Festival Flash Danse, à l'initiative du TU-Nantes. Récit et interview.

Depuis le 5 octobre 2016, le musée d’histoire du Château des Ducs de Bretagne ouvre gratuitement ses portes une fois par mois au public dans le cadre d’une nocturne. A l’occasion du Festival Flash Danse, le TU-Nantes et le Château collaborent pour la quatrième nocturne. Trois compagnies ont ainsi investi les lieux en date du 18 janvier 2017 : la Compagnie LUCANE, la Compagnie Passage(s) et Le Pont Supérieur.

Récit de notre passage et interview d’Alma Petit, l’une des chorégraphes des performances des élèves du Pont Supérieur qui nous en apprendra plus sur les coulisses d’un tel événement.

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nocturne château #4
Le TU-Nantes et le Château collaborent pour la quatrième nocturne le 18 janvier 2017

Hugo Mourocq

Arrivée au Château à 19h20… Ce soir là, une file d’attente à n’en plus finir traverse la cour du Château des Ducs de Bretagne. On nous avait prévenus que nous risquions d’attendre un petit moment et l’on ne s’était pas trompé ! Ce rendez-vous mensuel semble avoir déjà conquis le cœur des Nantais.

Il fait noir, le vent souffle fort, et déjà au-dehors des performeurs jouent avec l’espace, les éléments et le public environnant. Nous sommes impatients de redécouvrir ce lieu, ses œuvres et son histoire sous un angle différent. Un feuillet est distribué à l’entrée afin de pouvoir cibler les divers projets mais nous décidons plutôt de déambuler et de marcher au hasard de la musique et des mouvements de foule.

« Une sensation de dépôt de mon cerveau »

Dans les escaliers, des danseurs se mélangent et se fondent aux visiteurs avec malice. La frontière entre l’acteur et le spectateur est ténue. Certains d’entre eux ne portent aucun attribut, aucune « tenue de scène », ne laissant ainsi rien présager de leur fonction bien particulière et l’on ne découvre parfois leur présence que par la répétition de mouvements ou d’une trajectoire singulière.

Ils sont nombreux, plus d’une soixantaine de danseurs en tout sont présents. Ils investissent les lieux et s’emparent de l’espace comme jamais. Nous parcourons les salles avec frénésie et découvrons à chaque instant de nouvelles propositions. Les corps se déploient ou se rabougrissent, vibrent et tourbillonnent, se dévoilent dans des propositions de groupe ou en solo, cherchent le contact ou le fuient désespérément…

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Passages-Tourbillon-photoshop
Les danseurs investissent les lieux et s’emparent de l’espace du Château des Ducs de Bretagne

Hugo Mourocq

Je voudrais frapper un grand coup pour déboussoler les rêveurs (...)

Nous arrivons dans la salle 8 ; une fille aux cheveux longs marche à travers la pièce. Personne ne semble faire véritablement attention à sa présence au départ. Peu à peu, ses gestes sont habités, elle fait plusieurs aller-retours se mêlant ainsi au public puis s’arrête net. Elle ne nous regarde pas. Jamais. Soudain, son regard est attiré par le sol, elle se baisse pour ouvrir une boîte de laquelle elle sort un violon. Il est 19h43 à présent, elle joue un peu puis s’exclame : « Je voudrais frapper un grand coup pour déboussoler les rêveurs (…) ». Des danseurs arrivent pour accompagner la longue tirade énigmatique qui s’ensuit.

Salle 11 : une danseuse tourbillonne seule dans la pièce…

Salle 13 : Deux danseurs fredonnent une mélodie qui semble ancestrale et gesticulent face à face dans des mouvements ondulatoires. Leur danse devient de plus en plus vive et mène à un corps-à-corps éprouvant : le souffle est court, ils prennent appui l’un sur l’autre et semblent tous deux au bord de l’épuisement. Sans transition, ils reprennent une trajectoire opposée qui vient mettre un terme à leur échange comme si rien ne s’était passé auparavant. L’un d’eux capte mon regard et reste près de moi, là, immobile, puis sourit car je ne bouge pas.

Lorsque nous arrivons dans les salles 18 et 19, nous sommes face à un amoncellement de corps qui se meut lentement au sol. Les visiteurs sont très proches des danseurs de par la configuration de l’espace. Cela crée une intimité particulière laissant ainsi place à des échanges de regards parfois timides, curieux, ou gênés. Une jeune femme (la chorégraphe Alma Petit, ndlr) vient mettre un terme à la proposition des élèves du Pont Supérieur d’un « Stop ! » prononcé haut et fort à la fin du temps imparti de l’improvisation. Ils se lèvent tous et se dirigent en silence vers une autre salle.


La nocturne vue par les danseurs

Maxime : J’ai trouvé que c’était un moment déstabilisant que de chercher à créer une empreinte dans des choses qui ne bougent presque pas. Un sacré défi ! Investir un lieu d’histoire est toujours un peu particulier ; tu te sens petit dans ces grandes pièces pleines de vie. L’enjeu que j’ai ressenti à l’intérieur a été de vraiment faire sentir que ces espaces vibraient. Mon besoin a été d’accueillir le moment avec sincérité lors des mises en situation proches du public, qui traverse ton espace ou voire même qui vient s’immiscer en toi… J’ai eu le sentiment de quitter mes codes de danseur et mon ego pour laisser place au corps et son état. Une sensation de dépôt de mon cerveau. Je suis passé par plusieurs états, c’est ce qui fait que j’ai apprécié cette expérience. « Découverte », « tranquillité » et « partage » sont des mots qui me reviennent en pensant à ce moment. J’aime me dire que l’on a pu laisser une petite part de nous tous dans ces lieux.

Lee Lee : Cette performance au château a été très riche en émotion et en partage, tant avec mes collègues qu’avec le public. Pouvoir ressentir, voir, et percevoir leurs réactions était parfois déroutant mais très agréable et stimulant. Cette perturbation m’amenait à aller plus loin dans ma danse et j’ai pu découvrir une nouvelle façon de bouger. Ce fut une expérience très riche sur le plan humain et artistique qui m’a confortée sur ce que je voulais devenir.


Dans la 32ème salle du musée, des performeurs invitent des enfants à danser dans un vacarme réjouissant. Ils courent dans tous les sens et finissent par former une ronde. De l’autre côté, salle 31, nous retrouvons des danseurs affalés et las dans des fauteuils. La chorégraphe arrive de nouveau et met fin à la performance par le même procédé verbal.

Il est 20h58 lorsque nous passons dans la salle 6. Les étudiants de l’École des Beaux Arts de Nantes accompagnés de la Compagnie LUCANE se montent les uns sur les autres au milieu de fauteuils dans une lenteur qui semble accablante. Leurs visages sont tous camouflés par des morceaux de tissus assemblés plus ou moins grossièrement de façon à ce qu’ils ne ressemblent plus tout à fait à des hommes. Une proposition sonore aux résonances mécaniques ajoute une atmosphère à la fois irréelle et pleine de tension. Les spectateurs chuchotent et n’osent pas trop bouger tandis que le groupe d’étudiants avance en rampant, rendant ainsi bien plus difficile la circulation des visiteurs qui doivent à présent les enjamber. Un peu plus loin, dans un espace étroit qui mène à l’ascenseur, quelques étudiants masqués jouent avec la présence des passants et les déstabilisent. Le fait de ne pouvoir être réellement vus et reconnus semble leur donner de l’audace.

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Les témoignages s’accumulent sur le panneau du hall d’entrée

Hugo Mourocq

Nous ressortons de cette nocturne presque sonnés par cette expérience d’immersion totale au sein de l’univers coloré et varié de la danse. La soirée a été très riche en propositions et nous sommes complètement conquis par tout ce qui nous a été donné à vivre, ressentir, expérimenter et percevoir ce soir-là.

Il faut réveiller les fantômes !

Nous repartons avec une autre façon d’observer notre rapport au monde et au corps dans leurs acceptions physiques et immatérielles. Comment habiterons-nous à présent notre corps ? Oserons-nous pousser les frontières de nos limitations corporelles et gestuelles après avoir été témoins d’autant de liberté d’être ? Les témoignages s’accumulent sur le panneau du hall d’entrée prévu à cet effet tandis que Maude, une visiteuse, nous confie le sourire aux lèvres : « J’ai trouvé ça intéressant de voir des corps en mouvement, et dans un lieu comme le Château. Il faut réveiller les fantômes ! »


L’art comme thérapie : entretien avec Alma Petit

Nous sommes désormais impatients de rencontrer Alma Petit. Jeune chorégraphe de 26 ans actuellement basée à Nantes, c’est elle qui a mené les ateliers d’improvisation et d’interprétation des élèves du Pont Supérieur ayant abouti aux propositions chorégraphiques de cette quatrième nocturne spéciale danse, en compagnie de son père Dominique Petit, directeur artistique des projets de première année du Pont Supérieur. Elle a accepté de nous en dire plus sur son travail ainsi que sur les coulisses d’un tel événement.

Fragil : Peux-tu te présenter ?

Alma Petit : Je viens d’une famille de danseurs contemporains et de pédagogues. Mes parents (Anne Carrié et Dominique Petit, ndlr) ont eu une compagnie de danse avant d’enseigner la danse dans des conservatoires. Grâce à eux, j’ai pu apprendre la danse, mais aussi la pédagogie et l’amour de l’art. J’ai suivi un parcours scolaire agrémenté de nombreuses heures de danse au conservatoire jusqu’à mes 15 ans pour ensuite redevenir une adolescente « normale » qui va au lycée comme tout le monde.
Après cela, je voulais devenir diplomate ou avocate internationale, j’ai donc fait du chinois et des classes préparatoires littéraires après le bac… pour m’apercevoir que j’aimais la philosophie et la culture mais que je ne voulais pas non plus renier mon héritage artistique. J’ai donc repris la danse et ai été acceptée à la Trinity Laban Conservatoire of Music and Dance à Londres où j’ai fait mon Bachelor of Art in Dance Theatre que j’ai eu avec mention très bien et les félicitations du jury.
C’est au cours de mes études là-bas et en traversant un long passage à vide que je me suis penchée sur la pratique de la méditation et de l’improvisation comme remède à mon mal-être. La pratique de ces techniques m’a ouvert les yeux non seulement sur ma propre capacité à me guérir, mais aussi sur les pouvoirs extraordinaires qu’ont l’art et la méditation dans la vie, même quotidienne. J’ai donc décidé de continuer mon cursus d’études en Californie auprès de la chorégraphe Anna Halprin et de sa fille Daria à l’institut Tamalpa, renommé mondialement auprès des danseurs et thérapeutes pour son approche unique de l’art-thérapie par le mouvement, le dessin, la performance, et l’écriture automatique. J’en suis revenue riche d’enseignements, de belles découvertes, et en sachant plus précisément ce que je voulais développer comme pratique artistique.
Désormais, je divise mon temps entre l’art et l’entreprise. Je continue d’intervenir en tant que danseuse et pédagogue pour des institutions artistiques et des compagnies, mais également en entreprises où je partage ma passion pour la méditation, la présence à soi, et l’intelligence du corps humain. Dans mes heures libres, je suis à la campagne ou à la mer, jamais loin de la nature sauvage où je sens que je peux me ressourcer pleinement. Et quand mon corps me le demande, je déroule mon tapis de yoga et profite des enseignements que j’ai reçus pour continuer d’approfondir ma pratique personnelle.

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La danseuse et chorégraphe Alma Petit

Crédits photo : Alma Petit

Fragil : Comment le projet de collaboration avec le musée du Château est-il né ? Est-ce une initiative personnelle ?

Alma Petit : Ce projet a été mis en place à travers mon père car Maurice Courchay, le directeur du Pont Supérieur, a été contacté pour participer aux nocturnes du Château. Ils ont ainsi demandé aux élèves de première année s’ils pouvaient participer à cet événement et mon père enseignant les cours d’improvisation a donc supervisé de manière artistique ce projet. Étant en déplacement un tiers de l’année, il m’a proposé au départ de prendre la relève pour les cours lors de son absence. Finalement, j’ai été présente pour tous les cours en tant qu’accompagnatrice et l’on a fini par travailler à deux pour ce projet.

(...) en tant que fille et en tant qu'artiste, c'était un grand cadeau de pouvoir partager cela avec mon père

Fragil : Comment aborde-t-on un travail de collaboration avec un(e) autre chorégraphe ?

Alma Petit :  Le travail de collaboration avec mon père a été une véritable surprise pour moi cette année car je ne m’y attendais pas du tout. Cela a été un vrai plaisir de se rencontrer de nouveau au travers de cette commande. Durant toute mon enfance et ma carrière de danseuse, j’ai plutôt été formée par ma mère et je n’avais jamais trop travaillé avec mon père. Je le connaissais plus en tant qu’artiste et pédagogue. Ce travail s’est fait de manière assez naturelle et il me semblait évident qu’il garde les rênes principales et que j’intervienne de manière secondaire. On s’est beaucoup apporté l’un l’autre, on a eu des beaux échanges.

Lui avait des réponses là où je n’en avais pas et vice-versa, parfois l’on en avait tous les deux, donc on essayait de trouver des compromis. J’ai été surprise de voir que l’on se retrouvait sur plein de choses : des propositions, des points de vue, des partis pris, de la poésie, une esthétique du langage, une manière d’aborder l’espace… En fait, en tant que fille et en tant qu’artiste, c’était un grand cadeau de pouvoir partager cela avec mon père.

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'Amener les spectateurs à se reconnecter eux-même au travers des danseurs et des actions des danseurs, à leur propre état de corps dans la particularité qu'est cet espace du Château de nuit'

Crédits photo : Alma Petit

C'était très important pour nous de briser les codes

Fragil : Comment travaille-t-on dans un tel espace lors des répétitions et des représentations ?

Alma Petit : L’enjeu était de mettre en valeur la globalité de l’espace et non pas juste ce qui était dans les vitrines et qui était « l’objet » du musée. Amener les spectateurs à se reconnecter eux-même au travers des danseurs et des actions des danseurs, à leur propre état de corps dans la particularité qu’est cet espace du Château de nuit. On n’habite pas un même espace que ce soit le jour ou la nuit. C’était très important pour nous de briser les codes d’une visite de musée classique et d’aborder avec beaucoup de respect cet espace chargé d’histoire, d’anecdotes, de messages différents. On s’est appuyés sur la configuration de la salle, ce qui était accroché aux murs, dans les vitrines, afin de faire état d’un thème qui nous semblait important même si au premier regard la salle ne semblait pas renvoyer à cela. L’une des choses qui me tient beaucoup à cœur est le rapport à l’intime ; et c’est dans une salle où il n’y a quasiment rien (ou juste une carte de la France et de la Loire-Atlantique au milieu de la pièce) que l’on a pu trouver une manière d’habiter cet espace sans être dans l’action voire même plutôt dans l’immobilité. Notre question était de se dire : « Moi, en 2017, avec mes habits, ce que je suis, à l’heure des réseaux sociaux, que dois-je savoir ? Qu’est-ce que je considère comme intime ? Qu’est-ce que je souhaite partager avec mon entourage ou des gens que je ne connais pas ? Suis-je en paix avec moi ? » Aborder cet espace de plein de manières très différentes : intime, créative, poétique, sensible, décalée et parfois presque innocente…

Fragil : Quels ont été les divers conseils donnés aux danseurs ?

Alma Petit : Le conseil principal qu’on a donné aux danseurs, c’est d’être présents. Présents à eux même, aux autres danseurs, aux lieux, à la performance et au public. On les a préparés à cela dès le début de l’année que ce soit en cours, ou pour la performance du Château. A travers des techniques de respiration et de visualisation, on les a amenés à être très conscients de leur état d’être, de leurs mouvements au moment présent afin d’être pleinement acteurs de chacun de leur gestes et qu’ils puissent faire des choix très clairs, lisibles et perceptibles pour le public.

Prendre cette expérience (...) comme l'occasion de planter de nouvelles graines pour le futur

Un autre conseil qu’on leur a donné était d’avoir du plaisir, de partager ce qui nous anime en tant que danseurs, de prendre cette expérience de pouvoir se donner à danser pendant trois heures d’affilée comme un vrai cadeau car il est très rare d’avoir ces conditions de représentation. Le dernier conseil était de prendre cette performance comme l’opportunité de se challenger et qu’elle marque une étape dans leur chemin de danseurs ; se donner l’opportunité de faire ce que l’on n’a pas forcément l’habitude de faire, de prendre plus de risques, d’être plus curieux, plus à l’écoute… Prendre cette expérience à la fois comme un bilan mais aussi comme l’occasion de planter de nouvelles graines pour le futur.

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'La pratique de [la méditation] m'a ouvert les yeux non seulement sur ma propre capacité à me guérir, mais aussi sur les pouvoirs extraordinaires qu’ont l’art et la méditation dans la vie, même quotidienne'

Crédits photo : Alma Petit

Fragil : Quels sont tes projets pour l’avenir ?

Alma Petit :  Ils vont dans deux directions. Tout d’abord en tant que danseuse, j’ai envie de continuer à approfondir ma pratique en tant qu’interprète. J’y ai repris goût récemment en travaillant avec plusieurs chorégraphes. J’ai remis le pied à l’étrier et ça me plaît beaucoup. J’ai hâte de retravailler dans cette direction-là.
Il y a également l’axe pédagogique car cela a été une belle découverte que d’enseigner l’improvisation avec mon père cette année. Une chose que l’on aimerait mettre en place en famille serait de donner des stages d’improvisation et d’art-thérapie avec mon oncle qui est artiste et thérapeute. Ça serait une belle aventure. Et puis de mon côté, j’ai aussi envie d’intervenir en entreprise, d’aider les gens à se sentir plus en phase avec eux même, moins décalés, moins stressés. J’ai envie d’aller là où il y a de joie, là où c’est simple.

« Doreen » au lieu unique : histoire d'un dernier soir

Féminin égale masculin, masculin égale féminin

Du plus loin que je me souvienne, ce qui fait « l'Homme » au regard d'une société, d'une culture, du temps ou de toute autre chose a toujours été au centre de mon attention... J'exploite et mets en œuvre ce qui me semble le plus juste au regard de ce qui se donne à vivre et à partager.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017