16 septembre 2016

Doom conquérant et Dark Fantasy : rencontre avec le groupe Conan

Fragil a rencontré Chris Fielding et Rich Lewis du trio anglais Conan, juste après leur sombre set de doom lors de la 9ème édition du festival Motocultor, qui s'est tenue du 19 au 21 août 2016 à Saint-Nolff (Morbihan). Créé par Jon Davis en 2006, le groupe a sorti son dernier opus, « Revengeance », en 2016. Ensemble, on a parlé doom, heroic fantasy, et de tout ce que le terme « heavy », difficile à retranscrire en français, signifiait en musique.

Doom conquérant et Dark Fantasy : rencontre avec le groupe Conan

16 Sep 2016

Fragil a rencontré Chris Fielding et Rich Lewis du trio anglais Conan, juste après leur sombre set de doom lors de la 9ème édition du festival Motocultor, qui s'est tenue du 19 au 21 août 2016 à Saint-Nolff (Morbihan). Créé par Jon Davis en 2006, le groupe a sorti son dernier opus, « Revengeance », en 2016. Ensemble, on a parlé doom, heroic fantasy, et de tout ce que le terme « heavy », difficile à retranscrire en français, signifiait en musique.

Quelques minutes après un concert à la fois enveloppant et enragé, et dans tous les cas extrêmement sombre, Chris Fielding et Rich Lewis, respectivement bassiste et batteur du groupe Conan depuis 2013 et 2014, sont apparus tout sourire, bien loin de ce qu’a retranscrit le son du trio de Liverpool sur la scène du Motocultor. Car le groupe fait du doom, mais à l’anglaise, avec ce ton conquérant et rebelle, ces sons expérimentaux et cette capacité à se décaler juste à la limite des codes du genre. Le groupe reste dans les grandes lignes du genre –  une courte définition pour les novices : du lourd, du lent, du saturé, du mal-être – , mais cherche à imprégner dans ses paroles et sa musique des sentiments de puissance et de conquête, voire d’espoir. Du doom non dépressif ? On dirait bien que l’expérience est possible.

Fragil : Pour ceux qui ne vous connaissent pas encore, pouvez-vous vous présenter et nous raconter l’origine et l’histoire du groupe ?

Chris Fielding (basse) : Jon Davis a fondé le groupe Conan en 2006. J’ai pour ma part commencé à enregistrer avec lui en 2013 et Rich Lewis est arrivé en 2014 à la batterie. Les amateurs de doom aiment généralement les sons très lourds, avec des basses très présentes. Jon a plutôt cherché à créer un doom guerrier et contemplatif dans un style plutôt planant et psychédélique. On définit nous-mêmes le style de Conan comme du caveman battle doom.

Le doom est d’habitude un genre très dépressif

Fragil : Pourquoi avoir nommé votre groupe Conan ? Est-ce que vouez une adoration sans limite à Arnold Schwarzenegger ?

Chris : Jon serait davantage capable d’expliquer pourquoi il a choisi ce nom, mais l’heroic fantasy est en fait son genre préféré, et il est également passionné par l’histoire du Moyen-Âge. Il a donc choisi ce nom en hommage au mythe de Conan.

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Le groupe de Liverpool Conan au Motocultor.
Le groupe de Liverpool Conan au Motocultor.

Mathilde Colas

Fragil : Cette passion pour la fantasy et les thèmes médiévaux se retrouve d’ailleurs dans les paroles et le chant quasi-incantatoire…Pourquoi avoir choisi ces thèmes ?

Rich Lewis (batterie) : Le doom est d’habitude un genre très dépressif. Nous sommes plus portés sur la conquête, la force et le pouvoir. La musique de Conan évoque davantage la bande-son de l’épopée d’un héros à l’histoire forte et rude qu’une descente vers le mal. »

La musique de Conan évoque davantage la bande-son de l’épopée d’un héros à l’histoire forte et rude qu'une descente vers le mal

Chris : Et avec tout ce qui arrive en ce moment dans le monde, il est bon de penser au courage. Le son que nous jouons vise à donner de la puissance intérieure. Mais bon, il ne faut pas non plus nous prendre trop au sérieux…

Fragil : Comment comptez-vous développer votre musique à l’avenir ?

Chris : L’ambiance et les images que nous cherchons à retranscrire à travers la musique est la même depuis les débuts du groupe. Mais au départ, le son était très lent, lourd, comme noyé. On essaie de le rendre encore plus puissant et de l’élever.

Rich : L’idée est de construire notre musique autour des sentiments d’agression, tout en gardant la même atmosphère, en la rendant encore plus intense.

Fragil : Mis à part Jon, fondateur du groupe, Conan a connu plusieurs formations à la basse et la batterie depuis sa création, et vous avez certainement connu d’autres styles musicaux avant d’intégrer Conan de votre côté. Comment parvenez-vous à mêler vos différentes influences dans un groupe à l’identité et au style déjà bien identifiables ?

Chris : Rich est un musicien plutôt technique, qui a fait ses armes sur la scène jazz. Pour ma part, je suis ingénieur du son, j’ai enregistré des centaines de sons aux styles différents. Chacun de nous a une idée différente de ce que heavy signifie, et nous essayons de mêler toutes ces perceptions ensemble dans nos nouvelles compositions, pour garder la même ambiance tout en la renforçant. Conan se dirigeait à ses débuts vers du heavy metal, mais pas au sens du genre musical comme on l’entend maintenant : il s’agit d’un son lourd, puissant et conquérant à la fois.

Chacun de nous a une idée différente de ce que 'heavy' signifie

Fragil : Vous venez de Liverpool, où la scène musicale rock est foisonnante. Qu’en est-il de l’accueil de la scène metal, dans cette ville et au Royaume-Uni en général ?

Rich : Jon vient de Liverpool, nous vivons à côté. Au Royaume-Uni, la scène underground est très développée, il est très facile d’y trouver de nombreux lieux où jouer, notamment à Manchester et dans tout le Nord de l’Angleterre. »

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Le groupe de Liverpool Conan au Motocultor.
Le groupe de Liverpool Conan au Motocultor.

Mathilde Colas

Chris : Liverpool est une ville aventureuse et casse-cou. C’est un endroit où l’on peut tenter et découvrir de nouvelles choses musicalement. La scène anglaise nous a permis de découvrir d’autres musiciens et Conan a fait plusieurs splits avec deux groupes anglais (Bongripper) et irlandais (Slomatics). Ce sont des amitiés qui se sont développées ensuite à travers la musique.

Liverpool est une ville aventureuse et casse-cou

Fragil : Par rapport à de gros festivals dans lesquels vous avez tourné, comme le Hellfest en 2014, comment trouvez-vous l’ambiance au Motocultor ?

Rich : Musicalement, la programmation est ici aussi variée qu’au Hellfest. Nous sommes arrivés sur le site seulement hier soir et avons pu voir Jello Biafra, un bon coup de cœur dès nos débuts sur le festival. Mayhem et Neurosis ont aussi livré des sets impressionnants. Et là, on file voir Bongzilla.

Chris : On ressent au Motocultor une communauté très forte autour du metal, le site et le public renvoient d’excellentes vibrations. On ressent au Motocultor un esprit familial et très convivial. Jouer au Hellfest et dans d’autres gros festivals était vraiment super, mais il y a ici un esprit de passionnés qui se ressent en jouant sur scène.

Au bout de 30 minutes d’interview, on n’a pas réussi à trouver ensemble une véritable définition de heavy. Mais que ce soit lors du concert ou de l’interview, je suis ressortie de ces moments la tête ailleurs, des accords plein la tête. Bon, j’avoue, j’ai aussi cherché des billets pour Liverpool en aller simple, avant de me rappeler que je reprenais le travail le lendemain et d’abandonner ce grand projet d’une vie qui m’aura hanté quelques heures. Parce que dans le Nord de l’Angleterre, berceau musical du pays, règne aussi un esprit underground et spontané qui se ressent dans les personnalités des deux musiciens et dans la musique du groupe.

Pour en savoir plus : http://www.hailconan.com/ et https://conan-conan.bandcamp.com/.

A lire sur Fragil : le live-report du Motocultor 2016.

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Quand elle n’écrit pas, elle passe sa vie dans les concerts, du metal aux musiques électroniques, en passant par le blues et la musique classique. Traduire des atmosphères, des personnalités atypiques ou l’esprit d’un lieu, c’est ce que Mathilde recherche à travers l’écriture. Parmi ses grandes passions, on trouve aussi la photographie et un amour inconditionnel pour Berlin et sa folie créatrice.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017