• Pour les 30 ans de Jet FM, retour en 1986.
24 juin 2016

Jet FM : 30 ans de vol sur les ondes

Retour sur une semaine de fête sur Jet, la plus ancienne des radios libres nantaises qui a survécu aux différentes tempêtes réglementaires du secteur.

Jet FM : 30 ans de vol sur les ondes

24 Juin 2016

Retour sur une semaine de fête sur Jet, la plus ancienne des radios libres nantaises qui a survécu aux différentes tempêtes réglementaires du secteur.

Cette semaine de rétrospective, du 13 au 19 juin, aura permis à Jet de se replonger dans son histoire, de revenir à ses origines, de retrouver ses fondateurs, et de rappeler d’anciens bénévoles pour faire revivre certaines émissions qui auront marqué l’histoire de cette radio décidément pas comme les autres.

Retour aux sources

A l’origine, il y eut Patrick Guérin qui bidouilla une antenne CB et lança avec des jeunes du centre socioculturel de la Bernardière (Saint-Herblain), Radio Parpaing ! Portée d’écoute à 400 mètres à la ronde, autant dire une radio de quartier.

Cinq ans après la libération des ondes par François Mitterrand, lui-même interpellé en 1979 sur une radio parisienne pirate dénommée Radio Riposte, le vent commence pourtant à tourner pour les radios libres en 1986. Le gouvernement Chirac inaugure la première cohabitation politique au pouvoir, et en profite pour venir mettre son grain de sel dans la réglementation. Il dissout la Haute Autorité (ancêtre du CSA) qui était chargée de distribuer les autorisations d’émettre aux radios, et lance, avec François Léotard, la CNCL (Commission Nationale de la Communication et des Libertés). L’histoire nous apprendra qu’il aura suffi de créer une commission des libertés pour comprendre qu’on en serait privés.

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Jet FM en action avec la journaliste Magali Grollier et la responsable technique Anne-Laure Lejosne.
Jet FM en action avec la journaliste Magali Grollier et la responsable technique Anne-Laure Lejosne.

Jet

Pendant qu’à Paris les radios, nées dans des chambres de bonne ou des greniers, commencent à s’émanciper en lorgnant du côté des régions pour constituer des relais grâce au satellite et former des réseaux nationaux, à Nantes, Radio Parpaing devient Fun FM. Pas très longtemps puisqu’en 1987, le réseau Chic FM du groupe de presse Hersant fusionne et devient Fun Radio. La radio « faite par des jeunes pour des jeunes » (slogan de l’époque) se rebaptise une troisième et dernière fois en Jet FM sur la fréquence du 93.3 Mhz. Le 28 juin 1989, Jet se retrouve condamnée au silence pour quelques mois après le vol de son matériel au sein même du centre socioculturel de la Bernardière. Et c’est en 1992 que la radio commence à se structurer autour de rendez-vous réguliers.

Retour vers le futur

Durant cette semaine historique millésimée 1986, on a pu réentendre notamment les témoignages émouvants de Karine et de Nathalie, animatrices dès la première année de l’émission Face B. Nous racontant leurs multiples rencontres, leur interview de Jean-Marc Ayrault, alors maire de Saint-Herblain, la couverture du festival des Francofolies de La Rochelle, ou encore lorsqu’elles se sont retrouvées avec un boa sur les bras lors de leur couverture de la Foire Expo Internationale de Nantes.

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Daniel Mermet au micro de Jet et Fragil.
Daniel Mermet au micro de Jet et Fragil.

Jet

On l’oublie aujourd’hui puisque cela a disparu, mais la radio fut également à l’époque la possibilité pour de jeunes appelés, objecteurs de conscience, d’exercer en lieu et place un service civil en milieu associatif. Ce fut le cas des fondateurs de la radio et d’autres jeunes qui l’ont ensuite rejointe par ce biais. Si le service militaire obligatoire est aujourd’hui heureusement révolu, Jet FM a conservé en quelque sorte dans son ADN cet esprit alternatif qui refuse de rentrer à marche forcée dans le rang. Militante et engagée, la radio compte parmi ses plus anciennes émissions celle consacrée à l’économie sociale et solidaire, Comment Vont les Fourmis ?, animée par Pascal Massiot. La radio ne perd jamais une occasion de tendre son micro et d’ouvrir son antenne aux syndicalistes, à la Libre-pensée, à tous les défenseurs des droits de l’Homme et du citoyen, aux féministes, aux associations de lutte pour les droits des lesbiennes, gay, bi ou trans. A toutes celles et ceux qui restent opprimés.

La plupart du temps à contre-courant des autres médias dans leur ensemble, Jet FM est capable, comme encore récemment, de s’interroger sur l’indépendance des médias en France lors d’une conférence publique, ou de délocaliser durant toute une semaine son antenne au Festival des 3 Continents en faisant appel aux autres radios associatives de Nantes pour une plus grande couverture médiatique. Celle que l’on qualifie de « curieuse » l’est bien évidemment dans tous les sens du terme. En partie grâce à ses bénévoles dont l’imagination continue à chaque saison de surprendre par l’originalité, l’audace culturelle dont ils font preuve, et la qualité des émissions, des chroniques, des créations sonores qui n’arriveront jamais à formater cette antenne pas comme les autres.

La culture occupe une place à part entière sur l’antenne. Ouverte au cinéma, aux livres, aux lectures, aux bandes dessinées, à l’art contemporain, et bien sûr à la musique, éclectique, expérimentale, indépendante, surprenante, et rarement issue des circuits traditionnels.

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L'émission du midi à Jet FM.
L'émission du midi à Jet FM.

Jet

Pour la semaine de ses 30 ans, certaines émissions emblématiques actuelles et de ces dernières années ont accepté de se resituer en 1986. Parmi elles, on peut citer Hashtag & Têtes de bois, Dehors, Aparté Sonore, Travelling avant, Cosmogol 999, i Hate Music, Destination Loubards, BaTTeul, ou encore Katharsis. Oui bon d’accord, Taxi Jet aussi si vous voulez…

Aujourd’hui présente en FM, en RNT, et sur internet, Jet FM a aussi développé un concept de radio-école où plusieurs centaines de jeunes viennent chaque année découvrir l’univers de la radio, tout un symbole avec ses origines en 1986. En plus de ses activités d’éducation aux médias en plein essor, la radio propose également des formations avec des professionnels, et envisage une nouvelle édition de son festival Sonor pour l’automne 2016. Exigeante et farouchement libre comme l’air, Jet continue son plan de vol, loin du bruyant trafic ambiant qui a formaté les ondes.

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L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017