23 décembre 2016

Pour retrouver le jeu À la nantaise !

En ces temps mouvementés pour le Football Club de Nantes, actuellement 17ème du classement de la Ligue 1, Fragil a rencontré Florian Le Teuff, membre fondateur et président de l’association À la nantaise qui milite depuis 2010 pour mettre sur pied le premier projet d’actionnariat populaire du football français. Entretien pour tenter de comprendre ce projet unique dans l’Hexagone.

Pour retrouver le jeu À la nantaise !

23 Déc 2016

En ces temps mouvementés pour le Football Club de Nantes, actuellement 17ème du classement de la Ligue 1, Fragil a rencontré Florian Le Teuff, membre fondateur et président de l’association À la nantaise qui milite depuis 2010 pour mettre sur pied le premier projet d’actionnariat populaire du football français. Entretien pour tenter de comprendre ce projet unique dans l’Hexagone.

Fragil : Depuis quand êtes-vous supporter du FC Nantes ?

Florian Le Teuff: Mon père m’a emmené la première fois à la Beaujoire quand j’avais 12 ans. J’ai tout de suite été attiré par l’atmosphère qui régnait dans ce stade. Je me suis ensuite abonné en 1994 et je renouvelle mon abonnement tous les ans depuis cette date. J’ai notamment eu la chance de vivre deux titres de champion de France. Quand les résultats du club ont été de plus en plus décevants, j’ai pris conscience que l’identité du club était en train de se perdre, d’où l’idée de créer l’association À la nantaise.

Provoquer un élan populaire et défendre les valeurs du FC Nantes Florian Le Teuff

Fragil : Quels sont les objectifs de cette association ?

Florian Le Teuff: En 2010, le club était au bord de la relégation en nationale. Avec plusieurs amis, nous avons fait le choix de créer À la nantaise pour provoquer un élan populaire et défendre les valeurs du FC Nantes. Des valeurs sportives, le jeu collectif, la formation, le respect de l’indépendance de la cellule sportive, et des valeurs extra-sportives de bonne gouvernance, de transparence et d’ancrage local. Des valeurs avec lesquelles il faut que le FC Nantes renoue pour entrer pleinement dans le 21ème siècle. Cette association nous a permis de fédérer des experts, des universitaires, des avocats, des chefs d’entreprise que nous avons réunis autour d’une table pour répondre à la problématique suivante : comment faire pour détenir un levier au sein du club ? Sachant que depuis 2001 et l’arrivée d’investisseurs extérieurs au territoire, les acteurs nantais n’ont plus leur mot à dire sur la gouvernance de leur club. Le but était de recréer une connexion avec le territoire et avec l’histoire du club.

Florian Le Teuff, membre fondateur et président de l'association À la nantaise
Florian Le Teuff, membre fondateur et président de l'association À la nantaise

Merwann Abboud

Fragil : Comment se concrétiserait votre projet d’actionnariat populaire ?

Florian Le Teuff: L’idée est née en 2011. L’association À la nantaise a créé une société par actions simplifiée (SAS) qui permet de récolter des fonds. Lors du prochain changement de propriétaire, cette SAS aura vocation à prendre part au tour de table pour épauler ce nouvel actionnaire en tant qu’actionnaire minoritaire. Le but étant de contribuer à tous les débats qui animent le FC Nantes, non pas en tant que décideur, mais nous souhaitons avoir le droit à la parole, pouvoir argumenter et exprimer notre attachement à nos valeurs et les défendre. Depuis que nous avons levé des fonds, la SAS détient l’équivalent de 7% du montant actuel du capital du FC Nantes qui s’élève à 500 000 €. Par ailleurs, une étude indépendante de l’université de Nantes, réalisée auprès du public de la Beaujoire, a démontré que le potentiel économique d’un projet d’actionnariat populaire au FC Nantes, dans le cadre d’une ouverture du capital, s’élèverait à 1,7 millions, soit plus de trois fois le montant du capital actuel. L’actionnariat populaire est un modèle qui a démontré son efficacité dans les grands championnats européens et on souhaite, à Nantes, concrétiser le premier projet d’actionnariat populaire du football français.

Fragil : Où se situe le blocage ?

Florian Le Teuff: À l’heure actuelle, il n’existe aucune forme de dialogue avec le propriétaire actuel, ce qui est susceptible de générer des conflits extrêmement regrettables comme ceux du match contre Toulouse (l’envahissement de la tribune présidentielle par des supporters en colère, ndlr). Aujourd’hui, Monsieur Kita est tout à fait hostile à notre projet. C’est pourquoi nous savons que nous n’aboutirons à rien sous sa présidence. Nous préparons l’après-Kita. Notre objectif est d’être prêt le jour venu et, entre-temps, de faire passer des messages forts.

Fragil : Notamment le Manifeste ?

Florian Le Teuff: D’une part, nous voulons que les futurs investisseurs s’appuient sur les valeurs qui ont fait la force et l’identité du club. D’autre part, nous souhaitons que les acteurs du territoire, les supporters en premier lieu, mais également les chefs d’entreprise de la région, détiennent au moins une partie du capital du club pour réaffirmer l’ancrage local du FC Nantes.

Recréer un lien entre le territoire et la gouvernance du club Florian Le Teuff

Fragil : Pensez-vous que l’arrivée du nouvel entraîneur améliorera la situation ?

Florian Le Teuff: Le FC Nantes a le record de changement d’entraîneurs, 12 en 10 ans. On peut encore changer dix fois d’entraîneur cette année, est-ce que ça modifiera la donne ? Non ! Autrefois, le club se caractérisait par une grande stabilité, notamment au niveau des entraîneurs. A l’époque on leur laissait le temps de travailler et ils obtenaient des titres. Aujourd’hui, on change d’entraîneur comme de chemise. La conséquence : le club est 19ème (interview réalisée le 13/12/2016, le club était alors 19ème, ndlr). Il s’agit clairement d’un problème de gouvernance ! Depuis que des investisseurs extérieurs au territoire ont pris le contrôle du FC Nantes de manière hors-sol et autocratique, puisqu’ils détiennent 100% du capital du club, ça ne fonctionne pas. Par conséquent, de manière très pragmatique, on a élaboré ce projet d’actionnariat populaire pour recréer un lien entre le territoire et la gouvernance du club.

Nous voulons redevenir pionniers ! Florian Le Teuff

Fragil : Quelles seraient, selon vous, les solutions pour redresser le club ?

Florian Le Teuff: Renouer avec les idées novatrices et le savoir-faire de José Arribas. Depuis 15 ans et l’éviction de Reynald Denoueix, le dernier garant du jeu à la nantaise, le FC Nantes n’est plus que l’ombre de lui-même, depuis que les investisseurs successifs se sont dits qu’ils allaient faire table rase et ne pas se soucier de l’ADN du club. Mais l’ADN du FC Nantes, c’est un savoir-faire qui a démontré son efficacité puisque, depuis les années 60 et l’arrivée de José Arribas, le fondateur du jeu à la nantaise, le FC Nantes est parvenu à être champion de France au cours de chacune des décennies avec l’idée d’avoir un temps d’avance sur l’évolution du football. Aujourd’hui on fait l’inverse, on essaie de copier les autres et on a un temps de retard. Nous voulons donc renouer avec cette capacité à toujours innover et, selon nous, cela passe par le premier projet d’actionnariat populaire du football français. Nous voulons redevenir pionniers ! Pour nous, c’est l’évidence ! Il faut inventer un nouveau mode de gouvernance plus respectueux de l’ADN du FC Nantes.

àlanantaise.fr_
Le site alanantaise.fr le 13 décembre 2016

Fragil : Votre association est-elle en relation avec les groupes de supporters ?

Florian Le Teuff: Nous n’avons aucune vocation à animer les tribunes, il y a des supporters qui le font parfaitement bien. C’est d’ailleurs un des aspects qui a toujours fonctionné dans ce club : malgré les résultats, Nantes a toujours brillé par l’ambiance au sein du stade. La Beaujoire est le seul lieu de la ville qui rassemble tous les quinze jours plus de 30 000 personnes et qui fait parler de la ville dans les médias nationaux. La mairie a donc forcément un regard attentif sur les activités du club et nous comptons sur le soutien de la Ville de Nantes qui aura son mot à dire lors du futur changement de propriétaire.

Fragil : Un souhait pour 2017 ?

Florian Le Teuff: J’espère que le FC Nantes retrouvera son identité et que le club sera le premier à concrétiser ce projet d’actionnariat populaire. Ce serait intéressant pour le rayonnement de la ville et qu’à nouveau les Nantais soient fiers de leur club et de leurs couleurs. Le FC Nantes est un élément précieux du patrimoine de la ville qui rassemble toutes les catégories sociales, toutes les générations. Nous appelons donc tous les amoureux du FC Nantes à signer ce manifeste pour que, dans un esprit fédérateur, positif et constructif, nous puissions préparer l’après-Kita afin que l’avenir du FC Nantes ne s’écrive plus sans ceux qui l’aiment.

Est-ce que tu Baez ?

Rangez ce zizi que je ne saurais voir

Réalisateur de formation, Merwann s’intéresse à la musique, à la littérature, à la photographie, aux arts en général. De juillet 2017 à juillet 2023, il a été rédacteur en chef du magazine Fragil et coordinateur de l'association.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017