19 octobre 2017

#balancetonporc

#balancetonporc

19 Oct 2017

Voilà quelques jours que ce nouveau hashtag a fait son apparition sur Twitter (depuis l’explosion de l’affaire Weinstein et son torrent d’accusations). Et force est de constater que le flot de témoignages d’harcèlement ou pire de viols ne cesse de se développer sur le réseau (plus de 160 000 témoignages à ce jour). Autant de femmes qui osent parler, témoigner, pour que ces agissements soient dévoilés au plus grand nombre.
En tant qu’homme de bientôt quarante ans, je suis effaré par le nombre et par la teneur de ces témoignages. J’étais loin d’imaginer qu’autant de femmes avaient été victimes de ces atroces agissements masculins et que la France était à ce point gangrénée. On connait pourtant le nombre hallucinant de plaintes pour tentatives et viols enregistrées par an en France (15 848 en 2016, soit une moyenne de 43 par jour !). Et ce chiffre ne prend évidemment pas en compte le nombre de femmes qui choisissent de se taire (le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes estime que chaque année, 84 000 femmes âgées de 18 à 75 ans sont victimes de viols ou de tentatives et il s’agit d’une estimation minimale).
Ce qui parait le plus affligeant, ce sont les réactions masculines en réponse aux cris de ces femmes. Il y a ceux qui tentent de justifier ces comportements ignobles, ceux qui préfèrent y voir un tissu de mensonges, ceux qui protègent l’honneur de la gent masculine, ceux qui comparent ces dénonciations à l’époque de la collaboration, ceux qui préfèreraient qu’on parle des mecs super cool, ceux qui en profitent pour donner une leçon aux femmes et ceux qui affirment haut et fort qu’ils ne dénonceraient jamais les coupables. Ces dérapages sont tout bonnement honteux !
Cependant, pour éviter que l’on croit que je suis un ange, j’ai, moi aussi, regardé avec insistance une femme que je trouvais belle dans les transports en commun. J’ai, moi aussi, avoué à une femme que je la trouvais ravissante. Mais je ne me suis jamais autorisé plus. Sûrement grâce à mon éducation qui m’a permis de grandir avec un respect infini pour les femmes. Parce que c’est d’une femme que nous venons tous…
Je crois que, pour une des premières fois de ma vie, j’ai honte d’être un homme.

Dans l’expectative de l’amélioration des conditions de voyage

Ibeyi fait vibrer le Stereolux

Réalisateur de formation, Merwann s’intéresse à la musique, à la littérature, à la photographie, aux arts en général. De juillet 2017 à juillet 2023, il a été rédacteur en chef du magazine Fragil et coordinateur de l'association.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017