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16 décembre 2016

Alep : un silence assourdissant

Alep : un silence assourdissant

16 Déc 2016

Cinq ans. Près de cinq années à résister. Tout est parti d’une révolution pacifiste contre l’autoritarisme, d’un soulèvement populaire réclamant plus de démocratie, dans la lignée des mouvements des Printemps arabes. Cette rébellion qu’on a voulu faire taire. Qu’on a voulu faire taire en utilisant la violence, la répression, les balles de plomb. Les bras ballants ils sont restés, ou au mieux parfois les bras croisés, sans broncher. Enfin si, des discours condamnant ces « actes de cruauté », ils ont su en faire… des tas, des tonnes, des caisses. Ils, ce sont ces politiques, l’ONU, la communauté internationale, les institutions étatiques. Se tourner les pouces, se renvoyer la balle, en attendant qu’elle explose dans les paumes de celui qui sera désigné plus tard comme « responsable », puisqu’il en faut toujours un. Mais ce sang, qui coule sur Alep, nous l’avons tous sur les mains. On attend, en actualisant le fil d’actualité de nos réseaux sociaux, que les mauvaises nouvelles tombent une par une, voyeurisme morbide. Sentiment d’impuissance. Une « libération » exercée par l’écrasement inconditionnel de l’insurrection. Une « libération » exercée par le massacre de la population civile. Hommes, femmes, enfants. Certains n’ont connu que la guerre, le chaos, l’horreur au prix des ego. Jean-Marc Ayrault a déclaré dans un communiqué le 13 décembre : « Les soutiens du régime, à commencer par la Russie, ne peuvent pas laisser faire et admettre cette logique de vengeance et de terreur systématique sans prendre le risque d’en être complices. »  Maintenant que le point de non-retour est atteint, les accusations et dénonciations vont bon train. Le temps des regrets, aussi. A défaut d’avoir « trop tardé [à agir] sur le plan politique », on éteint la Tour Eiffel en guise de « solidarité »… ou par simple moyen de se déculpabiliser. Complices nous aussi ? Une dizaine de tentatives de réécriture plus tard, on a tenté de trouver une « bonne fin » à cet édito mais il n’en existe pas. Si seulement nous pouvions… réparer les vivants.

Aurélie Clement, décembre 2016

The Rusty Bells : rencontre sur la planète rouge

Un vœu pour Noël

Curieuse de tout et surtout de l'info, Romane (se) pose beaucoup de questions. Salariée de Fragil, elle écrit sur l'éducation aux médias et la musique actuelle !

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017